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Transferts d’´energie cin´etique `a travers les ´echelles de temps . 24

1.4 La g´en´eration spontan´ee de variabilit´e intrins`eque dans l’oc´ean et ses

1.4.2 Transferts d’´energie cin´etique `a travers les ´echelles de temps . 24

Parmi les m´ecanismes susceptibles de g´en´erer de la variabilit´e intrins`eque, le

terme d’advection non-lin´eaireU·U peut non seulement de transf´erer de l’´energie

cin´etique des petites vers de plus grandes ´echelles d’espace (cf. section 1.3.2), mais aussi des courtes vers de plus longues ´echelles de temps. Arbic et al. (2012) appliquent

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 25

Figure 1.10 – Ecart-type intrins`eque inter-annuel `a d´ecennale (1.5-20 ans) de la temp´erature de surface (SST), spontan´ement g´en´er´ee par les non-lin´earit´es

oc´ea-niques d’un mod`ele au 1/4◦

une m´ethode d’analyse spectrale et d´emontrent que ces transferts d’´energie cin´etique entre ´echelles temporelles existent dans un mod`ele QG `a 2 couches. L’´etude de Arbic et al. (2014), `a laquelle nous avons contribu´e et qui se trouve dans l’annexe B, corrige une ´etape dans le pr´e-traitement des analyses effectu´ees par Arbic et al. (2012) sur les sorties de mod`ele r´ealiste et sur les observations satellitaires. Ces derniers, grˆace `a cette correction, mettent en ´evidence une cascade inverse d’´energie cin´etique des ´echelles de temps rapides vers les ´echelles de temps longues. Ces ´echanges sont cependant moins importants dans le signal altim´etrique que dans le mod`ele r´ealiste. L’explication r´eside probablement dans l’interpolation r´ealis´ee pour fabriquer les donn´ees grill´ees `a partir des donn´ees le long des traces altim´etriques. D’apr`es les exp´eriences en mod`ele QG men´ees par Arbic et al. (2012) et Arbic et al. (2014), l’instabilit´e barocline et les transferts d’´energie associ´es `a l’advection non-lin´eaire de quantit´e de mouvement sont susceptibles de se produire spontan´ement dans l’oc´ean, et de fabriquer ainsi de la variabilit´e intrins`eque. Cela n’a toutefois par encore ´et´e d´emontr´e dans des mod`eles d’oc´ean r´ealistes et sera investigu´e dans le chapitre 5.

1.4.3 Variabilit´e induite spontan´ement par la rectification tourbillonnaire

Des ´etudes id´ealis´ees d´ecrivent un processus oc´eanique apparaissant

spontan´e-ment dans les r´egions o`u les niveaux d’EKE, l’instabilit´e barocline et la rectification

par les tourbillons sont importants : les jets de courants de bord-ouest (p. ex. les courant du Kuroshio et du Gulf Stream) et les jets de l’ACC. Les oscillations

basses-fr´equences r´esultent d’une modulation de la rectification tourbillonnaire autour d’un ´ecoulement fluctuant lentement.

Le m´ecanisme de l’oscillateur turbulent

L’oscillateur turbulent est un m´ecanisme de variabilit´e grande-´echelle basse-fr´equence d´ecrit par Berloff et al. (2007b) dans un mod`ele QG `a 2 couches. Il est caract´eris´e par des variations quasi-cycliques basse-fr´equences de position et d’inten-sit´e du jet de bord ouest se dirigeant vers l’est, et s’´etablissant dans une configuration de circulation oc´eanique `a deux gyres. C’est le cas, par exemple, du courant du Ku-roshio associ´e aux deux gyres du Pacifique Nord (cf. Figure 1.5). La g´en´eration de variabilit´e basse-fr´equence implique fondamentalement l’intensification du jet de bord-ouest par la rectification tourbillonnaire ainsi que les ´echanges turbulents de PV entre les gyres subpolaires (nord) et subtropicaux (sud).

