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2.2 Circulation de solutés/pesticides dans un sol

2.2.4 Transport de pesticides dans l'eau immobile

L’influence de la région d’eau immobile du sol sur le transport microporal de solutés a été largement mise en évidence initialement lors d’expérimentations au laboratoire en colonnes (travaux de Biggar et Nielsen (1962) et Koch et Flühler (1993)). Plusieurs auteurs font l'hypothèse de la même influence sur le transport des pesticides.

2.2.4.1 Le transport de pesticides intra-agrégat par diffusion

Le transport rapide dans le domaine mobile s’accompagne d’un transfert de masse de soluté par diffusion moléculaire entre les domaines mobile et immobile du sol. Le soluté, dans le système, est ainsi considéré comme dans un état de déséquilibre du fait que son accès aux espaces intra-agrégats est contraint à ce transfert de masse diffusif (Brusseau et Rao, 1990).

Dans leurs travaux sur le lessivage de l’herbicide picloram dans un sol structuré, Rao et al. (1974) ont noté un retard ne pouvant être expliqué par le seul phénomène d’adsorption rapide. L'hypothèse d'une rétention temporaire du pesticide dans la microporosité du sol a été formulée. Selon ces auteurs, le picloram serait entré rapidement dans les micropores sous l’effet d’un fort gradient de concentration crée au moment de l’application de l’herbicide. La lenteur et le contrôle par diffusion du processus de relargage de l’herbicide vers l’extérieur des micropores auraient ensuite entraîné un retard de lessivage. De même, dans une étude au laboratoire Beulke et al. (2004) ont constaté que la concentration de diverses

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urées substituées (chlortoluron, isoproturon et triasulfuron) dans les percolats déclinait au cours du temps plus rapidement que ne le laissait supposer la dégradation. Ils ont attribué ce phénomène pour partie au processus de diffusion lente des pesticides à l'intérieur des agrégats, les rendant moins accessibles au lessivage.

La région immobile du sol, principalement confinée aux pores intra-agrégats, aurait ainsi un rôle de puits ou de source de solutés (van Genuchten et Wierenga, 1976) vis à vis de leur transfert dans l'eau mobile.

2.2.4.2 Facteurs affectant la diffusion intra-agrégat

Les facteurs qui affectent l’occurrence de la diffusion intra-agrégat de solutés relèvent à la fois du milieu poreux et du soluté.

La teneur en eau du sol apparaît comme le principal paramètre d’influence. Plusieurs auteurs l’ont mis en évidence sur le transport de pesticides lors d’expérimentations à différentes échelles. Dans une étude en monolithes de sol non perturbé, Shipitalo et al. (1990) ont ainsi observé des pertes d’atrazine par lessivage deux fois plus faibles lorsqu’une pluie fine de 5 mm était appliquée avant l’arrivée d'une pluie drainante de 30 mm. L’humidification du sol par la pluie fine aurait eu pour effet de faire migrer le pesticide à l'intérieur de la matrice de sol et de faciliter sa réaction avec le sol, le rendant moins accessible au lessivage. Johnson et al. (1999) ont, quant à eux, étudié le relargage d’isoproturon au laboratoire après différents temps d’équilibre sol/pesticide, à partir d’agrégats d’un sol argileux, plus ou moins humidifiés préalablement à l’application du pesticide. Les auteurs émettent l'hypothèse d'une réduction des quantités de produit disponibles au transport probablement du fait de sa diffusion progressive au coeur des agrégats humides. Selon eux, le transport d’un pesticide qui serait appliqué à un sol structuré partiellement séché en surface serait plus fort que si l’application était réalisée sur un sol proche de la capacité au champ, l’humidité favorisant la diffusion à l'intérieur des agrégats.

2.2.4.3 Conséquences de la diffusion intra-agrégat

La diffusion de solutés dans l'espace poral intra-agrégat est l’un des processus de transfert de masse diffusif impliqués dans le phénomène d’adsorption lente (ou sorption nonequilibrium) rencontré par les composés organiques dans les sols (Brusseau et al., 1991; Pignatello et Xing, 1996). En effet, en vue d’atteindre tous les sites de sorption, les molécules diffusantes doivent traverser la solution du sol et le film liquide entourant les particules pour pénétrer au sein des pores intra-agrégats et des phases solides pénétrables (Pignatello et Xing, 1996). La diffusion intra-agrégat peut par conséquent s’avérer importante

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sur le transport de solutés réactifs si une fraction significative des sites de sorption réactifs se trouve localisée dans la région immobile(Fesch et al., 1998). Il peut en résulter un retard de désorption des solutés. Ce retard serait d’autant plus significatif que l'humidité initiale du sol et la vitesse porale sont élevées comme indiqué dans l’étude des procédés nonequilibrium influents sur le transport d’atrazine de Gaber et al. (1995). Le pool de pesticides lentement désorbés peut, en fonction des conditions climatiques rencontrées au cours du temps, s’avérer par suite une source de contamination.

Par ailleurs, la diffusion intra-agrégat de solutés peut conduire à un piégeage physique des molécules dans des pores de petite taille (micro- et nano- pores), tortueux et inaccessibles aux micro-organismes dégradants. Ainsi, Steinberg et al. (1987) ont constaté que le 1,2-dibromoéthane - pesticide mobile et présentant peu d’affinité pour les sols - était retrouvé dans l’horizon de surface de différents sols, 19 ans après sa dernière application. En étudiant ce phénomène de persistance, les auteurs ont suggéré que le pesticide était piégé dans des micropores intra-agrégats de très petite taille ne permettant pas la transformation de la molécule. Ils invoquent pour expliquer le phénomène une restriction stérique ou une forte tortuosité des pores.

Enfin, la diffusion intra-agrégat de solutés pourrait conduire à une stabilisation des pesticides et/ou de leurs résidus, comme Amellal (2004) en fait l'hypothèse dans ces travaux sur le phénanthrène. En permettant le mouvement des résidus vers des espaces peu accessibles, la diffusion favoriserait leur interaction avec les constituants du sol et par suite leur stabilisation.

3 Simulation du transfert des pesticides dans

les sols

La modélisation du comportement des pesticides dans les sols est apparue aux alentours des années 1970 quand les outils et les techniques informatiques sont devenus disponibles pour permettre la simulation dynamique du comportement dans le système sol/plante. Le rôle de la modélisation du devenir des pesticides a depuis augmenté progressivement pour jouer aujourd’hui un rôle majeur dans l’estimation des aspects environnementaux du comportement des pesticides, notamment pour la validation de molécules au niveau européen (Boesten, 2000).

Le devenir des pesticides dans le sol dépend d’une combinaison de processus physiques, chimiques et biologiques. La modélisation apparaît un outil utile pour mieux comprendre les interactions entre ces différents mécanismes, de même que pour connaître les facteurs dominants le transport et enfin prévoir les pertes de pesticides vers les eaux souterraines.

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Ainsi à travers l’identification de la plupart des propriétés des sols et des pesticides mesurées au laboratoire, la modélisation permet ensuite de généraliser les connaissances du comportement des pesticides au champ. Par ailleurs, la modélisation permet de soulever les manques existants pour faire le lien entre le laboratoire et la parcelle.

3.1 Les modèles de simulation du transfert de