PARTIE III. CLASSIFICATION DES NOUVEAUX INSTALLES SUR LES
III.2. Classement des nouveaux installés sur la vallée de Saint Amarin
III.3.3. Les différents types d’installés et la dynamique de transition
Par rapport à l’enjeu des circuit-courts de proximité, on distingue clairement deux grands types d’installations sur le Pays de Rennes.
Il y a d’abord les installations dans le cadre familial reprenant les formes commercialisation qui était celles de la génération précédente, et ne représentant qu’une faible part du chiffre d’affaire. Ces derniers n’ont pas de véritable motivation pour les circuit-courts, mis à part une valorisation économique supérieure pour leur production. Toutefois, ce mode de valorisation est également plus contraignant, ce qui peut les amener à envisager d’arrêter le vente en circuit-court si les cours en circuit long sont plus favorables.
A l’opposé, il y a les nouveaux installés qui dirigent leur production afin de s’adapter à la vente en local. Ce sont tous des agriculteurs aux valeurs de la niche, à des degrés ou avec des visions de son développement différents. Ils n’innovent pas dans le sens où ils ne créent pas de nouveaux modes de commercialisation, mais utilisent toutes les formes innovantes existantes sur le territoire. Mais à observer la réponse des consommateurs à ces nouvelles offres de produits alimentaires locaux, celle-ci semble créer la demande. Ainsi, la création d’exploitations pensées et dimensionnées pour la consommation locale contribue à impliquer plus de citoyens dans l’agriculture, la base d’un modèle agricole reterritorialisé.
Il est toutefois difficile de distinguer un mode de commercialisation plus « perméable » à l’installation qu’un autre, c'est-à-dire plus accessibles et facilitateur pour les porteurs de projets. Le choix du mode de commercialisation semble d’abord relever de choix personnels, mais aussi de la densité de population et de réseaux de producteurs autour de l’exploitation ou encore des volumes produits (facteurs confirmés par les formateurs AB du CFPPA du Rheu). Les systèmes de paniers, et en particulier les AMAP peuvent toutefois être distinguées, car particulièrement accessibles aux nouveaux installés. En effet, cette forme de structuration de la demande semble faciliter l’installation d’un producteur qui peut plus aisément planifier sa production et son bilan financier en sachant à l’avance que les produits seront vendus (limitant également les invendus). De plus, les paniers sont parfois payés d’avance, ce qui permet au nouvel installé de disposer d’une trésorerie plus confortable au départ, améliorant considérablement les conditions de travail (moins de stress, moins de contraintes financières…).
Enfin, les contrats qui peuvent être signés entre producteurs et consommateurs sont également des garanties légitimants les projets d’installations vis-à-vis des banques parfois peu enclines à leur octroyer des emprunts.
Conventionnel, CCP en appoint
Conventionnel en transition
Professionnalisée, directe Progressif voulu Progressif
contraint
Type CF CF HCF HCF HCF
Surface 60 - 100 ha 60 - 100 ha 4 - 7 ha 2 - 4 ha 15 - 25 ha
Type de production Lait et ou troupeau allaitant
(bovins/ovins) Lait et bovins allaitants
Maraichage spécialisé (12-20 espèces)
Maraichage diversifié (60aine
d'espèces) Paysan boulanger
Trajectoire
d'installation Directe Directe Directe Progressif Progressif
Investissements Importants, dès l'installation Importants, dès l'installation Importants, dès l'installation Légers, étalés Importants, étalés
Financement Emprunt banquaire, aides JA. Emprunt banquaire, aides JA, aides locales (CG, CR)
Emprunt banquaire, aides JA et aides locales (CG, CR)
Investissements faibles, ne sollicitent pas forcément aides JA et aides JA locales
Emprunt bancaire, aides JA et aides locales (CG, CR) Démarche d'accés au
foncier Aucune Aucune
Prospection dans les réseaux, trouvent le foncier qui leur convient
Proposition tierce
Prospection dans les réseaux, sans trouver exactement ce qui leur convient parfaitement Type de
commercialisation
Majorité en circuit long (90% CA)
Majorité en circuit long (90% CA)
Majorité en circuit long (90% CA) ou un gros débouché en circuit court et le reste en circuit long.
90-100% en circuit court 100% en circuit court
Démarche de commercialisation
Vente directe à la ferme, pas de démarches spécifiques
Vente directe à la ferme, démarchage des magasins locaux
Essayent de concentrer sur un débouché, prospection importante, peuvent créer leurs débouchés
Opportunité venant de tiers (magasin de producteurs, consommateurs)
Prospection maximum, peuvent créer des débouchés
Logique de commercialisation
CCP en appoint, motivation économique.
Liens avec consommateurs pas une priorité
CCP en appoint, tend à se développer dans une logique de développement pour local
Valorisation de la production, pas de lien au consommateur
Valorisation de la production, Développement local, liens aux consommateurs Valorisation de la production, Recherche du lien au consommateur, développement local Implication dans les
réseaux agricoles Non
Réseaux alternatifs (Agrobio, ADAGE)
Réseaux alternatifs (confédération paysanne, Agrobio35, CIVAM)
Faible voir pas d'implication dans réseaux alternatifs
Réseaux alternatifs (CIVAM, Agrobio35…) Logique de
production
Conventionnel plutôt intensif, logique technico-économique
Conversion vers l'AB, "bio productif"
Logique technico-économico- environnementale
Agriculture bio productive. Logique technico-économico- environnementale
Agriculture bio autonome et économe pour le local. Présence forte d’éthique.
Agriculture bio cohérente et locale.
Partie IV. Les nouveaux installés au sein d’un territoire
identifié en transition
Dans la partie précédente, nous avons présenté par territoire les différents types de nouveaux installés, en mettant en avant les stratégies utilisées pour cela et les caractéristiques qu’ils présentent.
Nous avons donc vu que les nouveaux installés étaient animés par des objectifs et des visions de l’agriculture divergents, certains mettant en place des systèmes agricoles correspondant à ce vers quoi la transition territoriale tend à aller, tandis que d’autres restent sur les principes d’exploitation du modèle dominant. On observe également les phénomènes d’hybridation, notamment par l’intégration d’innovations de la niche par des nouveaux installés présentant les valeurs du régime dominant.
La partie qui suit tend à synthétiser les caractéristiques des dynamiques des trois territoires, en essayant de comprendre les phénomènes communs qui s’y produisent.
Dans un premier temps, nous allons replacer les nouveaux agriculteurs dans le processus théorique de transition, en présentant une typologie des rôles et positions des JA et NE vis-à- vis des différents niveaux de la transition (niche, régime dominant, paysage socio-technique). Dans un deuxième temps, nous essayerons d’expliquer l’influence des spécificités territoriales (liées à la thématique de transition) sur les trajectoires d’installation.