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Troisième étape : Le ressenti corporel en tant que guide séances 10 à 13

6. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

6.3 Troisième étape : Le ressenti corporel en tant que guide séances 10 à 13

Cette troisième étape est identifiée par une impression de vertige investie de curiosité ainsi que par mon engagement dans un saut vers l’inconnu, laissant place au développement d’une plus grande confiance en moi et dans le processus de création. Au cours de cette période de l’expérimentation, qui inclut 4 séances de création, j’ai pu observer une plus grande conscience et une moins grande place occupée par le besoin de contrôle, résultant en un accroissement de la confiance envers mon ressenti corporel pour guider mes processus personnels et créatifs. Deux séances seront présentées, afin d’illustrer par quel moyen le rôle joué par le ressenti corporel a favorisé le développement de mes processus de création. La séance 11 permettra d’expliquer l’influence des ressentis associés à mon identité d’artiste dans la quête d’une composition visuelle esthétique, alors que la séance 12 pourra illustrer de quelle façon l’utilisation du ressenti corporel traduit en image peut devenir un guide pour retrouver une cohérence interne.

Séance 11. Mon ressenti, au début de cette onzième séance de création, est celui de me laisser aller, sans vouloir tout contrôler. La période de Focusing me permet de trouver une prise, celle du mouvement lui-même, de grands mouvements libres et sans restriction. Sans hésitation, je fais le choix d’une toile de grand format et de la peinture acrylique pour explorer ce ressenti. Cette décision me permet d’emblée d’amplifier mes mouvements (Figure 6).

Figure 6 - Libérer le passage

Acrylique sur toile, 48 x 36

Au début de mon processus, je ressens une grande satisfaction en voyant ce qui prend forme sur la toile. L’ampleur de mes gestes permet à mon expérience de se déployer et me donne l’impression de m’engager dans un nouveau mouvement personnel. Ce n’est que vers la fin du processus de création que je ressens un inconfort, causé par la composition de ma peinture qui commence à me déplaire. Le blocage est davantage ressenti aux niveaux esthétique et émotionnel, par de la déception et du dégoût. Ce ressenti se précise au fur et à mesure que ma création prend une direction, à mon avis, inesthétique, alors que les couleurs se mélangent entre elles. Durant un bref moment, le blocage est observable par ma réaction corporelle, celle d’amplifier mes mouvements

et la force de mes gestes, qui expriment ma frustration d’avoir amené ma création dans une direction que je n’aime pas. Je me souviens avoir eu envie, à un moment, de tout arrêter. Mais, c’était plus fort que moi, je devais atteindre un résultat avec lequel je serais bien. L’absence de satisfaction m’empêche de voir plus loin. Cette tournure dans mon processus me donne des difficultés et réanime le besoin de reprendre le contrôle sur ma création, comme ressenti dans de précédentes séances. Alors que le résultat s’éloigne de mon ressenti initial, celui d’être dans un nouveau mouvement, je perçois que ces signaux semblent davantage vouloir m’indiquer autre chose, me communiquer le besoin de changer de perspective pour appréhender le monde autrement. C’est mon regard d’art-thérapeute qui m’a permis d’outrepasser cette impasse, me rappelant que je peux me laisser le droit d’explorer et d’expérimenter sans me sentir obligée d’aller dans une direction que je cherche à m’imposer. Laissant le contrôle de côté, mon expérience est alors redevenue plaisante et je suis arrivée à un résultat, somme toute, satisfaisant. Mes mouvements corporels et artistiques ont bien traduit mon expérience émotionnelle et la stratégie qui a permis le déblocage au cours de cette séance est forcément la rencontre entre mes identités d’art-thérapeute et d’artiste. Comme noté à mon journal de bord après cette séance, ce besoin de créer quelque chose d’esthétique peut être un facteur très déterminant dans le développement du processus. Si l’on néglige cet aspect et que l’on ramène constamment l’idée que l’esthétisme n’est pas important en art-thérapie, on peut invalider le processus d’un individu qui pourrait tirer un grand bénéfice d’arriver à créer quelque chose qu’il trouve beau. D’après mon expérience, il serait davantage approprié d’amener à prendre conscience de ce qui empêche d’arriver au résultat souhaité ou de définir ce qui, pour l’individu, est beau dans l’expérience de création.

Séance 12. La présentation de cette séance, dans laquelle aucun blocage ne s’est présenté, vise plutôt à exposer un processus créatif bien soutenu par la méthode du FOAT et du Processwork. Ces approches m’ont permis de rester consciente du développement de mon expérience, de celui de mon ressenti, ainsi que de mes besoins personnels et créatifs. Mon processus de création est initié par un ressenti de douceur et par l’image intérieure d’une forme ouverte et très lumineuse. En créant, je continue de ressentir cette douceur, qui émane vers l’extérieur et qui réchauffe l’intérieur. Mon corps est impliqué dans mon expérience de création, de façon sensuelle. C’est une expérience de l’ordre du toucher qui me rappelle de prendre soin de moi. Mes mouvements sont

fluides et cohérents avec mon ressenti. Cette cohérence est aussi présente dans mes mouvements physiques, émotionnels et créatifs.

Figure 7 - Pousses de bambou (1 de 2) Figure 8 - Pousses de bambou (2 de 2)

Pastels secs, 18 x 24 Pastels secs, formats variés

Rapidement, je termine ma création (Figure 7) avec un sentiment de complétude, puis je m’installe pour noter mes réflexions à mon journal de bord. L’écriture facilite le dialogue avec mon imaginaire, qui permet à mon processus de création de se poursuivre et d’évoluer. En regardant mon dessin, je distingue des tiges de bambou qui poussent toutes collées, ensemble. En faisant des liens avec ma passion pour le jardinage, j’accède au sens de ma création et je décide de poursuivre avec ce nouveau mouvement, ce body shift, qui me montre la direction. J’ai donc repiqué mes pousses de bambou dans une deuxième création, afin de leur laisser une place individuelle pour qu’elles puissent s’épanouir et ainsi mieux assurer leur croissance (Figure 8). En repiquant mes pousses de bambou, je suis restée connectée à l’importance de laisser le mouvement dépasser de la feuille, pour affirmer chacune de ces parties de moi en amplifiant ma ligne sans me limiter au cadre du support de papier. Tel que documenté dans mon journal de bord, le sentiment de douceur et de légèreté éprouvé au début de la séance a été maintenu durant tout mon processus, ayant pour résultat un sentiment de résonnance entre mon ressenti et les sensibilités esthétiques de l’œuvre, tout autant que dans mes processus physiques, créatifs et émotionnels.

Cette étape, dans laquelle j’ai développé une plus grande facilité à maintenir le contact avec mon ressenti, aura été révélatrice dans ma compréhension du travail avec les expériences sensorielles et somatiques pouvant rendre possible l’exploration de certaines émotions ou encore de vécus et de besoins personnels. Dans cette partie de l’expérience, j’ai aussi observé l’importance de maintenir

un dialogue entre mes identités d’art-thérapeute et d’artiste durant la création en plus de constater l’impact que peut avoir l’écriture dans un processus artistique, pour aider à préciser l’expérience ressentie.