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Nous venons de décrire la dynamique des ondes solitaires dans la pycnocline océa- nique. Deux processus de génération d'ondes solitaires par la marée sont possibles. Génération primaire

Le premier processus fait intervenir l'interaction directe entre la marée barotrope et la topographie. Lorsque la marée barotrope rencontre une topographie abrupte, dont le sommet est à quelques centaines de mètres de la surface libre, des courants verticaux intenses, de l'ordre de 1 m/s sont générés à proximité de la pycnocline. Ces courants périodiques provoquent l'émission d'ondes internes interfaciales d'amplitude variant typiquement entre 10 m et 100 m, de part et d'autre de la topographie. Si les conditions sont favorables, l'équilibre entre les eets nonlinéaires et dispersifs permet l'évolution de ces structures en train d'ondes solitaires.

On parlera de génération primaire pour faire référence à ce mécanisme, qui a lieu directement au-dessus de la topographie. Des ondes solitaires générées par ce mécanisme ont été observées dans tous les océans du globe. Pour une description des mesures océaniques réalisées, le lecteur pourra se référer aux articles concernant le sud de la mer Celtique [Pingree and Mardell, 1985], la baie du Massachussetts [Halpern, 1971] et la mer de Sulu [Apel et al., 1985]. La thèse de Gerkema [1994] propose un modèle théorique décrivant la génération primaire d'ondes solitaires, incluant les eets de rotation et la forme de la topographie. L'auteur met notamment en évidence que le talus de Pearl Bank est nécessaire pour permettre la génération d'ondes interfaciales dans la mer de Sulu (gure 4.14 de son manuscrit de thèse). Ce résultat, entre autres choses, a inspiré l'étude proposée au chapitre 4, portant sur le contrôle topographique de la génération primaire d'ondes solitaires.

Génération locale secondaire

Plus récemment, un processus de génération diérent a été dégagé par New and Pingree [1990, 1992], à partir des mesures réalisées dans le golfe de Gascogne. Dans ce cas, des mesures satellitaires plus récentes ont conrmé que ces ondes solitaires sont générées à une distance excédant 150 km du plateau continental [New and Da Silva, 2002]. En étudiant la trajectoire du rayon d'onde interne généré vers le bas sur le talus continental, New and Pingree [1990, 1992] ont montré que la zone de génération de ces ondes solitaires coïncide avec la zone d'impact du rayon. Ainsi, les vitesses verticales induites localement par l'impact du rayon provoquent l'émission d'ondes solitaires, se propageant dans le même sens que la phase du rayon d'onde interne.

Les auteurs ont adopté le terme de "génération locale" pour ce processus, éga- lement observé dans le sud du Golfe de Gascogne [Azevedo et al., 2006] et dans le détroit du Mozambique [Da Silva et al., 2009]. Dans la suite du manuscrit, nous utiliserons le terme de "génération secondaire" pour faire référence à ce processus, par opposition au processus de génération primaire.

La génération secondaire provoque la formation d'ondes solitaires se propageant sur des distances plus courtes que pour la génération primaire. En eet, une dié- rence importante entre la génération primaire et la secondaire est que la stratication de la couche inférieure permet des transferts d'énergie entre les ondes solitaires se propageant à la pycnocline, et les ondes internes se propageant dans l'océan inté- rieur stratié. Cela provoque une diminution progressive de l'amplitude de l'onde interfaciale.

Diérentes études théoriques [p. ex. Gerkema, 2001; Akylas et al., 2007], numé- riques [p. ex. Grisouard et al., 2011; Grisouard and Staquet, 2010], et expérimentales [p. ex. Delisi and Orlanski, 1975; Mercier et al., 2012] ont permis d'améliorer la des- cription du mécanisme de génération secondaire. Elles ont montré qu'une pycnocline modérée8 favorise la génération secondaire d'ondes solitaires. Dans le chapitre 5,

nous étudions ce processus de génération secondaire et cherchons à unier, pour les deux types de génération, les critères permettant de prévoir si les conditions sont favorables à la formation d'ondes solitaires.

La gure 1.8 résume les processus de génération primaire et secondaire dans une conguration océanique typique, et permet d'introduire trois paramètres adimen- sionnés importants dans la suite du manuscrit :

 γ = c∗

N0H décrit l'"intensité" du saut de densité dans la pycnocline relativement

à la stratication de la couche inférieure9. Une interprétation géométrique

simple de γ est présentée sur le schéma 1.8 : γ = pSA/SB, où SA et SB sont

les aires, en coordonnées ρ, z des rectangles oranges.   = Ah0

λrH décrit la non-linéarité des ondes internes générées. Une topographie

pentue et proche de la pycnocline favorise l'apparition d'eets non-linéaires.

 δ = Hω

c∗

2

, avec ω = 2π/T décrit les eets dispersifs dans l'onde interfaciale. Dans la limite hydrostatique (ondes longues), δ → 0.

5 Conclusion

Dans ce chapitre, des modèles analytiques permettant de décrire la propagation d'ondes internes dans diérents régimes de stratication et de linéarité ont été pré- sentés. Ils ont permis de discuter des propriétés physiques des ondes internes dans ces diérents régimes, et serviront de base à l'interprétation des résultats dans les chapitres suivants.

