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5.1 Etude d’un environnement présentant un fort niveau de contamination : PAT du Trec-Canaule

Le bassin versant du Trec-Canaule présente une surface agricole utile de 120 km2 (60% du territoire du PAT). On y trouve principalement de grandes cultures céréalières, des prairies et quelques cultures spéciales (maraîchage, arboriculture, vignes) (Figure 14). C’est donc une zone qui comporte une pression agricole forte, avec des teneurs en nitrates et en phytosanitaires préoccupantes dans le milieu aquatique. La présente étude, financée par l’Agence de l’Eau Adour Garonne (AEAG) visait à 1) renforcer le réseau de surveillance mis en place par l’AEAG, notamment en augmentant la fréquence des prélèvements ; 2) mettre en évidence s’il y a lieu la variabilité saisonnière de la contamination en pesticides et identifier les périodes les plus à risque, 3) identifier les zones où le risque toxique est le plus élevé et les principaux cours d’eau contribuant à la contamination globale du Trec.

Des POCIS ont donc été exposés en continu sur le Trec, le Manet et la Canaule (Figure 14) de mars à décembre 2012 selon le plan d’échantillonnage décrit précédemment (Tableau 5). Les résultats sont présentés sur la Figure 30.

5.1.1 Aspect quantitatif : Evolution des concentrations en pesticides estimées par le POCIS

Figure 30 Précipitations, débit et concentrations en pesticides (POCIS) mesurées sur le PAT du Trec en 2012

Le cumul des concentrations en pesticides varie entre 0,02 et 1,12 µg/l sur le Trec, 0,04 et 1,15 µg/l sur le Manet, et 0,05 et 1,02 µg/l sur la Canaule. Le pic maximal de contamination a lieu à la

Manet 0.0 0.4 0.8 1.2 µg /L Trec 0.0 0.4 0.8 1.2 µg /L

Métolachlore DEA Atrazine Acétochlore Diméthénamide Isoproturon DIA Alachlore Tébuconazole Imidaclopride Azoxystrobine Chlortoluron Métazachlore Pyrimicarbe Carbaryl Diuron Autres* Canaule 0.0 0.4 0.8 1.2 12-M ar-1226-M ar-1210-A pr-123-A2 pr-109-M2 ay-121-M2 ay-104-J2

un-1218-Jun-1202-Jul-116-J2 ul-1 2 30-Jul-1

2 13-A

ug-1227-Aug-1210-Sep-124-S2ep-108-O2 ct-122-O2 ct-105-N2

ov-119-N2 ov-103-D2 ec-117-D2 ec-12 µg /L 0 10 20 30 40 mm 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 Précipitations (mm) Débit (m3/s) m 3/s (m3/s) Débit ( Précipitations (mm) 192

même date sur les trois sites, le 21 mai. Toutefois trois autres pics d’intensité moyenne sont enregistrés. Le premier, visible sur le Trec et la Canaule a lieu entre le 10 et le 23 avril (0,47 µg/l sur les deux sites). Le second, visible cette fois uniquement sur le Manet a lieu le 16 juillet (0,45 µg/l). Enfin, un troisième pic est enregistré entre le 3 et le 17 décembre sur les trois sites. Les concentrations les plus faibles sont mesurées en période d’étiage (en septembre sur le Trec), ou juste après la fin de l’assec (fin octobre sur le Manet et Canaule).

Le niveau de contamination en pesticides des cours d’eau peut s’expliquer en grande partie par les pratiques des agriculteurs situés sur le bassin versant, et la pluviométrie.

Le pic du 10 avril fait suite à un épisode pluvieux très intense qui a eu lieu le 6 avril. Il est essentiellement constitué d’alachlore, acétochlore, diméthénamide et métolachlore, herbicides utilisés en traitement de pré-levée (mars, avril) sur le maïs et le tournesol. Ces molécules ont été transportées vers les cours d’eau par la pluie très violente, via des phénomènes de ruissellement et de lessivage des sols traités. Etonnamment, le Manet n’a pas été affecté par cet épisode (pas de pic le 10 avril).

