• Aucun résultat trouvé

1.2 Les communautés microbiennes dans les DMA

1.2.3 Transformation de l’arsenic par les procaryotes

L’arsenic est un métalloïde toxique abondant dans la croûte terrestre. Il est principa-lement retrouvé dans des minéraux sous forme d’anions As2 ou AsS associé à des métaux comme le fer, le cobalt ou le nickel (par exemple FeAs2, FeAsS, CoAsS). Il est aussi retrouvé comme impureté dans la pyrite. Il existe aussi des minéraux d’arsenic soufrés simples comme le réalgar (AsS ou As4S4), ces minéraux peuvent se dissoudre lors de la formation des DMA, entraînant des concentrations potentiellement très élevées d’arsenic (Morin et Calas 2006). L’arsenic est présent dans différents niveaux d’oxydation : -3, 0, +3 et +5 (Cullen et Reimer 1989). En fonction des conditions physico-chimiques, les composés d’arsenic sont facilement solubilisés dans l’eau, lui conférant une forte bio-disponibilité. La forme sous laquelle se trouve l’arsenic dans les DMA dépend fortement du minerai duquel il est issu (Morin et Calas 2006). La toxicité de l’arsenic est due à ses propriétés chimiques et sa capacité à en-trer dans les cellules. L’As(V) est un analogue du phosphate et entre dans les cellules par les transporteurs de phosphate, principalement par le transporteur constitutif Pit (Fig 1.5, point 1) (Rosen et Liu 2009). L’As(III) aux pH < 9,3 existe sous la forme non chargée As(OH)3 dont la structure est similaire à celle du glycérol. Sa voie d’entrée préférentielle serait les aquaglycéroporines qui transporte l’eau, le glycérol et des petites molécules non-chargées (Fig 1.5, point 1) (Rosen et Liu 2009). Dans la cellule As(V) se substitue au phosphate et produit des composés instables. Cela interfère avec les processus normaux de phosphoryla-tion et notamment la synthèse de l’ATP, de même que les transports dépendant de l’ATP, la glycolyse, la voie des pentoses phosphates et les voies de transduction du signal (Goyer et

Clarkson 2001). As(III) a une forte affinité pour les groupes sulfhydryles (R-SH), les groupes dithiols comme par exemple les glutathiones, glutarédoxines et thiorédoxines, provoquant des effets cancérigènes (Liu et al. 2001). Généralement les procaryotes sont 10 fois plus résistants à l’As(V), qu’à l’As(III) (Tamaki et Frankenberger 1992). Un des mécanismes de résistance à

Figure 1.5 – Représentation schématique des différentes transformations de l’arsenic par les procaryotes : (1) l’arsenic (As) entre dans les cellules par les transporteurs de phosphate (ar-senate, As(V)) ou par les aquaglycéroporines (arsenite, As(III)) ; (2) l’arsenic est immobilisée dans l’environnement extra-cellulaire par précipitation ; (3) dans la cellule, As(V) est réduit par une arsenate réductase, ArsC, en As(III) qui est expulsé de la cellule via des transporteurs Ars(A)B et Acr3 ; (4) l’arsenic inorganique peut être transformé en espèces organiques par une cascade de méthylation ; (5) As(V) est utilisé comme accepteur d’électrons par une arse-nate réductase dissimilatrice ArrAB ; (6) As(III) est utilisé comme donneur d’électrons par les oxydases AoxAB (appelée AioAB maintenant (Zargar et al. 2012)) ou ArxAB. As, arse-nic ; As(III), arsenite ; As(V), arsenate ; Pit, système de transport de phosphate inorganique ( PO3−4 ) ; Pst, système spécifique de transport de phosphate ; GlpF, GlpF aquaglycéroporine ; ArsC, arsenate réductase détoxifiante ; Ars(A)B, pompe à efflux d’arsenite ; MMA, acide mo-nométhylarsonique ; DMAA, acide diméthylarsinique ; DMA, diméthylarsine ; TMAO, oxyde triméthylarsine ; Aox/Arx, types d’arsenite oxydase ; Arr, arsenate réductase dissimilatrice. Figure modifiée de (Slyemi et Bonnefoy 2012).

