• Aucun résultat trouvé

6. Retour sur la problématique défensive.

Notre analyse empirique nous a permis de confirmer certaines idées issues de l’expérience et de souligner quelques caractéristiques considérées comme des éléments constitutifs de la phase défensive. Fort de ces informations et des connaissances déjà présentées, nous allons passer à l’étape de « la modélisation » de cette tâche qui consiste à répondre aux problèmes posés par la reconquête du ballon. La modélisation est entendue comme « une représentation

simplifiée et donc un portrait d’un système, car un modèle « universel », qui fixerait

définitivement les propriétés d’un système réel est inaccessible » (Gréhaigne, Billard, Guillon

& Roche, 1989, p. 210). Il s’agit d’essayer de cerner toutes les composantes de la phase défensive et de précisément les caractériser. Il nous faut donc lister les différents cas susceptibles de se présenter à l’instant de la perte du ballon. C’est à partir de ce référent informationnel que le joueur pourra rapidement se situer et économiser un temps précieux dans la sélection des critères à prendre en compte au niveau perceptif. Cette sélection préalable naît de connaissances théoriques, posées en terme de principes. Ceux-ci favorisent, à l’étape suivante, le processus de prise de décision en réduisant les alternatives et en simplifiant les choix. La problématique se situe alors au niveau de l’articulation des comportements individuels, et de leur adaptation aux contingences du moment. « Le problème

est, pour nous, de trouver à quelle condition les initiatives individuelles, simultanées ou

successives, pourront produire une convergence d'effort, et adéquate à la situation réelle

changeante que crée la conjugaison de notre action et de l'action en réponse de l'opposant »

(Deleplace, 1979, p. 17). Il s’agit là d’une constante que l’on soit en phase offensive ou en phase défensive. Le taux d’efficacité du football en général, que l’on peut confirmer lors de la compétition observée (1,3 but par équipe et par rencontre), s’établit autour de 1,5 %,

lorsqu’on part du nombre de possessions du ballon, pour une équipe, par rapport au nombre de buts qu’elle marque. Ce qui tend à montrer que les défenses ont largement pris le pas sur les attaques. Nous constatons néanmoins que les buts sont souvent inscrits suite à des erreurs défensives, provoquées ou non, ou à des artefacts imprévisibles et faits de jeu qui sont à l’origine du déséquilibre défensif. Cela pose clairement le problème de la coordination des actions de l’ensemble des joueurs les uns par rapport aux autres. « Les actions collectives

réclament une précision interne. Chacune des actions élémentaires doit être connue et

maîtrisée aussi bien que l'ensemble coordonné. La précision de l'action dépend du niveau de

savoir-faire de l'action collective, compte tenu de ses variations. Elle se manifeste dans la

précision spatio-temporelle et le contenu du jeu collectif. L'exécution correcte et adéquate

d'une action au moment voulu, à l'endroit voulu ou dans la direction voulue exprime cette

précision collective. Le plus important à cet égard est la précision de la synchronisation »

(Malho, 1969, p. 121). Dans cette mouvance du jeu dont la caractéristique première est l’incertitude, les joueurs tentent de la réduire grâce à la mise en place d’une organisation, mais doivent aussi se préparer à s’opposer aux coups tentés par l’adversaire et à réagir face à la multitude des possibles. Cela nécessite un décodage du jeu très fin, pour prévoir l’action qui va suivre. Cette prédiction permet d’anticiper sur les probables et d’agir pour essayer de reprendre l’initiative du jeu à l’équipe qui possède le ballon, en provoquant chez elle les comportements qui nous placerons dans les meilleures conditions pour réussir. « L’intention

d’interception des défenseurs organise les résistances, stimulée par les relations

fonctionnelles entre le porteur de balle et ses supports directs ou indirects. Dans les deux cas,

la vision globale des forces en présence va au-delà de la matérialité immédiate des situations

et prend une toute autre envergure temporelle et spatiale dont l’unité dépend surtout de la

valeur des potentialités intellectuelles constamment sollicitées : percevoir des formes de jeu

(Rioux & Chappuis, 1967, p. 95). Nous allons tenter, à travers la modélisation qui suit d’envisager les diverses situations de bases auxquelles les joueurs en défense peuvent être confrontés.

6. 1. Modélisation de l’action défensive

Nous allons présenter par cette approche les différents modèles de configuration envisageables dans le jeu au moment de la phase défensive et plus particulièrement lorsque l’on cherche à reconquérir le ballon. Le terme de configuration s’entend au sens de positionnement des joueurs à un instant T de la rencontre, comme le conçoit Gréhaigne (1994, p. 46). C’est en partant de cette « image » que l’on peut analyser les possibilités d’actions offertes au joueur. Celles-ci dépendent également de l’engagement physique, c’est-à-dire du mouvement, de sa vitesse de réalisation, mais encore des angles d’interventions possibles du joueur (Gréhaigne, Marchal & Duprat - 2001).

