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I. Les mitochondries

7. Dynamique mitochondriale

7.1 Transport et distribution des mitochondries

Pendant longtemps, les chercheurs ont pensé que les mitochondries étaient immobiles dans le cytoplasme. A l’époque, il n’était pas possible de visualiser leurs mouvements. Elles apparaissaient donc figées dans les cellules. Les avancées technologiques des trente dernières années ont permis dans un premier temps de les visualiser puis de les observer

en mouvement au sein de cellules vivantes. Les mitochondries se divisent et fusionnent continuellement, et sont également mobiles dans les cellules. Le mouvement des mitochondries nécessite l’intervention des protéines motrices qui utilisent l’ATP pour se déplacer sur le cytosquelette. Chez la levure, les mitochondries sont mobiles sur les filaments d’actine grâce aux myosines ((Förtsch et al., 2011) ; (Altmann et al., 2008)). Et chez les mammifères, elles utilisent les microtubules sur lesquels elles se déplacent grâce à la kinésine pour le transport antérograde (vers l’extrémité + du microtubule) et la dynéine pour le transport rétrograde (vers l’extrémité – du microtubule). La distribution et le transport des mitochondries dans les cellules sont très importants pour une répartition homogène de l’énergie. C’est notamment le cas pour les neurones qui ont une structure particulière. Les mitochondries doivent se répartir dans le corps cellulaire et le long de l’axone (Figure 19). La forme particulière des cellules neuronales limite la vitesse de propagation, le déplacement des organelles, la diffusion énergétique et la diffusion de petites molécules. Des défauts de la dynamique mitochondriale sont fréquemment observés dans des pathologies neurodégénératives, ou peuvent être à l’origine de ces pathologies (Tableau 2) ((Knott et al., 2008) ; (Schwarz et al., 2013) ; (Bose and Beal, 2016) ;(Züchner et al., 2004)).

Le transport axonal des mitochondries est médié par des moteurs moléculaires (« Locomotives ») qui s’exécutent sur les microtubules (« Rails »). Les kinésines se déplacent vers l’extrémité plus des microtubules vers la synapse. Les dynéine se déplace vers l’extrémité moins des microtubules et interviennent dans le transport vers le corps cellulaire (d’après De Vos et al., 2008).

7.2. Dynamique mitochondriale

La forme et la structure du réseau mitochondrial sont régulées en grande partie par un équilibre entre la fission et la fusion mitochondriales (Figure 20). Cet équilibre correspond à un flux entre deux états de mitochondries fusionnées ou fragmentées. Les premières études de la dynamique mitochondriale, en partie réalisées chez la levure, ont permis de déterminer les acteurs impliqués dans cet équilibre et de comprendre comment se déroulent les deux processus de fission et de fusion mitochondriales. On associe généralement la fusion à quelque chose de bénéfique pour les mitochondries et pour les cellules alors que la fission apparait plutôt comme néfaste. La fusion et la fission mitochondriales permettent de maintenir une bonne homéostasie mitochondriale ((Chen and Chan, 2005) ; (Chen and Chan, 2009)). En effet, lorsque deux mitochondries adjacentes fusionnent leurs membranes (ME et MI), elles échangent et mélangent des composants de leurs matrices avant de se séparer de nouveau ((Okamoto and Shaw, 2005) ; (Hoppins et al., 2007)). Cela permet d’homogénéiser et de répartir les molécules fonctionnelles (protéines et molécules d’ADNmt) dans les deux mitochondries qui vont se séparer. Ainsi s’il y a un défaut protéique ou une perte d’ADNmt, la fusion peut corriger ces problèmes. Elle permet également d’adapter le réseau mitochondrial aux fortes demandes énergétiques, notamment au niveau des neurones, et ainsi d’optimiser la production d’ATP. La fission quant à elle réduit la production énergétique en séparant les mitochondries et permet la segmentation d’une mitochondrie qui contient trop de molécules anormales, afin qu’elle puisse être éliminée par autophagie spécifique : la mitophagie ((Chen and Chan, 2009) ; (Youle and van der Bliek, 2012)). Un excès de fission entraine une fragmentation du réseau, une libération du cytochrome c qui conduit généralement à l’apoptose. La fragmentation mitochondriale survient en réponse à des stress ou suite à des dysfonctionnements cellulaires et a été observée dans des désordres neuromusculaires ou cardiaques, dans des cancers ou dans des cas d’obésité. Il existe un lien entre la morphologie du réseau mitochondrial et la production d’ATP par la chaîne respiratoire (Hackenbrock et al., 1966). La haute plasticité de la forme des mitochondries permet d’adapter l’activité OXPHOS en fonction des nutriments présents. Lorsque le milieu est riche en nutriments, le réseau se fragmente afin de diminuer la production d’ATP. Inversement en absence de nutriments, le réseau s’allonge pour maintenir une production énergétique suffisante permettant ainsi d’optimiser la production d’ATP malgré la faible quantité de nutriment ((Pernas and Scorrano, 2016) ; (Gomes and Scorrano, 2011) ; (Schrepfer and Scorrano, 2016) ; (Cogliati et al., 2013)).

Ces modèles reflètent la dynamique et le « turnover » mitochondrial. Dans une mitochondrie saine, les évènements antagonistes de fusion et fission dépendent du potentiel de membrane (ΔΨm). Après une fission mitochondriale, les mitochondries fragmentées peuvent soit maintenir un potentiel de membrane intact soit se dépolariser. La dépolarisation entraîne la production de ROS, l’augmentation du calcium cytosolique, le relargage du cytochrome c ou la perte d’ATP aboutissant à la mort cellulaire et/ou des anomalies du transport, du réseau mitochondrial. (Westermann et al., 2010).

De nombreuses études réalisées chez la levure ont permis d’identifier les acteurs qui jouent un rôle dans la dynamique mitochondriale. Des études plus poussées de ces processus sur des cellules isolées de patients, présentant des mutations de gènes identifiés chez la levure, ont permis d’étendre la compréhension des mécanismes de la dynamique mitochondriale chez l’homme. Les protéines impliquées dans la dynamique mitochondriale appartiennent à la famille des GTPases, des enzymes qui hydrolysent le GTP en GDP + Pi pour avoir l’énergie nécessaire à leur fonctionnement (Figure 21). Les défauts de fusion ou de fission sont généralement létaux ou pathologiques. Ils entrainent par exemple, chez l’homme des neuropathies périphériques, une cécité ou une atrophie optique ((Westermann et al., 2010a); (Chan et al., 2012) ; (Nunnari and Suomalainen, 2012) ; (Youle and van der Bliek, 2012)). Des défauts de la dynamique mitochondriale peuvent également induire une instabilité de l’ADNmt ((Jones and Fangman, 1992) ; (Wong et al., 2000)).

Westermann et al., 2010 Figure 20 : Modèles de cycle « de vie » mitochondrial.

Illustrations des différentes protéines de la dynamique mitochondriale retrouvées chez la levure (à gauche) ou chez l’homme (à droite). Représentation des Dynamines impliquées dans la dynamique mitochondriale des cellules de mammifères : DRP1, MFN1, MFN2 et OPA1 avec les différents domaines qui composent leur structure : un domaine GTPase, un domaine intermédiaire (middle domain), et un domaine effecteur ou GED. Chez les mitofusines ce domaine GED n’est pas conservé (d’apres Westermann et al., 2010).