Les paramètres γ et  permettent de délimiter les trois régimes étudiés dans les chapitres 3, 4 et 5. Ces diérents régimes et les gammes de paramètres associés sont présentés dans le tableau 1.1.

Le chapitre suivant présente deux modèles de nature diérente, qui ont constitué mes outils de travail principaux au cours de la thèse. Il s'agit de la simulation numé- rique et de la simulation physique dont la complémentarité nous a permis d'explorer ces régimes dans une large gamme de paramètres.

8. c'est-à-dire ni trop marquée, ni trop faible devant la stratication de la couche inférieure. 9. dans le cas d'un uide bi-couche formé de deux couches homogènes, γ → +∞, dans le cas d'unuide linéairement stratié γ = 0

5. CONCLUSION

Figure 1.8  Schéma de la génération primaire et secondaire d'une onde solitaire dans l'océan. SA et SB sont les aires des surfaces encadrées en rouge. λ, λ0, λr et

h0 sont la longueur d'onde interfaciale, la longueur d'onde de rayon d'onde interne,

la largeur typique de la dorsale, et la hauteur du mont, respectivement. Ab et T sont

l'amplitude typique et la période de forçage par la marée barotrope. Les èches noires schématisent les trajectoires des ondes internes dans l'océan intérieur.

chapitre gamme de paramètres régime

3  << 1, γ = 0 rayons d'ondes internes linéaires 4  ≈ 0.1, γ → +∞ génération primaire d'ondes solitaires 5  ≈ 0.02, γ ≈ 1 génération secondaire d'ondes solitaires

Chapitre 2

Simulation numérique et étude

expérimentale des ondes internes

de gravité

Après avoir introduit divers modèles analytiques d'ondes internes dans le cha- pitre 1, je présente dans ce chapitre les modèles numériques et expérimentaux. Ces deux modèles, comme les précédents, permettent d'étudier ces ondes sur une gamme étendue, mais nie, de paramètres physiques. Une étude complémentaire reposant sur la mise en commun des simulations numériques, avec le modèle Symphonie- NH, développé au laboratoire d'Aérologie, et des expériences de laboratoire avec les installations du laboratoire de simulation physique du CNRM-GAME, permet une description quantitative des diérents régimes d'ondes internes présentés dans le chapitre 1.

1 Synergie entre simulations numériques et expériences

de laboratoire

La réalisation en parallèle de mesures expérimentales à haute résolution spatio- temporelle, et de simulations numériques directes sert plusieurs objectifs :

Evaluation du modèle

La réalisation de simulations numériques directes et d'expériences de laboratoire sur des congurations physiques identiques permet d'évaluer la pertinence des hypo- thèses sous-jacentes au modèle numérique. Cette évaluation est eectuée pour une des expériences présentées dans le chapitre 3 sur les variables de densité et de vi- tesse [Dossmann, 2009]. La comparaison s'avère concluante et permet l'utilisation du modèle dans cette conguration. Dans d'autres congurations, certaines hypothèses du modèle numérique utilisé (écoulement bidimensionnel, approximation de Bous- sinesq) sont potentiellement restrictives. Les expériences de laboratoire permettent alors d'évaluer les conditions de validité de ces hypothèses.

Un des atouts de la simulation numérique est la possibilité de tester aisément dif- férentes valeurs de paramètres. Cela est exploité pour dénir les congurations des expériences de laboratoire avec plus de précision que ne l'aurait permis une étude théorique et avec plus d'ecacité que ne l'aurait permis une étude purement expé- rimentale. En particulier, la forme et les caractéristiques de la topographie utilisée pour les expériences présentées dans les chapitres 4 et 5 ont été dénies à l'aide de simulations numériques.

Exploration d'une large gamme de régimes

Certains régimes non-linéaires, importants pour la compréhension des processus physiques dans l'océan, nécessitent une augmentation conséquente des résolutions temporelles et spatiales dans les simulations numériques. Les ressources informa- tiques associées deviennent alors trop importantes pour qu'il soit réellement possible d'étudier ces régimes par simulation numérique. De la même façon, des contraintes techniques sont présentes dans les expériences de laboratoire et imposent certaines limites. La mise en commun des deux outils contribue à élargir la plage de régimes dynamiques qu'il est possible d'aborder.

Paramétrisation des processus sous-maille dans le modèle numérique

Les résultats numériques présentés dans cette thèse sont issus de simulations di- rectes, c'est-à-dire sans schéma de paramétrisation des processus à petite échelle. Il est alors nécessaire d'utiliser des résolutions millimétriques pour modéliser dèle- ment la dynamique des ondes internes à l'échelle du laboratoire. L'outil numérique Symphonie-NH permet également de réaliser des simulations à l'échelle océanique associée à des tailles de domaines beaucoup plus grandes. Il est dans le cas des congurations océaniques nécessaire d'utiliser des mailles kilométriques et de para- métriser les processus sous-mailles, dans une version LES1 du modèle numérique.

Ces paramétrisations empiriques peuvent être testées et améliorées par la comparai- son entre expériences de laboratoire et simulations numériques dégradées en mode LES, à l'échelle du laboratoire. Cette étude n'a pas été directement menée au cours de cette thèse, mais elle en a constitué une des motivations.

2 Le modèle numérique Symphonie-NH

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