Le pic du 21 mai (acétochlore, diméthénamide, tébuconazole et surtout métolachlore) correspond à une nouvelle période de traitements herbicides (en post levée cette fois) sur maïs et tournesol. L’intensité du pic peut s’expliquer par le fait que le mois d’avril a été très pluvieux. Les parcelles ont donc été inaccessibles durant cette période et n’ont pas pu être traitées. L’accalmie qui a suivi (du 9 au 17 mai) a donc du favoriser la réalisation des traitements. Bien que d’intensité moyenne, les pluies qui ont suivi ont provoqué un pic de contamination très important, directement lié à l’utilisation simultanée d’un faible nombre de molécules différentes (essentiellement du métolachlore) par un grand nombre d’acteurs, sur des surfaces importantes.

Le pic du 17 décembre a lieu suite à une crue d’intensité modérée, qui débute le 5 décembre sur le Trec. Ce pic est composé de molécules qui n’avaient pas été quantifiées jusque-là, à savoir l’isoproturon, l’imidaclopride et le chlortoluron. Ce sont des herbicides, probablement utilisés pour le traitement de cultures d’hiver (blé et colza).

On retrouve donc une courbe de contamination en pesticides assez classique pour les trois cours d’eau, avec des pics qui apparaissent entre avril et juin. Le printemps a été identifié comme une période à risque pour la qualité des cours d’eau, du fait de l’alternance des traitements herbicides avec des épisodes pluvieux parfois intenses qui favorisent les phénomènes de

ruissellement et de lessivage. Toutefois, l’importance des surfaces dédiées aux cultures d’hiver (environ 30% de la SAU du bassin versant) (Figure 14) rend possible l’apparition de pics de contamination en automne. Nous n’avons pas mis en évidence de gradient de contamination amont-aval sur le bassin versant mais le fait que les concentrations mesurées sur le Trec soient équivalentes voire supérieures à celles retrouvées sur la Canaule juste avant le point de confluence montre qu’il n’y a pas d’effet de dilution à cet endroit. Cela laisse supposer que le niveau de contamination du Trec est plus élevé en amont de ce point.

5.1.2 Aspect qualitatif : fréquence d’apparition des molécules détectées avec les POCIS

Figure 31 Fréquences de détection (%), Concentrations maximales (µg/L) et Concentrations moyennes en pesticides mesurées sur le Trec (a), le Manet (b) et la Canaule (c) en 2012 (Limite de quantification comprise

entre 2 et 6 µg L-1)

Vingt-cinq pesticides (dont 9 interdits) et deux métabolites de l’atrazine ont été détectés sur le Trec. En fonction de leur fréquence de détection, on peut identifier 4 groupes de molécules sur le Trec:

- Des molécules présentes en continu (fréquence d’apparition de 100%) mais à faible concentration (atrazine et DEA, tébuconazole), et qui constituent donc le bruit de fond de la contamination. Le tébuconazole est souvent détecté mais quantifié uniquement entre mai et juillet (autorisé sur le blé, mais aussi en arboriculture).

- Des molécules également constamment présentes dans le milieu (fréquence d’apparition de 100%), mais avec de fortes concentrations (métolachlore).

- Des molécules dont la fréquence d’apparition est comprise en 70 et 30 % : ce sont généralement des herbicides qui présentent des pics d’apparition au printemps (diméthénamide, acétochlore et alachlore) ou en automne (isoproturon sur blé d’hiver). Il y a également quelques insecticides (pyrimicarbe, diméthénamide). Les pics sont d’intensité moyenne (proche de 0.1 µg/l) à faible (détection à l’état de trace).

- Des molécules ayant une fréquence de détection inférieure à 30 % : ces substances sont généralement détectées à l’état de traces, non quantifiables, exception faite du métazachlore.

