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 Epidémiologie de la Tuberculose au Tchad

Le Tchad, à l‟image des autres pays d‟Afrique centrale, paie un lourd tribut à l‟endémie tuberculeuse. L‟organisation mondiale de la santé estime que le taux d‟incidence de la tuberculose s‟y élevait à 283 / 100 000 en 2009 et à 276 / 100 000 en 2010, que celui de la prévalence y atteignait 480 / 100 000 en 2009 et 417 / 100 000 en 2010 et que le taux de mortalité attribuable à la tuberculose y était de 63 / 100 000 en 2009 et de 47 / 100 000 en 2010 (1, 4).

Ces chiffres sous-estiment probablement la réalité de l‟épidémie en raison d‟une vraisemblable sous-notification des cas de tuberculose, de l‟absence d‟enquête de prévalence récente et d‟un dépistage de la tuberculose largement insuffisant.

En effet, 26% seulement des tuberculoses pulmonaires à microscopie positive ont été dépistées au Tchad en 2009 (1). Ce taux de dépistage s‟élevait à 31% l‟année suivante (4). Ces formes représentent 51% de l‟ensemble des cas notifiés (4). Le sexe ratio est de 2 hommes pour une femme (1). L‟incidence de la co-infection par le VIH a été estimée à 64 cas pour 100 000 habitants en 2009 par l‟OMS tandis que Tosi et al. ont montré dans une étude menée à Ndjaména que 33% des patients tuberculeux soignés à Ndjaména étaient infectés par le VIH (1, 63).

Les indicateurs du résultat de la prise en charge thérapeutique des patients sont défavorables puisque le taux de guérison de la tuberculose a été estimé à 35%, la proportion des traitements terminés à 19%, le taux de perdus de vue à 30%, celui des décès à 6% et celui des échecs thérapeutique à 2% en 2005 (1).

Le dernier rapport d‟activité du programme national de lutte contre la tuberculose montre une situation guère plus favorable, puisque 29% des patients ont été traités avec succès et 12% des malades ont été perdus de vue en 2009 tandis qu‟aucune information n‟était disponible sur l‟issue de traitement de 33% des malades (64).

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Peu de données sont disponibles sur la résistance aux antituberculeux au Tchad. Cependant l‟organisation mondiale de la santé a estimé que 1,9% des nouveaux cas et que 10% des patients en retraitement présentaient une multi-résistance aux

antituberculeux en 2007 (64). Une étude menée sur 33 prélèvements par

Diguimbaye C et al en 2006 n‟a pas permis de mettre en évidence des cas de multi-résistance aux antituberculeux. Toutefois, cette étude a observé 27% de multi-résistance primaire à l‟izoniaside (65).

 Organisation de la lutte contre la tuberculose au Tchad

Un programme national de lutte contre la tuberculose est mis en œuvre au Tchad depuis 1990. Ses objectifs sont de détecter 70% des tuberculoses à bacilloscopie positive, de guérir 85% des tuberculoses à bacilloscopie positive et de traiter 100% des tuberculoses dépistées avec moins de 5% de perdus de vue (57).

Le programme national de lutte contre la tuberculose joue un rôle de conception, de mise en œuvre et d‟évaluation de la lutte contre la tuberculose. Il organise également l‟approvisionnement des services sanitaires en médicaments antituberculeux et en réactifs en collaboration avec la centrale pharmaceutique d‟achat du ministère de la santé. Il assure aussi la formation continue et la supervision du personnel de santé. Pour cela, il s‟appuie sur 21 points focaux régionaux, sur les délégués régionaux sanitaires et sur les médecins responsables des districts et des hôpitaux, afin de mettre en œuvre et de coordonner ses activités au niveau périphérique et intermédiaire. Le programme national de lutte contre la tuberculose garantit la gratuité des examens de dépistage de la tuberculose et celle du traitement antituberculeux (57).

La prise en charge clinique de la tuberculose est intégrée dans le paquet minimum d‟activités sanitaires proposé dans les dispensaires et dans le paquet complémentaire d‟activités de soins prodigué par les hôpitaux (60).

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Figure 3 - Parcours de soins théorique des malades tuberculeux selon le programme national de lutte contre la tuberculose

Le dépistage de la tuberculose est passif au Tchad (57). Les patients susceptibles d‟avoir une tuberculose sont identifiés quand ils consultent dans un dispensaire puis orientés vers un hôpital où le diagnostic de tuberculose est confirmé. Les établissements privés de santé contribuent également au dépistage des cas en les transférant vers les hôpitaux (60).

Consultations au dispensaire (ou établissement privé) Suspicion de tuberculose Référence vers un hôpital 1ers symptômes Diagnostic de tuberculose Traitement antituberculeux Guérison Transfert vers un dispensaire Suivi du traitement

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Les examens paracliniques utilisés sont l‟examen direct du crachat (la coloration de Ziehl-Neelsen) et la radiographie. La culture du bacille n‟est pas utilisée en pratique courante. Elle est préconisée pour les suspicions de résistance aux antituberculeux et à des fins de recherches (57).

