• Aucun résultat trouvé

6. Résultats

6.3 Processus intra-groupe

6.4.1 Transformation des pratiques

La pratique des médecins s’est modifiée progressivement en ce qui concerne les suivis d’hypertension, de diabète, de dyslipidémie et plus récemment d’ajustement d’insuline. À l’arrivée des infirmières, ils ont progressivement commencé à leur envoyer des patients pour que les suivis se fassent selon les protocoles. À ce moment, la pratique elle-même n’avait pas beaucoup changée. En effet, la charge de travail était telle que les médecins

reconnaissaient que dans les faits, ils n’avaient pas le temps de revoir leurs patients autant qu’ils l’auraient voulu. Le fait de pouvoir les faire voir par l’infirmière a réduit un peu le temps consacré à l’enseignement par eux mais ce sont les patients qui devaient se déplacer plus souvent qui ont d’abord vu le changement.

« …un patient qui fait de l’hypertension que moi normalement j’aurais dû revoir dans un mois et que souvent je n’avais pas le temps alors je le mettais dans deux mois mais dans un mois ce serait mieux, alors tu l’envoies à l’infirmière et ça fait une place que tu n’as pas besoin de le revoir… »

Par la suite, les médecins ont commencé à envoyer les patients qui présentaient les pathologies ciblées et qui étaient mal contrôlés, afin de les aider à stabiliser leur condition.

« …si je vois que quelqu’un est vraiment dyslipidémique, que la glycémie est borderline, la pression est haute, que ça va être compliqué, peut-être lui je vais l’envoyer à l’infirmière… »

Les pratiques ont alors commencé à se modifier de façon plus concrète. En effet, le patient était vu par l’infirmière à quelques reprises et suite à ces rencontres de suivi et d’enseignement, il revenait voir le médecin.

« …on a fait un protocole qu’elle la prenait à tous les tant d’intervalle (la pression), et après ça si vraiment la pression était toujours haute, elles nous le renvoyaient au bureau pour qu’on puisse débuter le traitement… »

Avec le temps et avec l’expérience, les infirmières se sont mises à régler les cas au fur et à mesure, allant voir les médecins au moment où le patient était sur place ou en redonnant le dossier au médecin, qui prenait une décision sans nécessairement revoir le patient, en concertation avec l’infirmière. Maintenant, certains médecins ont commencé à prévoir l’évolution possible des patients et à laisser des prescriptions au dossier. À chaque modification, l’infirmière laisse le dossier au médecin pour qu’il soit au courant de ce qui arrive à ses patients. De même, si le suivi ne se poursuit pas selon ce qui est prévu, par exemple si le patient ne se présente pas aux rendez-vous, l’infirmière en avise le médecin traitant. Les médecins voient donc leurs patients moins souvent et le suivi est ainsi assuré.

Avec l’augmentation de la charge de travail des infirmières, les médecins ont restreint leurs références et ont gardé les patients qui sont assez bien contrôlés, ou qui présentent une pathologie simple, et certains ont remodifié leurs façons de suivre les patients.

« …au début je les envoyais souvent avec l’infirmière là je dis au patient de s’acheter un appareil, de la prendre (la pression) à domicile et de revenir me revoir… »

« …je fais de plus en plus de… d’auto-mesure de la pression à domicile, la pression artérielle, ça fait que j’envoie moins mes cas d’hypertension maintenant à l’infirmière, ça fait que c’est tout moi qui fait le counselling sur les habitudes, sur la diète… »

Plus récemment, avec l’instauration du protocole d’ajustement d’insuline, les médecins et les infirmières font un réel partage de leurs activités. En effet, pour plusieurs médecins, ce protocole a permis de débuter l’insuline au bureau. Cette pratique était auparavant pratiquement inexistante.

« …L’insuline, je les envoie tous, tous à l’infirmière. Tous les nouveaux cas, quand je vois un diabétique qui n’est pas bien contrôlé et qui a besoin d’insuline, mettons qu’il est sur les hypoglycémiants oraux et que ça ne marche plus, c’est toute l’infirmière, je les envoie tous… »

Selon les personnes interrogées, l’élaboration des protocoles permet maintenant de suivre les patients de façon plus systématique, selon les guides de pratique en vigueur. À travers le partage de certaines activités, les pratiques ont donc évolué vers un suivi réellement différent. Les participants ont mentionné que plusieurs autres pathologies nécessitant un suivi systématique pourraient bénéficier d’un suivi conjoint, mais les ressources en place ne permettent pas de penser développer d’autres protocoles pour l’instant.

Pour certains patients, le respect des protocoles a augmenté significativement le nombre de visites à la clinique. Le fait que les patients doivent se déplacer plus souvent a été le principal désavantage identifié par les médecins, et une des raisons pour laquelle les patients ont interrompu leur suivi avec l’infirmière. Mais selon eux, c’est le prix à payer pour un suivi qui respecte les guides de pratique en vigueur.

Le rôle des infirmières a aussi évolué au cours des années. D’un rôle surtout lié à l’enseignement sur la maladie et sur les habitudes de vie et de soutien au diagnostic, elles

ont progressivement pris plus de responsabilités et jouent un rôle plus actif au niveau du traitement des maladies. Elles rapportent même ne plus toujours avoir le temps de faire l’enseignement et elles envoient de plus en plus les patients au CSSS pour le compléter.

« …On leur dit qu’on les envoie au CLSC et qu’ils vont les renseigner sur leur maladie et que moi je vais faire le suivi et m’assurer que leur maladie est bien comprise et qu’elle est bien contrôlée c’est ça qui est important… »

Aussi, par les rencontres que les infirmières ont eu avec les employés de divers services et par leurs contacts avec leur chef de service au CSSS, elles ont développé et consolidé une connaissance du réseau qui leur permet de faire certaines activités de coordination lorsque c’est nécessaire. Les patients peuvent donc être mis en contact avec d’autres ressources et on voit poindre l’existence d’une forme de réseau.

Avec les formations et l’expérience acquise, elles ont développé une expertise importante et sont devenues une référence dans leur domaine particulier pour les médecins.

« …il y a des médecins qui en ont à peu près jamais fait (suivi d’insuline) donc ils n’ont pas d’expérience là-dedans alors les documents qu’on va leur offrir va devenir comme leur document guide. Il faut s’assurer que ce qu’on leur présente est correct… »

« …Et même, elles ont une expertise…je dirais que les infirmières ont une expertise vraiment importante en insuline, que même moi je n’aurais peut-être pas. Elles en font bien plus que moi… »

« …elles sont meilleures que moi pour ajuster les insulines… »