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Chapitre II : Etude du diagramme de phases des acides gras

III- Les transitions entre phases inclinées

Les phases inclinées sont au nombre de quatre dans le diagramme de phases : L2, L'2, L''2, Ov. Dans toutes ces phases, les expériences de diffraction de rayons X ont montré que l'angle d'inclinaison des chaînes est constant à température et pression de surface données. Par conséquent, les différents niveaux de gris observés sur les images correspondent aux différentes directions azimuthales des molécules

1- La transition L2-L'2

Comme nous l'avons vu, le réseau moléculaire est rectangulaire centré (hexagonal distordu) dans ces deux phases, et les molécules sont inclinées. La seule différence est la direction d'inclinaison des molécules : vers un premier voisin dans la phase L2, vers un second voisin dans la phase L'2. On s'attend donc à observer pendant cette transition une rotation des chaînes aliphatiques de +30° ou -30° par rapport au réseau.

Comme la phase L2, la phase L'2 est divisée en régions uniformes d'orientation azimuthale différente séparées par des lignes de défaut (figure II-5 b). Dans l'acide béhénique, les deux phases observées séparément ne peuvent pas être distinguées. Par contre, dans l'acide arachidique, la phase L'2 contient beaucoup plus de lignes de défaut droites et brisées que la phase L2; les angles des lignes brisées sont souvent voisins de 90°.

La transition L2-L'2 est observée entre 8.5°C et 27°C dans l'acide béhénique et entre 10°C (nous n'avons pas fait d'expériences à plus basse température) et 17°C dans l'acide arachidique. Elle se manifeste par une modification soudaine et complète de l'arrangement et de l'anisotropie des régions d'orientation azimuthale différente (figure II-5 a, b). On observe un changement aussi bien de la direction azimuthale des molécules que de la position des lignes de défaut. Il y a donc une rotation de la direction d'inclinaison des chaînes aliphatiques. Seuls les points d'intersection de plusieurs lignes de défaut semblent rester à la même place.

Juste avant la transition, on peut observer de petites fluctuations des lignes de défaut. Le changement de la forme et de l'anisotropie des différentes régions est rapide (environ une seconde). Cependant, on observe souvent une propagation de la transition à travers l'image

(a) (b)

(c) (d)

Figure II-5

Images en microscopie à l'angle de Brewster de la transition L2-L'2 dans une monocouche d'acide béhénique à 14°C, avec analyseur sur le parcours de la lumière réfléchie. Les barres représentent 50 µm. Cycle de compression-décompression. On observe le même endroit de la monocouche.

(a) et (b): Compression de la phase L2 (a) vers la phase L'2 (b): on observe un changement radical de l'anisotropie des régions d'orientations azimuthales différentes des molécules ainsi que de la position des lignes de défaut.

(c): Après décompression vers la phase L2, le film retrouve la même texture qu'en (a). Seuls quelques changements sont observés, par exemple dans le coin en haut à gauche.

50 (a) (b) (c) (d) Figure II-6

Images en microscopie à l'angle de Brewster de la transition L'2-L''2 dans une monocouche d'acide béhénique à 9°C, avec analyseur sur le parcours de la lumière réfléchie. Les barres représentent 50 µm. Cycle de décompression-compression. On observe le même endroit de la monocouche.

(a) et (b): Décompression de la phase L''2 (a) vers la phase L'2 (b): on observe un changement important de l'anisotropie des régions d'orientations azimuthales différentes des molécules ainsi que de la position des lignes de défaut.

(c): Après compression vers la phase L''2, le film retrouve une texture similaire à celle de (a). Cependant, quelques changements de l'anisotropie des régions et de la position des lignes de défaut sont observés.

(d): Après une nouvelle décompression vers la phase L'2, on obtient la même image qu'en (b), montrant la réversibilité de la transition. Seuls quelques changements de la position de certaines lignes de défaut peuvent être remarqués.

et l'on voit parfois les régions croître. Cela confirme qu'il s'agit bien d'une transition du premier ordre.

Malgré le changement radical de la morphologie et de l'anisotropie des régions d'orientation moléculaire différente, la texture des deux phases est presque parfaitement réversible lorsqu'on effectue plusieurs cycles de compression-décompression d'une phase à l'autre. Dans les deux phases, la direction azimuthale des molécules dans chaque région et la position des lignes de défaut sont les mêmes à chaque cycle. Comme cela peut être observé sur la figure II-5, seuls des changements mineurs sont observés.

