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Le Tribunal administratif fédéral

La décision de la commission fédérale d’estimation – comme d’ailleurs la décision d’approbation des plans par l’autorité compétente – peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif fédéral (art. 77 al. 1 LEx et art. 33 let. f de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF ; RS/CH 173.32)).

92 En revanche, dans l’ATF 134 II 49 précité, le Tribunal fédéral a confirmé qu’en matière d’expropriation partielle, la méthode dite des classes de centralité, développée par Wolfgang NAEGELI, était inadaptée (c. 15.2). En effet, cette méthode consiste à calculer la valeur d’une parcelle en se fondant sur le prix du terrain – calculé en fonction de sa localisation – et le prix de revient de construction. A l’instar de la méthode rétrospective, elle se fonde exclusivement sur des considérations de rentabilité et conduit donc à des résultats qui peuvent fortement varier et doivent être examinés avec soin. Cf. ATF 131 II 458 in JT 2006 I 668 c. 5.1.

93 Voir Isabelle MALEYRE, L’approche hédonique des marchés immobiliers in Etudes Foncières 76 (1997), pp. 22-29.

94 SIEGRIST (note 76), p. 53. Voir également Arrêt du TAF A-1359/2013 et A-1609/2013 du 5 juin 2014 c. 5.3.2 : « Il est vrai que l'utilisation de forfaits destinés à tenir compte de la situation de la parcelle n'est pas exclue. Encore faut-il qu'ils soient clairement énoncés et argumentés. L'on rappelle à cet égard que la CFE – composée d'experts bénéficiant de compétences spécialisées – dispose certes d'un large pouvoir d'appréciation dans le choix de la méthode d'évaluation. Il n'est par ailleurs pas rare qu'elle en combine plusieurs pour arriver au résultat final. Elle peut même développer sa propre méthode du moment qu'elle respecte le droit fédéral, l'important étant d'avoir recours à un moyen objectif pour calculer la valeur vénale. ».

S’écartant des règles générales de la PA, l’art. 78 al. 2 LEx prévoit que la partie adverse peut, dans un délai de dix jours dès la réception du recours par le Tribunal administratif fédéral, former un recours joint et prendre des conclusions comme si elle avait formé un recours indépendant95. Selon le Tribunal fédéral, le recours joint n’est toutefois recevable que pour autant qu’il porte sur des points visés dans le recours principal96. Dans un récent ATAF 2014/3597, le Tribunal administratif fédéral a jugé que les différents postes de l’indemnité énumérés à l’art. 19 LEx formaient les « différents éléments du dommage » et qu’à ce titre, en vertu du principe de l’unité de l’indemnité d’expropriation, le recours joint était recevable également lorsqu’il portait sur des postes de l’indemnité litigieuse non contestés dans le recours principal (c. 2.3.2).

En application de l’art 49 let. c PA, applicable par renvoi de l’art. 37 LTAF, le TAF peut revoir, outre les griefs classiques de violation du droit fédéral et de constatation inexacte ou incomplète des frais pertinents, l’opportunité de la décision attaquée98. Ainsi, le TAF ne doit « pas seulement (...) déterminer si la décision de l’administration respecte le droit, mais également si elle constitue une solution adéquate eu égard aux faits »99.

Toutefois, le Tribunal administratif fédéral s’impose une certaine retenue dans l’exercice de son contrôle lorsque la résolution du litige exige des connaissances spécifiques, notamment techniques, dont l’autorité administrative – dotée d’un large pouvoir d’appréciation – dispose mieux que le juge100. Ainsi,

« Bien qu’étant au bénéfice d’un plein pouvoir de cognition, le Tribunal ne peut pas substituer son propre pouvoir d’appréciation à celui de l’autorité de première instance lorsqu’il s’agit d’apprécier des questions qui requièrent des connaissances techniques. Plus le pouvoir d'appréciation de l'autorité de première instance est important à ce titre, plus le Tribunal de céans est appelé à faire preuve de retenue en

95 Lorsque le recours principal est retiré ou déclaré irrecevable, le recours joint devient caduc (art. 78 al. 2 LEx). La figure du recours joint est liée à l’histoire de la procédure fédérale et s’inspire des règles de la procédure civile (aOJ), voir Arrêt du TAF A-1359/2013 et A-1609/2013 du 5 juin 2014 c. 2.2.

96 ATF 97 I 766 c. 4 ; ATF 101 Ib 217 c. 3. Tel n’est pas le cas, en présence de fonds distincts qui ne constituent pas une unité économique, de la parcelle non visée par le recours principal.