l’arsenic est l’extrusion active de la cellule (Fig 1.5, point 3). Seul des transporteurs d’As(III) ont été identifiés jusqu’à présent et appartiennent aux familles ArsB et Acr3. Le système Ars est le mieux caractérisé, il existe sous la forme d’opérons génomique ou plasmidique ArsRBC ou ArsRDABC (Slyemi et Bonnefoy 2012). ArsB est un uniport qui utilise le potentiel de

membrane pour expulser l’arsenite, mais il n’est pas spécifique il extrude aussi les anions d’antimoine III. ArsC est une arsenate réductase cytoplasmique qui réduit As(V) en As(III) (Fig 1.5, point 3). ArsA est une ATPase qui fournit de l’énergie à ArsB pour l’extrusion de As(III), AsrB est fonctionnelle sans ArsA mais son efficacité est moindre (Meng et al. 2004). ArsR et ArsD sont des répresseurs qui régulent respectivement les niveaux d’expression ba-sal et maximum de l’opéron (Ajees et al. 2011). Une autre pompe existe : Acr3, moins bien caractérisée que ArsB mais plus répandue car présente dans les 3 royaumes du vivant alors que ArsB n’a encore jamais été observée chez les Eucaryotes (Mansour et al. 2007). On le retrouve aussi sous le nom de Arr3p. Ce transporteur est plus spécifique pour l’As(III) que ArsB et la sortie de As(III) semble associé à la force proto-motrice (Fu et al. 2009). La famille des transporteurs Acr3 est divisée en deux groupes : Acr3.1 qui possède un sous-groupe de transporteurs de champignons et Acr3.2 qui ne contient que des procaryotes (Wysocki et al. 2003). Une autre stratégie de résistance est la méthylation (Fig 1.5, point (4)) produisant des composés volatiles ou non. Les espèces volatiles dominantes sont des mono-, di- et tri-méthylarsine (MMA, DMA, TMA), et les non volatiles sont surtout des méthylarsonates et diméthylarsinate. La réaction commence par la réduction de l’As(V) suivi par des cycles de méthylation oxydative et de réduction d’intermédiaires organoarseniés (Dombrowski et al. 2007). La réaction de méthylation nécessite des S-adénosylméthionines comme source de groupe méthyle, il est transféré à l’As(III) par une arsenite S-adénosylméthionine méthyl-transférase (ArsM) avec la glutathione comme donneur d’électrons. Cette réaction s’exerce sur tous les intermédiaires méthylés jusqu’au TMA (Qin et al. 2006, Yuan et al. 2008). Le gène ArsM est très répandu, il a été détecté dans plus de 120 procaryotes (dont des Archaea) (Stolz et al. 2006).

Les réactions d’oxydo-réduction exposées dans les points (5) et (6) de la figure 1.5 ne sont pas des mécanismes de résistance mais des métabolismes d’acquisition d’énergie. La réduction dissimilatrice de As(V) (As(V) est l’accepteur final d’électron) permet la croissance anaérobie de nombreuses espèces procaryotes chez les Proteobacteria, Bacteria Gram-positifs, Bacteria et Crenarchaeota thermophiles (Silver et Phung 2005, Stolz et al. 2006, Paez-Espino et al. 2009, Oremland et al. 2009). De même l’arsenite peut être utilisée comme donneur d’élec-trons. Ce métabolisme a été identifié chez des micro-organismes hétérotrophes, mixotrophes et chimiolithoautotrophe dans des environnements variés (eaux usées, eaux douces et

ma-rines, géothermaux, drainages miniers, dépôts d’arsenic) (Ehrlich 2002, Oremland et Stolz 2003, Stolz et al. 2006, Oremland et al. 2009).