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CHAPITRE 5 : Transferts de chaleur et de masse

2. Transferts de chaleur et de masse dans les milieux poreux

Il n’existe pas une unique façon de décrire les transferts de chaleur et de masse au sein d’un

matériau poreux. L’équation mathématique de conservation va dépendre des potentiels moteurs

choisis et des hypothèses de simplification.

Le paragraphe suivant propose une rapide description des transferts de chaleur et de masse

dans les milieux poreux et se focalise sur les équations proposées par le modèle Delphin 5 que

nous utilisons dans cette étude.

La plupart des auteurs en Physique du Bâtiment s’appuient sur les équations de conservation de

masse et d’énergie dont les principes thermodynamiques en milieu poreux ont été définis par

(Luikov 1975; De Vries 1958). Ces modèles macroscopiques, qui permettent de relier les forces

thermodynamiques à des coefficients de transport, ont servi de référence pour des modèles

développés plus tard (Grunewald 1997; H. M. Künzel and Kiessl 1996; Mendes, Philippi, and

Lamberts 2002; Pedersen 1990). En effet, de nombreux travaux s’appuient sur une description

des lois de transfert à l’échelle microscopique pour les transposer à l’échelle macroscopique.

Même si, comme vu Chapitre 3, la majorité des propriétés hygrothermiques dépend de la

porosité (tortuosité, distribution de taille de pores), cette approximation est justifiée car la

détermination des propriétés d’un matériau repose sur la mesure de grandeurs macroscopiques

résultant de la combinaison de phénomènes à l’échelle microscopique.

Les transferts HAM sont régis par des lois de conservation écrites sous la forme d’équations aux

dérivées partielles. Dans ce formalisme, on utilise l’approximation des milieux continus : les

propriétés sont moyennées sur des Volumes Élémentaires Représentatifs (VER) représentant le

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milieu poreux à l’échelle macroscopique. Cette approche présente donc l’avantage de ne pas

nécessiter une description exacte de la configuration des pores (distribution de tailles de pores,

tortuosité), difficile à obtenir de façon précise.

Figure 60: Section d'un Volume Elémentaire Représentatif (VER) contenant les trois phases

La forme générale d’une équation de conservation s’écrit de la façon suivante :

𝜕𝑆𝑡𝑜𝑐𝑘𝑎𝑔𝑒

𝜕𝑡 = ∇. qA + s (29)

avec qA la densité de flux relative à la quantité A et s un terme source.

En se plaçant à l’échelle du VER, l’équation traduit la variation temporelle d’une quantité A,

lorsqu’un flux qA entre dans le volume, plus un terme source s, le flux étant généré par une

différence de densité entre deux VER.

L’ensemble des transferts de masse et de chaleur et leur potentiel moteur sont résumés dans le

tableau suivant. Selon les modèles, certains phénomènes sont négligés ou pris en compte de

façon simplifiée. Les paragraphes suivants présentent plus en détail les mécanismes de transfert

les plus communs, en particulier ceux utilisés dans le logiciel Delphin 5.

TRANSFERT MECANISME FORCE MOTRICE

Transfert de chaleur

Conduction Différentiel de température

(de part et d’autre d’un

solide)

Rayonnement Différentiel de température

(entre deux surfaces)

Convection Pression totale, différence de

masse volumique

Flux enthalpique Diffusion de vapeur avec

changement d’état et

transport liquide avec

changement de température

Transfert d’eau sous forme

vapeur

Diffusion de gaz Pression de vapeur

Transport moléculaire Pression de vapeur

Diffusion en solution Pression de vapeur

Convection/advection Gradient de pression totale

Transport d’eau sous forme

liquide

Transport capillaire Succion capillaire

Diffusion de surface Humidité relative

Drainage Gravité

Flux hydraulique Pression différentielle totale

Electrocinétique Champ électrique

Osmose Concentration d’ions

Tableau 16 : Mécanismes de transport de chaleur et d’humidité et leur potentiel moteur d’après (H. Künzel 1995)

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2.1. Mécanismes de transfert d’humidité et de stockage dans les

matériaux poreux

2.1.1. Transfert de vapeur d’eau et d’eau liquide

Au sein d’un matériau poreux, à l’échelle microscopique, l’humidité peut être transportée sous

forme de vapeur par diffusion et sous forme liquide par capillarité.

La diffusion de vapeur d’eau est décrite par la loi de Fick, selon la perméabilité à la vapeur du

matériau D

v

.

