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Depuis une trentaine d’années, les évolutions socio-économiques de l’exploitation forestière en France ont conduit au délaissement des zones de forte pente et d’une

ressource non négligeable- avec, entre autres inconvénients, celui de fragiliser les

entreprises locales. Aujourd’hui, la relance du débardage par câble aérien est à la fois une

nécessité et un défi, car elle suppose une reconversion technique et logistique des

exploitants… et des forestiers pour que l’activité soit viable.

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% du volume total d'un cycle

Cycle IFN 1 - 1975 Cycle IFN 2 - 1986 Cycle IFN 3 - 2000

Fig. 1 : évolution des volumes des résineux en Savoie selon les classes de diamètre dans les zones non accessibles au tracteur

(Source : Marcinkowski, 2008)

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RDV techniques n°35 - hiver 2012 - ONF

Cependant les méthodes d’exploi- tation sont en forte évolution. En ef- fet après une période ayant privilégié l’utilisation du couple « tracteur + pistes » et, à la marge, celle de l’hélicoptère (très coûteux et consommateur d’énergie), une re- lance des techniques de câbles aé- riens est en cours depuis les années 1995, dynamisée par des innovations techniques importantes.

Rattraper le retard

La France, en tant que grand pays forestier et entre autres de forêts de montagne, accuse un retard certain dans l’emploi de ces techniques de câblage par rapport à nos voisins al- lemands, autrichiens et suisses. Pour- tant le câble répond aux besoins de mobilisation des bois en montagne de manière efficace et sure. En ou- tre, il n’occasionne que très peu de dégâts au peuplement restant et ré- pond aux attentes environnemen- tales (réduction des dérangements, protection des sols…).

Pour pallier ce retard et rétablir un régime normal d’exploitation des peuplements, un plan câble a vu le jour en région Rhône Alpes ; il s’agit notamment de soutenir, par une of-

fre suffisante et réaliste1de « coupes

à câble », les entreprises mettant en œuvre ces techniques et dévelop- per les compétences internes sur le sujet en collaboration avec nos par- tenaires de la filière et tout particu- lièrement les Communes forestières. Ce plan a d’ailleurs donné lieu à une note de service de l’ONF (NDS-10- D-346 du 18 mai 2010) avalisant la démarche et l’étendant à l’ensem- ble des zones de montagne. Des objectifs en volume ont été dé- finis par département avec un tra- vail sur la massification des lots qui porte déjà ses fruits, grâce à une meilleure visibilité sur les volumes « dédiés ». Une action d’amélioration du mode de contractualisation des

D. Pischedda, ONF

Un exemple révélateur de la nécessité de bien anticiper et planifier les coupes

Coupes « à tracteur » et « à câble » proches l’une de l’autre sur le versant et dans le temps : pour optimiser l’exploitation de l’ensemble et minimiser les impacts, il aurait fallu grouper ces deux coupes sous le même mode d’exploitation (câble).

1 Référentiel rigoureux pour la constitution (y compris désignation) des coupes susceptibles de débardage par câble aérien

Câble

Tracteur

prestations de câblage a été lancée en 2011 en concertation avec les re- présentants des ETF. Dans ce cadre aussi, l’ONF et le FCBA ont déve- loppé un logiciel permettant d’opti- miser l’implantation des lignes de câble sur le terrain (voir article SIMUL- CABLE p. 58).

Le débardage par câble aérien : moderne et moins agressif que le débardage

terrestre

Pour rappel, un quart des forêts fran- çaises se situe sur des pentes supé- rieures à 30 %. Le débardage par câble est une solution de mobilisa- tion envisagée lorsque les tech- niques traditionnelles (porteur, skidder) ne peuvent être utilisées du fait des difficultés d’accès ou lorsque la réalisation d’une desserte est trop chère, techniquement impossible ou en décalage avec des objectifs de protection de la nature ou d’attente sociétale.