97 Cet arrêt constitue la partie publiée de l’arrêt rendu dans les causes A_1359/2013 et A_1609/2013 du 5 juin 2014 au sujet des servitudes requises par les CFF dans le cadre de la réalisation du CEVA.

98 Cette possibilité fait l’objet de critiques de la part de la doctrine. Voir, en particulier, Thierry TANQUEREL, Le contrôle de l’opportunité in Thierry Tanquerel/François Bellanger (éd.), Le contentieux administratif, Genève 2013, pp. 209-241.

99 Arrêt du TAF C-2144/2012 du 2 juillet 2014 c. 2.1. Jérôme CANDRIAN, Introduction à la procédure administrative fédérale : La procédure devant les autorités administratives fédérales et le Tribunal administratif fédéral, Bâle 2013, pp. 105-108.

100 Arrêt du TAF A-7015/2008 du 6 décembre 2010 c. 3.

exerçant son propre pouvoir d'appréciation. En l’occurrence, l’on se trouve bien dans un tel cas de figure. Comme on le verra ci-après, l’autorité inférieure dispose d’un important pouvoir d’appréciation pour fixer le montant de l’indemnité, en particulier sur les questions techniques. Elle est d’ailleurs exclusivement composée – hormis son président et ses suppléants – de membres spécialisés en matière d’estimation et devant appartenir à différents groupes professionnels déterminés par la loi. »101

Le Tribunal administratif fédéral ne s'écartera de l'avis de l'autorité que si celle-ci s'est manifestement laissée guider par des motifs étrangers aux normes appliquées ou n'a pas tenu compte de manière adéquate de tous les intérêts en présence102.

Le Tribunal administratif fédéral exige que la Commission d’estimation motive de manière compréhensible les résultats auxquels elle est parvenue et que ceux-ci apparaissent soutenables dans les faits103. A défaut, malgré la nature en principe réformatoire du recours104, le Tribunal administratif fédéral peut renvoyer la cause à la commission fédérale d’estimation compétente105. Dans ce contexte, il suggérera parfois d’ordonner un rapport d’expertise106, malgré le caractère contra legem de cette injonction (voir l’art. 47 de l’ordonnance fédérale relative à la procédure devant les commissions fédérales d’estimation), afin « d’aider l’autorité à élucider les faits de la cause »107.

De manière générale, selon le Tribunal fédéral, la Commission fédérale d’estimation peut développer sa propre méthode, du moment qu'elle respecte le droit fédéral, l'important étant d'avoir recours à un moyen objectif pour calculer la valeur vénale108. En revanche, notre Haute Cour se montre sévère lorsque les commissions fédérales d’estimation arrêtent le montant de l’indemnité ex aequo et bono109.

En dérogation à l’art. 63 PA, l’art. 116 LEx prévoit que les frais de la procédure devant le TAF, y compris les dépens alloués à l’exproprié, sont

101 Arrêt du TAF A-4998/2015 du 17 novembre 2016 c. 1.6.2. Voir cependant ATF 133 II 35 c. 3, dans lequel le Tribunal fédéral examine la limite ténue entre retenue (licite) et limitation (illicite) du pouvoir de cognition au seul contrôle du droit et de l’interdiction de l’arbitraire.

102 Arrêt du TAF A-7015/2008 du 6 décembre 2010 c. 3. Voir également ATF 136 I 184 c. 2.

103 Arrêt du TAF A-4998/2015 du 17 novembre 2016 c. 4.2.2.1.

104 Art. 61 al. 1 PA. Voir Arrêt du TAF A-4998/2015 du 17 novembre 2016 c. 4.3.6.

105 Arrêt du TAF A-1359/2013 et A-1609/2013 du 5 juin 2014 c. 6.2.1 : « Finalement, la Cour de céans doit constater qu’elle n’est pas en mesure de contrôler les calculs effectués par l’autorité inférieure, faute pour elle d’avoir utilisé une méthode d’évaluation claire dont on peut retracer le raisonnement. ».

106 Arrêt du TAF A-1359/2013 et A-1609/2013 du 5 juin 2014 c. 7.1.

107 Arrêt du TAF A-7015/2008 du 6 décembre 2010 c. 7.4.

108 ATF 138 II 77 c. 3.1 et 6.

109 Voir, par exemple, ATF 129 II 420 c. 8.

supportés par l’expropriant110. Cela impliquera notamment, de la part du mandataire de l’exproprié, la production d’une liste détaillée des opérations effectuées, afin d’étayer le montant de ses honoraires111. Lorsque les conclusions de l'exproprié sont rejetées intégralement ou en majeure partie, les frais peuvent être répartis autrement.

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