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La chasse et ses différentes pratiques

C. La chasse aux filets verticaux : les pantières pyrénéennes

3) Un travail d’équipe

Au sein d’une équipe de pantières, chacun a son poste et son rôle. Les chasseurs occupent le même poste au fil des années et n’en changent que rarement. Deux grands rôles se dessinent : les rabatteurs1 et les filetiers2.

Les rabatteurs vont unir leurs efforts afin de guider le vol vers les filets. Ils sont répartis dans des postes situés bien en avant de la zone de capture. Ces postes sont soit au sol, soit en hauteur sur pylônes selon la topographie du terrain.

« Perchoir, le mot est on ne peut plus juste lorsque le poste du chatar est situé en haut d’un mât planté dans le sol, avec une échelle qui ne répond sans doute pas aux normes européennes de sécurité ! »3

1 chatarlari en basque. 2 saretakoak en basque. 3

J.P. Barnabé. La chasse de la palombe. Tarbes : Editions Sud Ouest, 2013. P.32.

Document n°21 : Couloir artificiel typique des massifs forestiers à pantières

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C’est avec intelligence et de manière régulière qu’ils sont disposés sur le terrain occupé par la pantière ; le but est de « bloquer » le vol de palombes entre deux rangées de rabatteurs ne laissant le choix que du chemin des filets. Un poste se rapproche des cabanes observées dans les chasses au fusil ou dans les chasses aux filets de sol. Les postes sont généralement équipés tout confort, car c’est là que le rabatteur attendra les vols du matin au soir lors des journées de chasse. Lorsqu’un vol est repéré, trois outils sont à la disposition du rabatteur afin d’attirer l’attention des oiseaux. Ici, point de silence, l’objectif est de faire le plus de bruit possible. Et le corps retrouve sa place « première », il crée la dimension de l’espace par le son qui s’en dégage. Créateur du son et de son amplification il provoque l’écho dans la perception des limites ou le laisse échapper dans l’infini. Le premier instrument de l’homme c’est son corps, comme nous le rappelle Marcel Mauss :

Document n°22 : Les postes de rabatteurs dans les pantières

U       à Lannes-en- Barretous

(DiFilippo G. Octobre 2015)

U         à Trèpe

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« Le corps est le premier et le plus naturel instrument de l’Homme. Ou plus exactement, sans parler d’instrument, le premier et le plus naturel objet technique, et en même temps moyen technique, de l’Homme, c’est son corps »1

C’est en effet leur corps qu’utilisent les rabatteurs comme premier outil. Ils crient, ou plutôt ils chantent. Quoi qu’il en soit, lorsqu’on assiste au spectacle, la frontière entre les deux n’est pas bien perceptible. Les rabatteurs sont d’ailleurs réputés pour être de bons chanteurs. Ainsi, c’est un véritable concert qui se déploie dans les airs lorsque les oiseaux entrent dans le champ de vision du premier rabatteur, à la fois pour paniquer le vol mais aussi afin de prévenir les postes suivants.

Le deuxième outil est le chatar2. Au fil du temps le nom de l’outil s’est aussi associé au rabatteur et à son poste. Le chatar est simplement un bout de tissu blanc accroché au bout d’un bâton pour le pays basque. A Lanne, dans le Béarn, il est un peu plus complexe ; c’est un morceau de bois garni de plumes d’oies blanches relié au bâton par une courte corde selon le modèle du fléau. Cet outil sera l’indice visuel mais aussi auditif pour l’oiseau qui l’assimilera à son ennemi naturel, l’autour des palombes. Le blanc étant une couleur majoritaire de la partie ventrale chez la plupart des rapaces. Lorsque les palombes arrivent au niveau du poste, le rabatteur commence alors à faire tournoyer le chatar de manière à simuler l’attaque du prédateur.

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Marcel Mauss. Sociologie et anthropologie. Paris : PUF, 1950. P.372.

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Enfin, le dernier outil des rabatteurs est la palette1. La palette est un morceau de bois taillé plus ou moins en forme de ping-pong et peinte en blanc. Cependant chaque pantière possède sa propre forme de palette, ayant peu évolué au cours du temps ; on trouve ainsi des palettes allant de la forme la plus ronde à des formes plus étroites et plus pointues. Elles ont la même utilité que les chatars ; simuler l’attaque de prédateurs. Ainsi, les palettes seront jetées vers le vol d’oiseaux selon une technique bien précise et complexe comportant de nombreux paramètres tels que la vitesse de déplacement des palombes, la hauteur du vol, le sens du vent ou encore la météo. Les palettes sont stockées en grand nombre au niveau de chaque poste, cependant, en les lançant pour canaliser jusqu’à cinq par vol, chaque jour, il n’est pas rare que les palomaires doivent descendre de leurs pylônes

1

Aussi appelée raquette, karriotiak, makhilak ou encore matous.

Document n°23 : Planche photographique du rôle de rabatteur dans les pantières

÷  ú þûú! " # $ U          àa pantière de Lannes-en-Barretous U  % &       p ' )sage d’un vol de palombe à Lannes-

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ou de leurs postes pour effectuer la fastidieuse tâche de leur ramassage au cours de la journée de chasse.

Ces trois éléments réunis ensemble permettent ainsi de créer une panique virale au sein du vol et, si toutes les conditions sont réunies et que la chance est du côté des chasseurs, il plongera vers le sol en prenant la direction désirée ; celle des filetiers, et donc des filets.

C’est aux filetiers qu’appartient l’action finale, il est d’ailleurs intéressant de souligner que ces derniers sont les seuls au sein de l’équipe à avoir besoin du permis de chasse pour pratiquer. Ils sont disposés non loin des filets, dans de petites cabanes comportant également tout le confort nécessaire pour attendre les palombes. Lorsque le signal sonore des rabatteurs se fait entendre, ils se préparent alors consciencieusement à recevoir le vol comme il se doit ; une fois les oiseaux dans les filets, ils actionnent le

Document n°24 : Différentes formes de palettes selon les pantières

Les palettes de la pantière d’Etxalar

(Photo Jacques Luquet)

Les palettes de la pantière de Lannes- -Barretous

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mécanisme de rabattage depuis des déclencheurs manuels dans les cabanes. Les palombes sont ainsi définitivement piégées. Il ne reste plus alors qu’à se glisser sous les filets équipés d’une chamarre1, sorte de large veste comportant un vaste espace ventral interne. Les palombes sont alors collectées et stockées les unes après les autres dans les poches des chamarres pouvant en accueillir jusqu’à 20. Plus tard dans la journée, elles sont tuées de manière rapide et indolore à l’aide d’un outil permettant de briser le cou d’un coup d’un seul2. Une fois les filets vides, les filetiers réinitialisent le mécanisme et attendent l’opportunité suivante.

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chamarra en basque et en gascon.

2

Une technique plus ancienne consiste à « croquer » le cou des palombes, juste à la base de la boite crânienne avec les dents.

Document n°25 : Planche photographique illustrant le rôle des filetiers dans les pantières

D+),. /+ 0. +1)'00+2 3+20/+p '))'4+3 562 v à8    -en-Barretous

(DiFilippo G. Octobre 2015)

U9 & &  récoltant les palombes prises dans les filets après le déclenchement du piège à Osquich

7 :