Nous poserons les questions traditionnelles :

- Où situer du point de vue topologique l’action sur l’espace de jeu mais aussi les placements des différents protagonistes par rapport au ballon, à l’axe du terrain, au but, ainsi que les trajectoires des mobiles ?

- Quand situer cette action avec l’idée d’énoncer les contraintes temporelles liées à la continuité ou l’arrêt momentané du jeu mais aussi celles qui dépendent du positionnement des joueurs ?

- Comment sont pris en compte les éléments précédents, les dimensions de l’action dans les trois plans du volume de jeu et l’état numérique de la situation pour choisir le type d’intervention le plus approprié afin de stopper la progression adverse ou de s’emparer du ballon ?

6. 1. 1. Emplacement sur le terrain ?

L’emplacement de la configuration, au moment de la perte du ballon, occupe une place prépondérante puisque la pression qui s’exercera sur les défenseurs est en rapport direct avec la distance que doivent parcourir les adversaires pour atteindre la cible (figure 17). Les comportements défensifs découleront de la position du ballon au moment de sa perte mais aussi du placement des joueurs, partenaires et adversaires, par rapport au but à protéger.

Figures 17. Modélisation du positionnement lors de la récupération

Si l’action se situe dans le quart supérieur du terrain ce qui laisse suffisamment de temps pour s’organiser. Si elle intervient dans le quart supérieur proche de la ligne médiane ce qui laisse encore un laps de temps confortable pour agir. Si elle arrive dans le quart inférieur médian et la pression se fait plus forte. Si elle se passe dans le quart inférieur proche de la cible l’urgence de la situation est réelle. À la dimension profonde de l’espace de jeu s’ajoute celle

¼ défensif bas ¼ défensif médian

Axe du jeu

¼ offensif haut ¼ offensif médian

Couloir d’aile gauche Couloir axial gauche

Couloir d’aile droit Couloir axial droit

Position du défenseur le plus près du ballon Position du ballon par rapport au but Placements des partenaires Placements des adversaires

complémentarité des deux éléments influence la réussite de la récupération. Pour simplifier la prise de repères, nous partons de l’axe du terrain et divisons l’espace de jeu en quatre couloirs égaux : deux couloirs d’ailes et deux couloirs axiaux. Si la position axiale est peu propice à la reconquête dans la moitié adverse, elle devient un élément favorable dans la partie défensive. Lorsque la situation est plus excentrée et se rapproche des limites de l’espace de jeu, ces « barrières » deviennent des alliées pour la récupération surtout dans la moitié offensive. Les déterminants de la situation sont, en premier lieu, la position du ballon par rapport au but à protéger puis la situation du défenseur le plus rapproché du ballon, le placement du porteur adverse, les placements des partenaires susceptibles d’aider, les positions des adversaires, surtout ceux qui se trouvent les plus près du but. L’autre élément qui intervient dans cette vision panoramique spatiale, dès que l’on sort de la configuration figée, concerne l’orientation de l’action offensive adverse qui peut être basée sur la volonté d’un jeu direct vers la cible ou dirigée dans le but de contourner la défense. L’aspect temporel devient un critère essentiel et dépend des conditions de jeu au moment de la perte du ballon.

6. 1. 2. Quand ?

Cette perte peut se produire dans la continuité du jeu, suite à l’intervention d’un adversaire, ou encore après une erreur d’un ou plusieurs attaquants. L’engagement des joueurs dans le mouvement offensif provoque une mise hors de position de certains éléments par rapport à l’organisation défensive. La séquence temporelle, qui suit la perte, implique une instabilité momentanée du dispositif (figure 18) ce qui permet aux adversaires de bénéficier d’une mise en position favorable pour progresser vers la cible et déséquilibrer la défense. Le rééquilibrage défensif, par l’intermédiaire des replacements, nécessite un certain laps de temps et demande une action de retardement de l’attaque, directement orientée sur le porteur de balle. Cette perte peut aussi avoir lieu après une sortie de la balle hors de l’espace de jeu ou après l’intervention de l’arbitre qui interrompt le déroulement de la partie. La séquence

temporelle, nécessaire à la remise en jeu, autorise alors un replacement du collectif avant que l’adversaire n’ait pu bénéficier du déséquilibre passager, même si le règlement fait en sorte de favoriser la rapidité des remises en jeu.

Figure 18. Modélisations des conditions de la récupération

L’aspect dynamique de l’attaque est également à prendre en compte. La phase offensive peut se caractériser par une progression de la balle, un arrêt momentané de celle-ci, ou bien une phase de recul. Le critère temporel du déroulement de l’action influe sur la pression temporelle que subissent les défenseurs. Le moment d’agir sur le ballon est directement lié à

Après une perte dans la continuité du jeu => Déséquilibre passager

qu’il faut compenser

Après une perte sur une phase statique => Temps d’arrêt qui permet

le replacement

Le porteur maîtrise le ballon = duel L’attaquant progresse L’attaque est arrêtée L’attaquant recule

Le porteur contrôle le ballon = préparation

L’attaquant convoite le ballon = conquête

Documents relatifs