2.3 Résultats
2.3.2.1 Transfert des fondants de la route vers les réseaux d’assainissement
Pour étudier le transfert des fondants de la route vers les bassins d’assainissement, la concentration en
ions Na+ et Cl− a été mesurée dans les échantillons d’eau prélevés en entrée du bassin de Chenevières.
Cette mesure a été mise en parallèle avec les données apportées par le gestionnaire sur les épandages et
les données pluviométriques fournies par Météo-France.
Transfert du fondant dans les réseaux de collecte :
L’hiver 2013–2014, particulièrement peu rigoureux, ne sera pas observé dans cette partie.
La concentration en Cl− dans les eaux d’entrée du bassin varie entre 32 et 2 190 mg/L durant l’hiver
2012–2013 et entre 2 et 1 116 mg/L durant l’hiver 2014–2015, tandis que la concentration en Na+dissous
varie entre 24 et 1 173 mg/L durant l’hiver 2012–2013 et entre 1 et 765 mg/L durant l’hiver 2014–2015.
La concentration en Na+total varie entre 25 et 1 823 mg/L durant l’hiver 2012–2013 et entre 2 et 765
mg/L durant l’hiver 2014–2015.
Au cours de l’hiver 2014–2015, les concentrations en Cl− et en Na+ ont augmenté rapidement après
les premiers épandages de fondants routiers début décembre pour atteindre un pic en février (tableau
varié à l’image des concentrations avec une augmentation significative dès le mois de décembre passant
de 0,15 à 0,85 mS.cm−1, prolongée jusqu’en mars avec un pic à 2,69 mS.cm−1 en février (tableau2.1).
Le pH varie entre 7,1 et 7,9 durant l’hiver, sans lien clair avec l’évolution de la concentration en
fondants. Durant l’hiver 2012–2013, une forte variabilité du pH avait été observée (entre 6,9 et 10,2)
sans lien direct avec le transfert des fondants.
TABLEAU2.1: Évolution des moyennes mensuelles des paramètres physico-chimiques de la qualité de l’eau
d’entrée du bassin de Chenevières durant l’hiver 2014–2015.
Octobre Novembre Décembre Janvier Février Mars
Conductivité (mS.cm
−1)
Entrée 0,28 0,15 0,85 2,04 2,69 1,85
Sortie 0,20 0,16 0,26 0,80 1,68
-pH
Entrée - 7,20 7,44 7,30 7,18 7,86
Sortie 7,96 7,48 7,87 7,11 6,99 7,23
[Na
+] (mg/L)
Entrée
Fraction dissoute 36,5 4,53 49,4 258 547 340
Concentration totale 44,7 6,91 123 390 574 413
Sortie
Fraction dissoute 8,20 5,94 9,17 87,1 311 262
Concentration totale 11,4 8,79 7,66 186 382 348
[Cl
−] (mg/L)
Entrée 12,2 3,64 88,9 189 -
-Sortie 4,63 2,66 3,15 145 -
-Spéciation du sodium dans les eaux entrant dans le bassin et transfert depuis la route :
Les concentrations moyennes mensuelles en Cl− et en Na+ (sous formes dissoute et particulaire)
ont connu une évolution importante au cours des hivers 2012–2013 et 2014–2015. L’hiver 2013–2014,
particulièrement peu rigoureux n’est pas observé dans cette partie.
Les concentrations en Na+total et en Na+ dissous dans les eaux d’entrée du bassin de Chenevières
sont représentées en figure2.5.
L’évolution des concentrations en Na+dans les phases dissoutes et particulaires a été irrégulière. Pour
la période du 9 au 13 décembre (événement (a) figure2.5), la fraction dissoute représente en moyenne 32
% du total pour une teneur moyenne en MES de 16 mg/L. Pour la période du 5 au 14 janvier (événement
(b) figure2.5), elle représente en moyenne 41 % du total pour une teneur moyenne en MES de 36 mg/L.
Enfin, pour la période du 29 janvier au 23 février (événement (c) figure2.5), elle représente en moyenne
87 % du total pour une teneur moyenne en MES de 16 mg/L.
Ces trois événements correspondent à des périodes d’épandages de fondants suivies d’un lessivage
rapide sous l’effet de pluies marquées, respectivement 12, 30 et 36 mm de pluies cumulées sur les
événements (a), (b) et (c). L’événement (a), qui a suivi un épandage de 106 kg de fondants environ,
a été la première période de lessivage de sel pour l’hiver 2014–2015, la dernière étant l’événement (c).
Les événements (b) et (c) ont fait chacun suite à des épandages représentant plus d’une tonne au total.
L’événement (b) a été marqué par une forte teneur des eaux de ruissellement routières (entrant dans le
bassin) en MES et une proportion de Na+ dissous relativement faible, tandis que l’événement (a) a été,
lui, caractérisé par une proportion de Na+ dissous faible et une teneur en MES relativement faible.
L’événement (a) a été marqué par un contexte météorologique particulier ; aucune chute de neige n’a
été associée à cet événement, les épandages ont été préventifs et suivis de précipitations importantes.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
28/09/14 28/10/14 27/11/14 27/12/14 26/01/15 25/02/15 27/03/15
S
o
d
iu
m
(m
g
/L
)
Date
Na Dissous (mg/L)
Na total (mg/L)
(a)
(b)
(c)
MES=36 mg/L
MES=16 mg/L
MES=16 mg/L
Figure2.5: Évolution des concentration en Na dissous, Na total et concentration moyennes par événement en
MES durant l’hiver 2014–2015 en entrée du bassin de Chenevières.
