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3. Autisme, sensorialité, oralité

3.2. Perturbations de l‟oralité alimentaire

3.2.2. Troubles alimentaires

3.2.1. L‟alimentation et les sens

Lorsqu‟un enfant autiste présente des difficultés d‟alimentation, il n‟est pas rare que ces difficultés soient en lien avec un problème sensoriel : le gout et l‟odeur, la texture en bouche et la température, la présentation et la disposition des aliments, la couleur, la forme des emballages des aliments et des plats peut avoir un retentissement sur les choix alimentaires, tout comme la marque et le nom du produit. « Certains enfants avec autisme sont prêts à se laisser mourir de faim plutôt que de déroger aux règles qu‟ils se sont fixées. » (Danièle CAUCAL, Régis BRUNOD, 2010)

Cependant, les troubles alimentaires ne sont pas imputables aux seuls troubles sensoriels qui peuvent être dus à des troubles praxiques et qui peuvent être majorés par un reflux gastro-œsophagien, des allergies ainsi que des problèmes gastro intestinaux.

3.2.2. Troubles alimentaires

Marianne DOLLANDER et Claude DE TYCHEY (2002) déclinent les troubles alimentaires du jeune enfant en quatre manifestations symptomatiques :

- les anorexies nerveuses (ou mentales) du nourrisson, bébé et jeune enfant - le mérycisme8

- le PICA : ce comportement devient pathogène en raison de sa fréquence alors que l‟enfant avance en âge.

« Comme tous les autres enfants, je mangeais des saletés en tout genre, des fleurs et de l‟herbe, et des morceaux de plastique. A la différence des autres enfants, je mangeais encore des fleurs, de l‟herbe, des bouts d‟écorce et du plastique à l‟âge de treize ans. » (Donna WILLIAMS, 1992)

- l‟obésité infantile.

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Mérycisme : trouble fonctionnel caractérisé par une régurgitation provoqué du contenu de l’estomac suivie d’une ré ingestion totale ou partielle.

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A cette liste Pascale DANSART (2000) ajoute les vomissements, les conduites complexes à type de refus alimentaire (néophobies alimentaire9, désintérêt, opposition franche), l‟augmentation des volumes ingérés (grignotages, hyperphagie, boulimie compulsive), les sélectivités, goûts et dégoûts insolites.

Abordons maintenant comment débutent les troubles alimentaires et quelles sont les difficultés alimentaires spécifiques de la personne autiste.

3.2.2.1. Refus d’alimentation du nourrisson

Que ce soit chez l‟enfant autiste ou neuro typique, le refus de s‟alimenter se fait de différentes façons :

- Soit par un désintérêt : il n‟y a pas de manifestations de la faim (absence de cris), pas d‟appétit, pas d‟intérêt pour la nourriture ; la mise en bouche n‟initie pas de succion ou de déglutition ou la coordination des mouvements de succion et de déglutition est mauvaise.

- Soit par une opposition active : l‟enfant refuse le contact, il détourne la tête, met sa tête en hyper extension, se met en colère, se contorsionne, gesticule, pleure et crie. Il protège son visage avec sa main. L‟enfant refuse d‟introduire des aliments dans sa bouche par occlusion des mâchoires. L‟enfant a des frissons, grimace. Des manœuvres d‟expulsion, des efforts de vomissement et de toux sont mis en place, de façon immédiate (à l‟odeur ou au contact de la nourriture), ou différée (au cours du repas ou à distance alors qu‟il a avalé volontiers).

- Soit par une opposition passive : l‟enfant refuse catégoriquement d‟ouvrir la bouche, le regard est fuyant, l‟enfant se réfugie dans le sommeil, le temps de repas est anormalement long, les quantités ingérées sont faibles.

Chez certains bébés autistes, on retrouve également ces comportements : défaut de succion de la tétine ou du mamelon, hurlements après la tétée, indifférence face à la nourriture ainsi qu‟une attitude passive du bébé dans les bras de sa maman.

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Néophobie alimentaire : peur suscitée par les aliments nouveaux (concerne 77% des enfants entre 2 et 10 ans). Un enfant autiste peut présenter une sélectivité alimentaire qui se différenciera des néophobies classiques des jeunes enfants de par son intensité, la force des refus et sa persistance.

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3.2.2.2. Comportement alimentaire spécifique des enfants autistes

Dans un premier temps, il est à noter que les enfants autistes ont souvent une attitude particulière face à leur bouche, que ce soit en termes de désintérêt ou de fascination.

Danièle CAUCAL et Régis BRUNOD (2010) expliquent qu‟il est fréquent que la découverte des objets passe par la bouche chez ces enfants. Ce mode d‟exploration est habituel chez le nourrisson. Cependant, les enfants autistes portent à leur bouche des objets au goût, à la texture (…) d‟habitude objet de répulsion chez le jeune enfant ; comme par exemple Donna WILLIAMS (1992) qui mordait le bois « qui cédait avec un doux craquement pendant que la peinture se détachait. »

Bruno BETTELHEIM (1969) témoigne du comportement d‟une jeune fille ayant des difficultés d‟alimentation : « Sa façon de garder la bouche entrouverte en toute circonstances, …, nous donnait l‟impression que sa bouche, d‟une certaine manière, était une partie inerte d‟elle-même, ou une partie à peine reliée à d‟autres parties de son corps. Sa langue aussi semblait sans relation avec le reste de sa personne, ou même avec le reste de sa bouche.»

D‟autre part il constate que « tous les enfants autistiques avec lesquels nous avons travaillé durent apprendre à manger, ce qui donne une idée de la précocité de l‟installation de ce processus d‟aliénation. A leur arrivée à l‟Ecole, certains étaient anorexiques, d‟autres dévoraient la nourriture comme des animaux, la déchirant de leurs dents et de leurs mains. Certains devaient verser d‟énormes quantités de sel ou de moutarde sur tout aliment avant de pouvoir y toucher. Très peu parmi eux mastiquaient. La plupart avalaient tout rond de très grosses bouchées après les avoir mises dans leur bouche ou après avoir mordu à pleines dents dans le morceau principal. Ainsi, bien que tous s‟alimentassent, certains d‟une manière délicate et avec méticulosité, aucun parmi eux ne mangeait librement et avec plaisir. »

On peut observer également des lèvres peu mobiles empêchant une bonne fermeture labiale (il ne vide pas le contenu de sa cuillère avec ses lèvres mais avec ses dents), des lèvres peu sensibles, une ouverture de bouche peu adaptée au contenu de la cuillère ou de l‟outil utilisé, une mobilité de langue réduite d‟où une mauvaise répartition du bol, une absence de mastication ou une mastication

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incorrecte, des fausses routes, des refus (aliments, textures, ouvrir la bouche) entraînant gesticulations et cris.

Lors des étapes de mastication et de déglutition, l‟enfant autiste peut être dérangé par le contact des aliments puis du bol alimentaire dans sa bouche. Cette variété de stimulation sur les différentes parties de la sphère intra buccale (gencives, palais, langue) ainsi que le simple contact de la langue sur le palais, les joues, peuvent être insupportables pour une personne présentant des défenses tactiles. L‟enfant évitera les stimulations par la limitation de la mobilisation des aliments puis du bol alimentaire dans la bouche ainsi que par une sélectivité alimentaire.

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