Comme la direction d'inclinaison des molécules a tourné d'un angle de +30° ou -30° par rapport au réseau lors de la transition de L2 vers L'2, cette réversibilité montre que la plupart des molécules tournent en sens inverse lorsque la monocouche est décomprimée vers la phase L2. Cette réversibilité de la texture est très étonnante car on ne voit pas très bien ce qui permet de retrouver la position et l'orientation antérieures des molécules. Toutefois, comme cela a été indiqué ci-dessus, il semble que lors de la transition, les intersections de plusieurs lignes de défaut restent fixes; ces points de défaut pourraient servir de support.

Pour cette transition de phase, une différence importante entre les observations de microscopie à l'angle de Brewster et celles de microscopie de fluorescence polarisée réalisées par l'équipe de C.M. Knobler [5] a été mise en évidence. Ainsi, en microscopie de fluorescence, seules quelques lignes de défaut pivotent lors de la transition (souvent de 30°) et une grande majorité des régions ne change pas d'anisotropie. Ce changement est lui aussi réversible. Ces différences entre les deux méthodes sont probablement dues à un effet des sondes fluorescentes. Comme il s'agit de phases denses, les sondes risquent de faire des amas en particulier au voisinage des lignes de défaut; elles peuvent aussi changer la tension de ligne.

2- La transition L'2-L''2

Entre 8.5°C et 12.5°C dans l'acide béhénique, les transitions L2-L'2 et L'2-L''2 sont successivement observées lorsqu'on augmente la pression de surface. Ces deux transitions sont assez semblables.

La phase L''2 est elle aussi divisée en régions uniformes d'orientation azimuthale des molécules différente, séparées par des lignes de défaut. Cependant, les régions sont de tailles inférieures à celles observées dans les phases L2 et L'2 et de forme souvent plus allongée (figure II-6 a).

Comme la transition L2-L'2, la transition L'2-L''2 se caractérise par un changement complet de l'anisotropie et de la position des lignes de défaut (figure II-6 a,b). La texture des deux phases est aussi presque parfaitement réversible lors de cycles de compression-

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décompression (figure II-6). Cependant, quelques petites différences peuvent être notées par rapport à la transition L2-L'2 :

- Lors de la transition, on observe plus fréquemment que certaines portions de régions peuvent conserver la même direction azimuthale des molécules.

- Le changement de phase est légèrement plus lent; il ne se produit pas exactement au même instant partout. Cette transition est aussi du premier ordre.

- A chaque fois que le film est décomprimé vers la phase L'2, la même texture est retrouvée; seuls quelques changements mineurs sont parfois observés : déplacement d'une ligne de défaut ou changement de l'anisotropie dans une partie de région. Par contre, à chaque compression vers la phase L''2, davantage de modifications sont observées, probablement parce que les régions d'orientation différente sont plus petites.

3- La transition L2-Ov

La phase Ov apparaît elle aussi comme une mosaïque de régions de direction azimuthale différente séparées par des lignes de défaut. La transition L2-Ov a exactement les mêmes caractéristiques que la transition L2-L'2. La texture des deux phases est aussi réversible à chaque cycle de compression-décompression.

Nous n'avons pas étudié la phase Ov en détail mais cela a été fait en microscopie de fluorescence polarisée par l'équipe de C.M. Knobler. Lorsqu'on comprime le film de la phase L2 vers la phase Ov, les régions de direction azimuthale différente dans la phase Ov sont d'abord compactes comme dans la phase L2 puis s'allongent au bout d'une heure environ.

D'autre part, une transformation de forme des lignes de défaut qui séparent les régions est observée à l'intérieur de la phase Ov, en fonction de la température et de la longueur de chaîne des acides. Ainsi, les lignes de défaut sont courbes dans les acides ayant moins de 18 atomes de carbone alors qu'elles sont droites et souvent brisées dans les acides à plus longue chaîne. Dans l'acide stéarique (C18), les lignes de défaut sont droites ou brisées en dessous de 40°C et courbes au-dessus de 40°C.

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