𝑔

𝑑𝑖𝑓𝑓

= −𝐷

𝑣

(𝜙)𝛻𝑝

𝑣

(𝑇, 𝜙) (30)

Avec Dv(ϕ) =Dv,air

µ(ϕ) , μ le facteur de résistance à la vapeur d’eau (-), Dv,air la perméabilité à la vapeur de l’air (kg.m-1.s-1.Pa-1), étant habituellement définie selon l’équation de (Schirmer 1938)

Cette relation exprime la densité de flux diffusif de vapeur g

diff

(kg/s) en fonction du gradient de

pression partielle de vapeur d’eau Δp

v

(Pa) (lui-même fonction de la température T (K) et

l’humidité relative Ф (-)). La diffusion de vapeur dans le matériau est influencée par la structure

poreuse du matériau et la quantité d’eau présente. La dépendance entre le coefficient de

résistance à la diffusion de vapeur et la teneur en eau s’explique par la réduction de l’espace

disponible au fur et à mesure du remplissage des pores.

Les différents domaines hygriques caractéristiques des milieux poreux ont déjà été présentés

Chapitre 3. Dans le domaine hygroscopique, le transfert d’humidité est en fait une combinaison

de diffusion de vapeur dans les pores, de transfert d’eau liquide par diffusion de surface, qui

selon (Krus 1996) apparait bien avant que la condensation capillaire ne se produise, et d’un

transfert par capillarité dans les plus petits pores remplis d’eau.

Néanmoins le phénomène de diffusion de vapeur reste prépondérant. Le transfert global est

décrit par un phénomène de diffusion régi par la loi de Fick. La perméabilité à la vapeur tend

vers zéro à partir de ϕ = 0.95 à 0.98, selon les modèles, lorsque la majorité des pores est remplie

d’eau.

Dans le domaine de condensation capillaire (0.95 à 0.98 ≤ ϕ ≤ 1), l’humidité est transportée

majoritairement par capillarité. La capacité d’un matériau poreux à absorber l’eau liquide

dépend donc notamment de la taille de ses pores.

A l’échelle microscopique, l’eau due à la condensation capillaire dans les pores se déplace sous

l’effet d’un gradient de pression de liquide capillaire. Le débit massique q

l

(kg.s

-1

) d’un

écoulement laminaire au sein d’un pore cylindrique de rayon r (m) est décrit par la loi de

Poiseuille :

𝑞

𝑙

= −𝜌

𝑙

𝜋𝑟

4

8𝜂

𝛿𝑃

𝑙

𝛿𝑥 (31)

avec η la viscosité dynamique (N.s.m-2) et Pl la pression liquide capillaire (Pa)

Si l’on se place à l’échelle du pore, l’équilibre entre les phases liquide et vapeur est décrit par la

loi de Kelvin. Cette loi relie la pression de succion P

suc

(Pa) à la température T (K) et l’humidité

CHAPITRE 5 : Transferts de chaleur et de masse

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𝑃

𝑠𝑢𝑐

(ϕ) = ρ𝑀

𝑤

. 𝑅

𝑤

. 𝑇. 𝑙𝑛 ϕ (32)

Avec ρw la masse volumique de l’eau (g/cm3), R la constante des gaz parfaits (8.31 J.K-1.mol-1), Mw la masse molaire de l’eau (g /mol)

A l’échelle macroscopique, le flux d’eau liquide peut être exprimé par la loi de Darcy. Le terme de

gravité est fréquemment négligé au vu de la taille de pores de la majorité des matériaux du génie

civil et la pression de succion est considérée comme le seul potentiel moteur, selon une

approche conductive en fonction de K

l

la conductivité liquide du matériau en (s).

Selon les modèles, le flux d’eau liquide est également exprimé en prenant la teneur en eau ou

l’humidité comme potentiel moteur, selon une approche diffusive en fonction de la diffusivité

hygrique du matériau en (m²/s).

Parmi les modèles HAM les plus connus, différents potentiels moteurs sont utilisés : nous

pourrons citer la teneur en eau pour le modèle de (H. M. Künzel and Kiessl 1996), la pression

capillaire pour (Janssen, Blocken, and Carmeliet 2007) et l’humidité relative pour (Tariku,

Kumaran, and Fazio 2010).

Chaque potentiel moteur présente des limites. Dans le cas des parois multicouches, la variation

de la teneur en humidité utilisée dans le modèle de (De Vries and Philip 1957) présente

l’inconvénient de générer une discontinuité entre les différents matériaux qui composent la

paroi. Le gradient d’humidité relative ne présente pas cet inconvénient, mais sa définition à

travers l’isotherme de sorption présente des limites, car la représentation du domaine

super-hygroscopique est alors très limitée (Nicolai 2007).