Les variations de position et d’intensit´e du jet sont captur´ees par les deux pre-miers modes empiriques (EOFs) de la fonction de courant de surface : le premier correspond `a un tripˆole caract´erisant le d´eplacement du jet (Figure1.11a), tandis que le deuxi`eme est associ´e `a un dipˆole caract´erisant l’intensification et l’affaiblissement du jet (Figure1.11b). Ces deux modes empiriques ont un contenu basse-fr´equence substantiel et une signature significative dans la bande de fr´equence inter-annuelle (Figure1.11c, d). Ils sont reli´es par une quadrature de phase (Figure1.11e) et d´e-crivent un mˆeme mode dynamique, quasi-p´eriodique, dont on peut d´ecomposer l’os-cillation en 4 phases. Les phases positive et n´egative du premier (second) mode sont not´ees respectivement A et C (B et D). La chronologie de l’oscillation se d´ecrit

alors par la s´equence d’´ev`enements A B C D A dont on d´etaille les

caract´eristiques :

A - Le jet est intense et d´eplac´e vers le nord ; il est associ´e avec un large gyre

subtropical et une barri`ere de PV ´elev´ee entre les deux gyres.

B - Le jet migre vers le sud, dˆu `a une r´eduction du gyre subtropical ; le jet reste

intense et la barri`ere de PV ´elev´ee.

C - La rectification par les tourbillons s’amenuise, entrainant un affaiblissement de

la barri`ere de PV et du jet ; le gyre subtropical atteint sa taille minimale.

D - Le gyre subtropical croˆıt et induit un d´eplacement du jet vers le nord ; la barri`ere

de PV et le jet restent faibles.

A - La rectification par les tourbillons s’intensifie `a nouveau et donne lieu `a une

intensification du jet et `a une barri`ere de PV ´elev´ee ; le gyre atteint sa taille maximale.

Ce ph´enom`ene est analogue au syst`eme du pendule chaotique (cf. Figure 1.4) o`u

le for¸cage, c.-`a-d. la rectification par les tourbillons, est en comp´etition avec l’inertie

li´ee `a la PV du gyre subtropical. L’oscillateur turbulent est semblable au modes

d´ecennaux de variabilit´e intrins`eque apparaissant dans des mod`eles oc´eaniques QGs `a 2 couches (Berloff and McWilliams, 1999), et `a 3 couches (Dewar, 2003; Hogg et al., 2005, 2006).

Ce mode de variabilit´e est associ´e `a un fort signal en SST induit par les tour-billons et les variations du jet (Dewar, 2001). Il est susceptible de se projeter sur les

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modes atmosph´eriques dans un mod`ele QG coupl´e (Hogg et al., 2006; Berloff et al., 2007a). Ce mode disparait lorsque l’action des tourbillons est param´etris´ee par un op´erateur de viscosit´e (Kravtsov et al., 2006), d´emontrant le rˆole essentiel des tour-billons dans ce m´ecanisme intrins`eque de variabilit´e d´ecennale. Berloff et al. (2007a) proposent une param´etrisation stochastique des tourbillons sous la forme d’un pro-cessus al´eatoire non-stationnaire afin de reproduire dans un mod`ele non turbulent ce mode de variabilit´e basse-fr´equence. Kondrashov and Berloff (2015) sugg`erent une autre technique stochastique, bas´ee sur l’utilisation de modes empiriques, qui permet de repr´esenter les variations grandes-´echelles de ce mode oc´eanique intrins`eque.

Figure 1.11 – Structure spatiale basse-fr´equence : (a), (b) les deux modes empi-riques (EOFs) de la fonction de courant de surface. Les EOFs sont adimensionn´ees par leur valeur maximum (CI : 0.1). Le pourcentage correspond `a la fraction de la variance totale expliqu´ee par l’EOF. (c), (d) Les composantes principales (adi-mensionnalis´e par leur ´ecart-type) associ´ees aux EOFs. (e) Fonction de corr´elation crois´ee entre les deux PCs. Extrait de Berloff et al. (2007b).