Le traitement est mis en route en milieu hospitalier dès la confirmation du diagnostic. Les indications de la prescription d‟un traitement antituberculeux selon le programme national de lutte contre la tuberculose sont :

- une toux d‟une durée supérieure à 15 jours chez un patient présentant au moins deux frottis positifs sur trois examens de crachats successifs (tuberculose pulmonaire à microscopie positive);

- une toux de plus de 15 jours avec altération de l‟état général, trois frottis négatifs successifs et des lésions radiographiques suspectes non améliorées par une antibiothérapie non antituberculeuse (tuberculose pulmonaire à microscopie négative);

- une suspicion clinique ou par imagerie médicale d‟une tuberculose extra-pulmonaire confirmée ou non par un test cutané à la tuberculine. Il s‟agit d‟un traitement d‟épreuve dans ce cas (57).

Le traitement de la tuberculose comporte deux phases. La phase initiale et intensive couvre les deux premiers mois de cure. Elle est supervisée en milieu hospitalier. Quatre médicaments doivent être associés lors de cette période.

La seconde phase est celle d‟entretien. Elle est ambulatoire et elle durait six mois au moment où cette étude a été réalisée. Deux antituberculeux sont associés au cours de cette phase de continuation. Elle n‟est activée qu‟après stérilisation des expectorations du patient (57). Le régime thérapeutique de 8 mois a été remplacé par un régime plus court de 6 mois au cours de l‟année 2010.

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Tableau 4 - Régimes thérapeutiques antituberculeux adoptés au Tchad (57, 66)

Traitement Avant 1998 De 1998 à 2010 A partir de fin 2010

Traitement 2SRHZ/6 TH 2RHZE/6EH 2RHZE/4RH

Retraitement 2SRHZE/1RHZE/ 5R3H3E3 2SRHZE/RHZE/ 5 R3H3E3 2SRHZE/RHZE/ 5 RHE

HGRN: Hôpital Général de Référence National de Ndjamena. E : éthambutol ; H : isoniazide ; R : rifampicine ; Z : pirazinamide ; T: thiacétazone.

L‟administration du traitement se fait selon la stratégie DOTS (traitement directement observé). En 2009, la couverture nationale en stratégie DOTS se situait à 61 % (36 districts sanitaires sur 59) comparativement au 25% estimés en 2003 (57, 65). La supervision du traitement au cours de la seconde phase est réalisée par le personnel soignant lorsque le traitement est pris dans un service de santé ou par un membre de la communauté lorsque le patient réside trop loin d‟un service de santé (57). L‟évaluation du traitement a été réalisée par des microscopies systématiques à la fin du 2ème, du 5ème et au 6ème mois pour les tuberculoses pulmonaires bacillifères (57). L‟examen clinique et la radiographie peuvent compléter ce bilan.

L‟adhésion des patients au protocole thérapeutique antituberculeux est appréciée au cours de rendez-vous préalablement fixés avec le patient (57). Aucun incitatif financier n‟est proposé aux patients pour adhérer au traitement. Cependant les hôpitaux offrent des repas au cours de la phase hospitalière du traitement (57).

Il faut également souligner que les perdus de vue au cours du suivi du traitement antituberculeux sont rarement recherchés activement en routine malgré la présence

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de point focaux de la lutte contre la tuberculose dans les délégations sanitaires régionales (57).

Le PNT recommande également depuis 2010 un traitement « empirique » de la multi-résistance en deux phases qui ne doit être prescrit qu‟à l‟HGRN :

- une phase de 6 mois (6 Pirazinamide (Z)-kanamycine (Km) ou capréomycine (Cm)-ofloxacine (Ofx)- éthionamide (Eto)- Cycloserine (Cs))

-

une phase de 12 mois (12 Pirazinamide (Z)- ofloxacine (Ofx)- éthionamide (eto)- Cycloserine (Cs)) (57).

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2. Objectifs

 Objectif principal

Le but de cette étude est de contribuer au contrôle de l‟épidémie tuberculeuse en identifiant les obstacles à l‟utilisation des services de soins pour une tuberculose pulmonaire dans un contexte urbain, africain, de sous-développement et de forte endémicité tuberculeuse.

 Objectifs spécifiques Ces objectifs sont :

 analyser l‟itinéraire thérapeutique emprunté par les malades tuberculeux et identifier les facteurs déterminant leurs parcours de soins;

 mesurer les délais de la prise en charge thérapeutique de la tuberculose pulmonaire et identifier les facteurs associés à ces délais;

 analyser le suivi des patients tuberculeux et identifier les facteurs liés aux abandons du traitement antituberculeux.

La recherche d‟arguments pouvant contribuer à une adéquation entre la demande de soins et le protocole de prise en charge de la tuberculose a déterminé la focalisation de cette étude sur les attitudes et les comportements des usagers des services de santé vis-à-vis de leur maladie et de l‟offre de soins.

La reconstitution et l‟analyse de leurs parcours de soins a apporté des éléments pour une lecture critique du processus de prise en charge de la tuberculose dans une situation de forte endémicité tuberculeuse comme celle des villes tchadiennes.