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Transport du moment cinétique induit par un champ magnétique : le cas

Comme nous l’avons vu dans la Section 1.2.2, les observations héliosismologiques ont montré que la rotation de la zone radiative du Soleil est presque uniforme. Or, les mo- dèles standards d’évolution solaire sont incapables de reproduire ce fait observationnel. Le champ magnétique et les mécanismes d’amélioration de l’efficacité de la diffusion qu’il peut engendrer, comme le mélange de phase par exemple, ont alors été invoqués pour expliquer la rotation solide de la zone radiative du Soleil (Spruit 1987). De nom- breuses études analytiques et numériques ont alors été menées afin d’explorer ce scénario. Quelques unes de ces études, où un champ magnétique axisymétrique est considéré et où la circulation méridienne est négligée, sont listées ici, autant pour les réponses qu’elles donnent sur la cause de la rotation solide de la zone radiative du Soleil que pour l’impor- tance qu’elles ont dans la compréhension que l’on a de l’influence d’un champ magnétique dans une zone radiative en rotation différentielle.

Charbonneau & MacGregor(1993) ont étudié numériquement l’impact sur la rotation interne du Soleil d’un spin-down qui modélise la perte de moment cinétique par vent solaire. Leur domaine de calcul représente la totalité de l’étoile, avec une zone radiative entourée par une enveloppe convective où la viscosité microscopique est multipliée par 109 par rapport à celle de la zone radiative. Cela assure à l’enveloppe convective d’être en

38 Chapitre 2. Magnétohydrodynamique diffusion visqueuse. Par ailleurs, la zone radiative abrite un champ poloïdal indépendant du temps qui traverse ou non la frontière entre la zone radiative et l’enveloppe convective suivant le profil utilisé. Leurs simulations numériques montrent alors que l’évolution du moment cinétique peut être décomposée en trois étapes successives. La première est une étape de génération d’une composante toroïdale du champ magnétique par effet Ω suite au spin-down, sans que celle-ci soit suffisamment forte pour rétroagir significativement sur le moment cinétique. Cette étape dure de plusieurs milliers à plusieurs millions d’années suivant la géométrie et surtout l’intensité du champ poloïdal initial. La deuxième étape est une étape de redistribution du moment cinétique par la propagation d’ondes d’Alfvén créées par la rétroaction du champ magnétique sur la rotation différentielle. Ces ondes sont ensuite dissipées par le mécanisme de mélange de phase. La troisième et dernière étape, durant plusieurs dizaines de millions d’années, est alors celle d’une évolution dite "quasi- statique" car étant uniquement sujette à la diffusion visqueuse qui permet de redistribuer le moment cinétique contenu dans ce qui est appelé les "zones mortes" (zones où aucune ligne de champ ne connecte la zone radiative et l’enveloppe convective). La rotation de l’étoile décroit alors de manière rigide. Le résultat important de leurs simulations est que la rotation solide est atteinte dans quasiment tout les cas simulés sur un temps égal où inférieur à l’âge du soleil, indépendamment de l’intensité du champ poloïdal. Le paramètre faisant varier ce temps est la géométrie du champ poloïdal, il est plus court lorsque le couplage entre la zone radiative et l’enveloppe convective par les lignes de champ est efficace.

Une étude similaire à celle de Charbonneau & MacGregor (1993) a été réalisée par Rüdiger & Kitchatinov (1996). Cependant, voulant reproduire le profil de rotation diffé- rentielle dans tout le Soleil, ils n’ont pas arbitrairement forcé une rotation solide dans l’enveloppe convective mais ont utilisé un modèle de rotation différentielle dans la zone convective (Kichatinov & Rudiger 1993; Kueker et al. 1993). Leurs résultats montrent que pour atteindre un état de rotation solide dans la zone radiative du Soleil et une rota- tion variant essentiellement avec la latitude dans l’enveloppe convective, la viscosité doit être augmentée d’un facteur 104 par rapport à la valeur moléculaire. Ils confirment que le

temps d’atteinte de la rotation solide dans la zone radiative ne dépend pas de l’intensité du champ magnétique tant que celle-ci est supérieure à 10´3G. Dans le cas contraire,

le temps de traversée de la zone radiative par une onde d’Alfvén devient comparable à l’âge du Soleil. Spada et al. (2010) ont confirmé les résultats de Rüdiger & Kitchatinov (1996) avec un code numérique spectral qui permet d’atteindre des valeurs de coefficients de diffusion bien plus faibles que précédemment.

Par ailleurs, Gough & McIntyre (1998) ont soulevé le fait qu’un champ magnétique est inévitablement présent dans le cœur radiatif du Soleil. Sans lui, la tachocline, la région qui fait office d’interface entre le cœur radiatif et l’enveloppe convective, serait positionnée plus profondément qu’observée dans l’intérieur solaire. Brun & Zahn (2006) ont donné des conclusions complètement opposées à celles de Gough & McIntyre (1998) en réalisant des simulations MHD 3D. Ils affirment qu’un champ magnétique poloïdal est incapable de maintenir la tachocline à sa position observée et de forcer la rotation solide dans la zone radiative. Cependant, Garaud & Garaud (2008) et Acevedo-Arreguin et al. (2013) ont trouvé une solution de leurs simulations numériques en accord avec le modèle

Chapitre 2. Magnétohydrodynamique 39 deGough & McIntyre(1998). Ils attribuent les résultats contradictoires de Brun & Zahn (2006) à l’utilisation de conditions aux limites non-appropriées entre le cœur radiatif et l’enveloppe convective.

D’autres mécanismes de transport du moment cinétique, comme les ondes internes de gravité (Zahn et al. 1997; Ringot 1998; Mathis et al. 2008), ont été invoqués pour expliquer la rotation solide de la zone radiative du Soleil. La turbulence associée à des instabilités MHD est également un excellent candidat (Menou et al. 2004;Rüdiger et al. 2015) et Menou & Le Mer (2006) affirment que si le Soleil a possédé dans le passé une rotation supérieure à sa rotation actuelle, une instabilité MHD a pu profondément affecter le transport du moment cinétique dans sa zone radiative.