Int´egration stochastique des tensions de Reynolds

Le transport d’eau anticyclonique autour du mont sous-marin du Zapiola, dans le bassin Argentin, exhibe des fluctuations intrins`eques basses-fr´equences dans un

mod`ele r´ealiste (∼ 100 Sv). Afin d’expliquer ce ph´enom`ene, Venaille et al. (2011)

d´ecrivent un m´ecanisme barotrope simple, faisant intervenir l’int´egration `a la

Has-selman des tensions de Reynolds. La variation temporelle du transportT en r´eponse

au for¸cage des tourbillons ηeddy s’´ecrit :

dT

dt =ηeddyωbT, (1.14)

o`u ωb est un coefficient de friction. Le terme tourbillonnaire peut s’approximer par

ηeddy ≈ −huv′|r=Lhqui correspond au flux tourbillonnaire de quantit´e de mouvement

sur le pourtour du mont sous-marin (r = Lh), avec u et v les vitesses radiales et

azimutales, et hla profondeur. Cette ´equation d´ecrit un m´ecanisme d’upscaling, par

lequel les fluctuations stochastiques petites-´echelles (induites par les tourbillons) se transmettent `a un ph´enom`ene plus grande ´echelle (le transport d’eau) par le biais des tensions de Reynolds.

Le cas de l’Oc´ean Circumpolaire Antarctique

Les ´ecoulements au sein de l’ACC sont fortement contraints par la topographie et les m´ecanismes `a l’oeuvre dans la variabilit´e des jets de l’ACC diff`erent quelque peu des courants de bord-ouest. Thompson (2010) d´ecrit, `a l’aide un mod`ele QG, deux m´ecanismes reliant la variabilit´e des jets `a l’influence de la topographie. Le premier m´ecanisme caract´erise le d´eplacement nord-sud des jets. Dans certaines conditions, la topographie peut interagir avec un jet zonal en modifiant localement le gradient de PV nord-sud, et induit ainsi `a une asym´etrie des tensions de Reynolds entre le nord et le sud du jet. Une telle distribution des tensions de Reynolds provoque alors un d´eplacement m´eridional du jet par des interactions tourbillons-´ecoulement moyen.

Ce processus est analogue `a l’oscillateur turbulent hormis le fait que la comp´etition

r´eside ici entre la rectification tourbillonnaire et l’influence de la topographie. Le deuxi`eme m´ecanisme consiste en un courant zonal ´etabli, g´en´erant des billons de m´eso-´echelle par instabilit´e barocline. L’EKE d´evelopp´ee par ces tour-billons p´en`etre en profondeur et ceux-ci interagissent alors avec la topographie en d´eviant le courant moyen, qui acqui`ere une composante m´eridienne. L’instabilit´e de l’´ecoulement moyen augmente par cons´equent et davantage d’EKE est lib´er´ee par instabilit´e barocline. Cette s´erie d’´ev´enements se r´ep`ete ensuite dans une r´e-troaction positive. Il faut attendre que le r´eservoir d’APE faiblisse et que l’EKE diminue, pour que le courant revienne dans sa position initiale et recharge son APE, avant de recommencer un nouveau cycle. Ce deuxi`eme m´ecanisme est similaire au mode de variabilit´e basse-fr´equence des jets coh´erents de l’ACC d´ecrit par Hogg and Blundell (2006) avec une topographie r´ealiste dans un mod`ele QG `a 3 couches. Il est `a noter que ce m´ecanisme ne fait pas intervenir directement les interactions tourbillons-courant moyen via les tensions de Reynolds. Thompson and Richards (2011) montrent que ces deux m´ecanismes sont pertinents dans un mod`ele r´ealiste pour expliquer la formation et le d´eplacement intermittents de jets `a proximit´e d’´el´e-ments de topographie.

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Chapman and Hogg (2013) sugg`erent l’existence d’un autre m´ecanisme,

d´e-nomm´ejet-jumping. Ce m´ecanisme est reli´e `a l’int´egration des tensions de Reynolds

par le courant moyen induit par deux recirculations anticyclonique autour d’anoma-lies de topographie (Venaille et al., 2011). Ces deux recirculations, qui constituent chacune un r´eservoir de PV homog`ene, poss`edent entre elles un diff´erentiel de PV qui induit un jet zonal. La rectification tourbillonnaire couple les deux recirculations et est le moteur d’une variation du diff´erentiel de PV, qui module ainsi spontan´ement la position du jet. Au moins trois r´egions de l’ACC, la dorsale sud-est indienne au sud de la Tasmanie, la dorsale de Macquarie au sud de la Nouvelle-Z´elande, et la dor-sale Pacifique-Antarctique, sont susceptibles d’ˆetre impliqu´ees dans la g´en´eration de

variabilit´e intrins`eque basse-fr´equence par le m´ecanisme de jet-jumping (Chapman

and Morrow, 2013).