Lors de l’événement (b), des chutes de neige correspondent aux précipitations de début de cette période,
s’accumulant sur un boudin de neige déjà présent en bord de route. L’ensemble de la neige présente cette
période a fondu et a été transporté dans le bassin (avec les particules associées).
Durant l’événement (c), aucun boudin de neige n’était présent en bord de route, mais les précipitations
de début de l’événement correspondent à un épisode neigeux, alors que la fin de l’événement est marquée
par un épisode pluvieux important.
Discussion :
La majorité des études menées sur le transfert des fondants routiers vers l’environnement s’attache à
mesurer et identifier le fondant dans les bassins d’assainissement ou directement dans l’environnement
sans l’observer dans les réseaux de collectes quand ils existent (Gallagheret al., 2011 ;Revitt et al.,
2004).
Les concentrations mesurées ici, malgré leur très forte variabilité intra et inter-anuelle, sont supérieures
à celles relevées en Suède (inférieures à 1 500 mg/L en Cl− et Na+ (Baeckstroemet al.,2003)), mais
largement inférieures à celles mesurées au Danemark (Helmreichet al.,2010) ou aux États Unis (Gallagher
et al., 2011) (jusqu’à 22 g/L en Cl−), voire même en France (Pilloy et Tchittarath, 1983) (27 à 30
g/L). Cette variabilité est liée aux conditions météorologiques, essentiellement aux précipitations, et aux
pratiques locales en termes de viabilité hivernale (Gallagher et al.,2011).
La rigueur de l’hiver et, par conséquent, la quantité de fondants épandus, est également un facteur
majeur expliquant les variations de concentrations en Cl− et en Na+ en entrée de bassin. L’hiver
2012–2013, durant lequel plus de 4 700 kg de sel ont été épandus sur la section de route considérée, est
marqué par un Indice de Viabilité Hivernal (IVH1) largement supérieur à la moyenne pour l’ensemble des
stations de mesure de la région Lorraine (IVH moyen de 100 par exemple pour Metz, Nancy ou Epinal,
avec des IVH entre 110 et 130 pour l’hiver 2012–2013). Il est raisonnable d’estimer que les concentrations
observées durant cet hiver sont proches des concentrations maximales mesurables sur notre site depuis
sa mise en service en 2009.
Les fondants routiers ont une influence sur le pH de l’eau (Derombise et Durickovic,2011;Greenet al.,
2008). Si les avis des auteurs divergent sur l’influence du NaCl, plusieurs mécanismes tels que la diminution
de la solubilité des carbonates de calcium ou l’influence sur la mobilité de certains acides organiques ont
été identifiés et le rôle du NaCl régulièrement cité. Nos résultats ne démontrent aucun effet statistiquement
significatif (p < 0,01) des variations de concentrations en ions Cl− ou en ions Na+ sur les variations de
pH en entrée du bassin de Chenevières. Le pH, supérieur à celui observé parBaeckstroemet al.(2003),
mais dans la fourchette indiquée par d’autres auteurs (Helmreichet al.,2010), est essentiellement contrôlé
par le contexte local et la qualité des sédiments (Trompet al.,2012). Un effet tampon, notamment de
minéraux comme CaCO3, est rapporté par certains auteurs pour expliquer la faible variation de pH
dans les eaux de ruissellement routières. L’évolution du pH lors du printemps et de l’été 2013, dépassant
systématiquement 8 et atteignant un maximum de 10,2, n’a pas de lien avec l’épandage de fondants
routiers. Elle peut cependant être mise en relation avec un effet biologique non étudié ici, l’eutrophisation
potentielle de l’eau du bassin, connue pour avoir un effet sur l’augmentation du pH (Dierberget al.,2002).
Concernant le transfert et la spéciation du Na+dans les eaux de ruissellement routières, plusieurs
facteurs sont mis en jeu.
Tout d’abord l’épandage et la mise en solution du NaCl sur la surface de la route, puis son transport
dans les réseaux de collecte sont connus pour augmenter la teneur en MES des eaux de ruissellement
routières (Helmreichet al.,2010). Cette augmentation pourrait être expliquée par l’influence générale du
NaCl en solution sur la mobilité des colloïdes (Bommel-Orsiniet al.,2010) et son effet particulier sur la
déstabilisation de la matière minérale par échange avec les ions Ca2+et Mg2+(Kim et Koretsky,2011).
Cependant, la présence de neige en bords de route a également été citée comme pouvant influencer le
transport des MES et la spéciation du Na+ (Westerlund,2007). Ainsi l’événement (b) correspond à la
description faite parWesterlund(2007) d’un événement de “pluie sur neige”, un événement pluvieux
associé à une augmentation de température venant remettre en suspension les éléments solides “stockés”
dans le boudin de neige présent en bord de route. Toutefois, si les mécanismes semblent similaires, les
conditions hivernales et les teneurs en MES sont assez éloignées de celles mesurées dans notre étude
(Helmreichet al., 2010; Westerlund,2007).
D’une manière générale, et malgré la mobilité du Na+ (Derombise et Durickovic,2011), la fraction
dissoute est relativement réduite en début d’hiver (40 % environ) et en particulier lors des événements
associés à une forte concentration en MES. Malgré cette proportion réduite, la mobilité du Na+ reste
particulièrement élevée, les concentrations en ions Na+ et Cl− étant fortement corrélées, et le caractère
conservatif et donc très mobile des Cl− étant reconnu (Derombise et Durickovic,2011).
1