Sur la Canaule, 24 pesticides (dont 9 interdits) et 3 métabolites ont été détectés. On observe le même schéma global que sur le Trec, mais on ne peut distinguer que deux groupes de molécules. En effet, on retrouve le même bruit de fond (atrazine et DEA), ainsi que la présence constante de métolachlore à des concentrations parfois élevées. Cependant, hormis ces trois molécules, toutes les autres sont détectées à des concentrations faibles (< 0.1 µg/l) ou à l’état de traces, quelle que soit leur fréquence d’apparition.

Sur le Manet, 25 pesticides (dont 8 interdits) et 3 métabolites ont été détectés. L’atrazine et son métabolite (DEA) sont, comme sur le Trec, constamment présentes dans le cours d’eau à des concentrations relativement faibles (proches de 0.1 µg/l). On retrouve aussi les pics élevés de métolachlore. Les autres molécules sont généralement détectées à des concentrations faibles, exception faite du diméthénamide (pic à 0.2 µg/l) et du métazachlore (pic à 0.3 µg/l).

En conclusion, beaucoup de molécules différentes sont détectées sur le PAT du Trec-Canaule, mais certaines uniquement à l’état de traces.

Le Trec paraît un peu plus contaminé que les deux autres cours d’eau car les herbicides y sont détectés en plus grand nombre, plus fréquemment et à des concentrations un peu plus élevées que sur le Manet et la Canaule (ex : acétochlore, alachlore, azoxystrobine, isoproturon). La présence de ces molécules dans le cours d’eau est problématique car certaines sont interdites. Il est possible que l’alachlore et le diméthénamide soient toujours utilisés, car ces molécules sont détectées aux mêmes périodes qu’avant leur interdiction, c'est-à-dire au printemps. Les pics d’après traitements observés sont typiques de molécules toujours en usage.

En revanche, il est peu probable que l’atrazine (interdite depuis 2003) soit encore utilisée. Les concentrations mesurées sont faibles, presque constantes, et semblent surtout influencées par le débit. Une façon de le vérifier consiste à calculer le rapport DEA/Atrazine (DAR). Un rapport inférieur à 1 indique un apport récent de la molécule mère dans le milieu (Thurman et al., 1992). Ici, le DAR est largement supérieur à 1 (Figure 32) ce qui laisse supposer qu’il n’y a pas eu d’apport récent d’atrazine dans le milieu. La présence de la molécule et de son métabolite serait plutôt dûe à un relargage par les nappes souterraines, ou à une remobilisation du stock présent dans le sol. Le fait qu’on en retrouve près de 10 ans après son interdiction montre la persistance de l’atrazine dans les sols et dans les eaux.

Figure 32 Evolution des concentrations intégrées (a) et des rapports DEA/atrazine et DIA/atrazine (b) mesurés sur le Trec en 2012

En général, le DAR diminue lors des crues ou juste après (21 mai, 2 juillet), conséquence directe de l’augmentation de la concentration en atrazine dans le cours d’eau. On peut supposer que la pluie a provoqué une circulation rapide d’eau dans les sols, entraînant une remobilisation d’atrazine non dégradée et son transfert vers les cours d’eau. L’hypothèse est confirmée par l’analyse du rapport DIA/atrazine, également divisé par 2 les jours de crue, bien que la DIA puisse aussi être un métabolite de la simazine. Ce résultat est toutefois assez étonnant car les métabolites de l’atrazine sont supposés plus mobiles que la molécule mère et devraient donc être remis en solution plus facilement (Liu et al., 1996 ; Shipitalo et Owens, 2003).

Concernant les molécules autorisées, il y a une prédominance du métolachlore. Le cas du métazachlore mérite que l’on s’y attarde : la molécule fait une apparition en juillet sur le Trec (0,06

a

0 1 2 3 4

Rapport DEA/Atrazine (Trec) Rapport DIA/Atrazine (Trec)

b

µg/l) et le Manet (0,29µg/l) (Figure 30). Cc’est un herbicide généralement utilisé en hiver sur colza, mais il peut aussi être utilisé pour le désherbage du tournesol. Les concentrations mesurées sont significatives, et les niveaux mesurés permettent d’en situer l’origine sur le bassin versant du Manet.

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