Il y a donc un « créneau » non né- gligeable pour le câble en régions de montagne pour mobiliser du bois d’une part et mais aussi pour le res- pect du milieu. En effet, les bois étant semi-traînés ou soulevés, il n’y a pas de tassement de sol et les traînes et pistes forestières ne subis- sent pas des effets de l’érosion consécutifs aux passages répétés de tracteurs en charge. Ceci dit, le câ- ble nécessite un minimum de des- serte structurante, et la desserte montagnarde actuelle n’est pas tou- jours suffisante ; mais l’ensemble câ- ble + route est moins impactant sur le long terme que le débardage par tracteur sur pistes non structurantes. Mais il y a encore peu d’entreprises françaises qui réalisent du débar- dage par câble : à peine une ving- taine fin 2011. La plupart sont équipées de câble mât moderne, les autres de câble long traditionnel. Dans les Alpes (Rhône-Alpes + PACA) on mobilise actuellement en-

viron 50 000 m3/an par câble en fo-

rêts domaniales et communales, et

environ 15-20 000 m3/an en forêts

privées. Des entreprises étrangères (Suisses, Tchèques, Italiennes) vien- nent régulièrement participer à cette mobilisation, palliant ainsi le manque d’équipe de câblistes français. À l’échelle nationale, c’est environ 80

à 90 000 m3/an qui sont mobilisés de

cette façon en Forêts Publiques avec une perspective de potentiel mobi-

lisable d’au moins 150 000 m3/an,

selon les hypothèses les plus pru- dentes.

Pour les années à venir, l’enjeu pour l’ONF est de sécuriser et pé- renniser les équipes existantes, et d’accompagner la création et le dé- veloppement de nouvelles équipes.

Les matériels de débardage par câble et les spécificités

de chantier

Les matériels existants sont de deux grands types et peuvent répondre à différentes configurations de chan- tier.

nLe câble long, pouvant atteindre

une longueur de 2000 m. Ce sys- tème traditionnel est constitué d’un câble porteur fixé et tendu indépen- damment du treuil qui actionne le chariot ; le treuil est toujours posi-

tionné en amont de la ligne et géné- ralement déposé par hélicoptère sur une plateforme bois conçue spécia- lement pour chaque ligne. L’inves- tissement est modéré (de 160 à 200 k€ mais l’installation de la ligne est longue et le fonctionnement né- cessite trois opérateurs, pour des charges de 2,5 à 3 tonnes.

nLes câbles mâts, plus modernes,

de conception différente et de por- tée moins longue. Les mâts sont ins- tallés sur des camions (portée d’environ 1200 m), des remorques (portée d’environ 800 m), et parfois sur la prise de force d’un tracteur agricole (portée 500 m). La capacité de charge est généralement de 2,5 à 4 tonnes, mais certains matériels permettent des charges jusqu’à 6 tonnes.L’investissement est impor- tant (de 350 000 à 500 000 € mais l’installation est plus rapide et le fonctionnement ne mobilise que 2 personnes, grâce à l’assistance de la radio commandes et de l’électro- nique intégrée.

La particularité de ces câbles mât est qu’ils doivent être installés sur une route ou piste forestière carrossable et il faut donc disposer d’un minimum de réseau de desserte. Ils peuvent par contre travailler à la montée, à la descente, ou même à plat.

L. Descr

oix, ONF

RDV techniques n°35 - hiver 2012 - ONF

Tous ces systèmes de débardage par câble peuvent être associés à un ou- til de façonnage et de découpe mé- canisée bord de piste, les arbres étant alors débardés entiers ce qui facilite et sécurise le travail du bûcheron sur la coupe, tout en permettant si né- cessaire la mobilisation d’une bio- masse supplémentaire.

L’installation d’une ligne de câble peut prendre entre 0,5 et 2 jours, principalement conditionnée par le nombre de supports intermédiaires nécessaires au fonctionnement du câble. Le positionnement de ces supports (voir article SIMULCABLE p. 58) est déterminé par le relief, la longueur de ligne et la flèche du câ- ble porteur elle-même conditionnée par la tension appliquée au câble porteur et la masse des charges à débarder. Suivant le type de pylône à monter pour passer la rupture de pente sur le profil de la ligne, il est question de 2 heures à une journée de travail.

Des outils pour estimer la faisabilité technique et économique des coupes

Ainsi la particularité du débardage par câble en comparaison des au- tres systèmes de mobilisation, vient des temps de montage des instal-

lations qui ne sont donc pas des temps productifs et peuvent, suivant les lignes, représenter jusqu’à la moi- tié du temps de présence (sur les notions de temps productifs et im- productifs, voir Pischedda, 2010 ; RDVT n° 29-30). Cette situation a donc nécessairement un effet direct sur le coût de revient et les prix de prestation.