Dans le logiciel Delphin, le gradient de pression capillaire est donc préféré. Le choix de ce

potentiel permet au modèle de converger plus rapidement (Janssen 2014) et de travailler avec la

courbe de stockage d’humidité θ

l

= θ

l

(p

c

). La définition de cette courbe et son dimensionnement

à partir des données expérimentales sont décrits par (A. G. Scheffler, Grunewald, and Häupl n.d.).

Pour modéliser le transfert d’eau liquide dans des matériaux, les deux approches fréquemment

utilisées dans les modèles sont donc l’approche diffusive (33) et l’approche conductive (34).

Chacune de ces approches ayant ses limites, le logiciel Delphin propose les deux.

𝑗

𝑘𝑚𝑙

= −𝐷

𝑙

.𝜕𝑚

𝑤+𝑣

𝜕𝑥 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝐷

𝑙

= 𝐷

𝑙

(𝜃

𝑙

) (33)

𝑗

𝑘𝑚𝑙

= −𝐾

𝑙

.𝜕𝑝

𝑙

𝜕𝑥 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝐾

𝑙

= 𝐾

𝑙

(𝜃

𝑙

) (34)

Avec Dl la diffusivité liquide (m²/s), Kl la conductivité liquide (s), pl la pression liquide (Pa) et θl la teneur en eau (m3/m3)

Afin de s’affranchir de la dépendance du maillage, les coefficients de transport sont transformés

en potentiel de Kirchhoff ψ (Arfvidsson 1999).

𝑗

𝑘𝑚𝑙

= −𝜕𝜓

𝑙

𝜕𝑥 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝜓

𝑙

= 𝜓

𝑙

(𝜃

𝑙

) (35)

Concernant les autres mécanismes de transfert de masse sous forme liquide présentés Tableau

16, les phénomènes liés au drainage, flux hydraulique, électrocinétique et osmose sont tous

négligés, car ce sont des phénomènes rares ou analysés dans des cas particuliers dans le

domaine du bâtiment.

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2.1.2. Stockage d’humidité

Les matériaux poreux comme ceux du bâti ancien ou les isolants bio-sourcés ont la capacité de

stocker de l’humidité dans des quantités non négligeables. La teneur en humidité du matériau

permet d’évaluer la capacité du matériau à stocker de l’eau en son sein. Cette fonction de

stockage peut s’exprimer de différentes façons selon les modèles, soit en fonction de la pression

capillaire p

c

, soit en fonction de l’humidité relative φ. Dans le deuxième cas, la fonction de

stockage se rapporte à une isotherme de sorption (Figure 61).

Figure 61 : Fonction de stockage d'humidité : dépendant de la pression capillaire (gauche), dépendant de l'humidité relative telle une isotherme de sorption (droite)

2.2. Mécanismes de transfert de chaleur

Le transfert de chaleur à travers la paroi est déterminé par plusieurs flux. Tous, sauf un,

dépendent du transfert de masse qui transporte également de l’énergie. Les transferts par

convection et rayonnement sont considérés comme des phénomènes de surface (échange entre

l’air et la paroi) (H. Künzel 1995).

Parmi ces mécanismes, seront pris en compte :

- la conduction générée par un gradient de température ;

- le changement de phase de l’eau lié au phénomène d’évaporation-condensation ;

- le transport enthalpique de chaleur par chaleur sensible ;

- le transport enthalpique de chaleur dû au phénomène de sorption.

Le seul flux indépendant est le flux dû à la conduction de chaleur j

k,diff

(W/m²). Il est

proportionnel au gradient de température et est décrit par la loi de Fourier :

𝑗

𝑘,𝑑𝑖𝑓𝑓𝑄

= −𝜆(𝑤, 𝑇) . 𝜕𝑇

𝜕𝑥

𝑘

(36)

Avec λ la conductivité thermique en W.m-1.K-1

Selon le type de matériau et la précision du modèle, la conductivité thermique λ peut être

fonction de la température et de la teneur en eau, bien que dans la gamme de température

utilisée dans la physique du bâtiment, cette dépendance soit négligeable (G. Scheffler 2008).

Comme vu dans le Chapitre 2, la dépendance entre les propriétés des matériaux et la teneur en

eau est essentielle pour une simulation fiable des matériaux fortement hygroscopiques.

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