La détermination de ce prix, qui dé- pend de la productivité prévision- nelle du chantier, est un facteur clé de la pérennité de l’entreprise. Or la productivité ne dépend pas seu- lement du volume, mais aussi (sur- tout) de la faisabilité technique. Pour proposer des coupes exploitables, le gestionnaire doit donc estimer leur faisabilité technique et écono- mique et envisager au mieux les spé- cificités et le détail de l’implantation des lignes.

Pour cela, des outils ont été récem- ment développés. Le WSL (Institut fédéral suisse de recherches sur la forêt, la neige et le paysage) a mis au point un logiciel, HeProMo, pour es- timer le coût du débardage en fonc- tion notamment du nombre de pylônes (supports) nécessaires. Ainsi, l’installation d’un support qui prend une demi-journée engendre un coût

moyen d’environ 2 €/m3de bois dé-

bardé. D’où l’intérêt de bien opti-

miser le positionnement de la ligne pour réduire leur nombre. De leur côté, l’ONF et FCBA proposent un outil de simulation et d’optimisation de l’implantation des lignes de câ- ble, appelé SIMULCABLE.

Didier PISCHEDDA ONF – DTCB Laurent DESCROIX Jacques FAY ONF – pôle R&D Chambéry Paul MAGAUD FCBA station Sud-Est Bibliographie

Marcinkowski J., 2008. Évaluation des potentialités de récoltes de bois, segmentées en fonction de l’acces- sibilité, dans les forêts publiques du département de la Savoie (73) - Uti- lisation des inventaires de l’IFN (1975 à 2000). Mémoire de fin d’études AgroParisTech - Formation des in- génieurs forestiers

Pischedda D., 2010. L’étude des chantiers en exploitation forestière : Méthodes et protocoles. RenDez- Vous techniques de l’ONF n° 29-30, pp. 60-70

Petit câble mât tchèque sur tracteur

Câble mât ONF sur remorque dans les Pyrénées

Câble mât italien sur camion

L. Descr

oix, ONF

L. Descr

oix, ONF

P Magaud, FCBA P Magaud, FCBA

e débardage par câble aé- rien présente la particula- rité, par rapport aux autres systèmes d’exploitation, d’avoir des temps de montage de lignes importants (voir article sur le câble, p. 54). Ces temps peuvent représenter suivant les lignes jusqu’à la moitié du temps de présence, avec un effet direct sur le prix de la prestation.

De façon générale, l’implantation des lignes est étudiée de façon à optimiser à la fois :

- le débusquage des coupes à réa- liser (prélèvement des bois au maxi- mum à 40 m de part et d’autre de la ligne de câble) ;

- l’arrivée sur une place de dépôt fonctionnelle ;

- les possibilités d’ancrages du câ- ble et des haubans des pylônes (sup- ports) ;

- le profil en long, pour limiter le nombre de pylônes (figures 1 et 2).

Le nombre de pylônes a un impact non négligeable sur la productivité et donc le coût de revient.

Les câblistes fonctionnent au- jourd’hui souvent à l’expérience et de manière empirique pour évaluer le nombre de pylônes nécessaires et les positionner sur le terrain. Or l’exercice est parfois incertain et les erreurs coûtent cher.

Si certaines situations sont assez évi- dentes, il est des cas où les configu- rations de terrain peuvent être très trompeuses, et les options d’implan- tation à l’instinct peuvent s’avérer hasardeuses, même lorsqu’elles sont faites par des professionnels aguer- ris. Encore récemment, plusieurs lignes de câble ont dû être modi- fiées à plusieurs reprises dans le po- sitionnement de pylônes ou des points de départ du porteur en rai- son de mauvaises appréciations, in- duisant des surcoûts imprévus

importants ; un exemple est donné en fin d’article.

Dans le cadre du plan câble mis en place en Rhône-Alpes pour déve- lopper ce mode de débardage, l’ONF et le FCBA ont développé un logiciel permettant de déterminer sur une ligne de câble l’implantation des pylônes nécessaires en fonction du profil du terrain.

Positionnement des supports avec SIMULCABLE

SIMULCABLE est un logiciel qui per- met de modéliser la trajectoire du cha- riot sur la ligne de câble, à partir des caractéristiques de la ligne projetée (point de départ, point d’arrivée, pro- fil du terrain, tension du câble, charge nominale, coefficient de sécurité...) et de positionner les pylônes de façon optimale en restituant en profil longi- tudinal les principaux éléments de la ligne (figure 3).

SIMULCABLE, un logiciel d’optimisation