2.3 Mod´ elisation des transferts d’´ energie
2.3.3 Transfert de rayonnement en g´ eom´ etrie plane
Le deuxi`eme ph´enom`ene physique important d’´echanges d’´energie au sein d’un mi-lieu est le transfert de rayonnement. La mati`ere port´ee `a haute temp´erature va ´emettre des photons qui vont se propager et peuvent ˆetre absorb´es `a courte ou longue dis-tance en fonction de l’opacit´e du milieu. Pour prendre en compte le transfert radiatif, il faut arriver `a calculer `a chaque instant l’intensit´e lumineuse not´ee Iν(~r, ~Ω, t) (unit´e en
W.m−2.sr−1.Hz−1). Elle est reli´ee `a une quantit´e d’´energie dE `a l’aide de la relation :
dE = Iν(~r, ~Ω, t) cos θdSd2Ωdνdt. dE correspond `a la quantit´e d’´energie transport´ee par les photons ayant une fr´equence comprise entre ν et dν, traversant la surface dS pen-dant la dur´ee dt, dans un angle solide d2Ω autour de la direction ~Ω. θ est l’angle entre la direction d’´emission ~Ω et la normale `a la surface dS (voir figure 2).
Figure 2 – Rayonnement traversant la surface dS.
Connaissant l’intensit´e lumineuse, il est possible de d´eterminer la quantit´e d’´energie radiative d´epos´ee dans la mati`ere : Pdep = ∂E∂t =R
d2ΩR+∞
0 (kνIν − jν)dν. Cette gran-deur est alg´ebrique, c’est `a dire qu’elle peut ˆetre positive (la mati`ere re¸coit globalement de l’´energie) ou n´egative (la mati`ere perd de l’´energie).
En n´egligeant les termes de diffusion, l’´equation de transfert de rayonnement s’´ecrit [24] :
1
c ∂Iν
∂t + ~Ω. ~∇Iν = ρ[jν(1 + nν) − κνIν] (18) o`u ρ est la densit´e massique (unit´e en kg.m−3), κν l’opacit´e vraie (unit´e en m2.kg−1) et jν l’´emissivit´e (unit´e en W.kg−1.sr−1.Hz−1). Le terme nν correspond au terme d’´emission induite et est donn´e par : nν = c2Iν
2hν3. L’´equation de transfert peut alors s’´ecrire sous sa forme usuelle :
1
c ∂Iν
o`u kν est l’opacit´e corrig´ee de l’´emission induite : kν = κν− c2jν
2hν3. Cas particulier d’un rayonnement de Planck :
Dans le cas du rayonnement de Planck, l’intensit´e lumineuse est donn´ee par la relation : Iν(~r, ~Ω, t) = Bν(T ) = 2hν 3 c2 1 ekThν − 1 (20)
Pour un rayonnement Planckien, l’´emissivit´e jν est directement reli´ee `a l’opacit´e par : jν = kνBν(T ).
Il est possible d’obtenir l’´energie radiative et le flux radiatif ´emis dans un demi-espace. Nous obtenons les relations classiques :
Er = 4π c Z +∞ 0 Bν(T )dν = 8π 5k4 15c3h3T4 = aT4 (21) Fr = π Z +∞ 0 Bν(T )dν = a c 4 T 4 = σT4 (loi de Stefan) avec a = 15c8π53kh43 et σ = 15c2π52kh43 = 5.6696 × 10−8W.m−2.K−4.
Nous allons maintenant d´ecrire la m´ethode de r´esolution retenue pour r´esoudre l’´equation de transfert qui permet d’obtenir l’intensit´e lumineuse. Nous nous placerons dans un r´egime stationnaire (la d´eriv´ee temporelle dans l’´equation de transfert est sup-pos´ee nulle).
R´esolution dans une maille homog`ene en r´egime stationnaire.
La r´esolution de l’´equation de transfert est relativement simple en g´eom´etrie plane d`es lors que le milieu est consid´er´e comme homog`ene. Soit s la coordonn´ee curviligne le long d’une direction donn´e ~Ω, nous avons :
∂Iν
∂s = ρ[jν − kνIν] (22) En int´egrant cette relation entre s0 et s, nous obtenons apr`es simplification la rela-tion donnant l’intensit´e lumineuse en sortie du milieu :
Iν(s) = (2 − ρ ds kν) Iν(s0) + 2ρds jν
2 + ρ ds kν (23) Cette relation permet de relier l’intensit´e lumineuse en sortie d’un milieu homog`ene en fonction de l’intensit´e lumineuse en entr´ee du milieu et des caract´eristiques du milieu (densit´e, opacit´e, emissivit´e et longueur travers´ee). Nous allons maintenant r´esoudre le transfert radiatif dans un empilement compos´e de diff´erentes mailles suppos´ees indivi-duellement homog`enes.
R´esolution dans un empilement de mailles.
La r´esolution de l’´equation de transfert 18 en g´eom´etrie plane est relativement simple. En effet, du fait de l’absence des termes de diffusion, il n’y a pas de couplage entre diff´erents angles. Nous allons donc pouvoir calculer l’intensit´e lumineuse Iν(~r, ~Ω, t) suivant des angles discrets ~Ωj et cela de mani`ere ind´ependante. Pour un angle donn´e, le rayon lumineux se propage en ligne droite et intercepte chaque maille au niveau de ses noeuds interne et externe d´efinis respectivement par ri−1
2 et ri+1
2 (ils correspondant aux bords de la maille i). Dans chaque maille suppos´ee homog`ene, nous venons de voir qu’il est possible de r´esoudre num´eriquement la propagation de l’intensit´e lumineuse, il suffit ainsi de suivre le rayon de maille en maille en calculant `a chaque fois l’intensit´e luminieuse de sortie qui devient la valeur d’entr´ee de la maille suivante.
La figure 3 montre la g´eom´etrie retenue pour le d´ecoupage angulaire de l’espace.
Figure 3 – Propagation des faisceaux lumineux `a travers une g´eom´etrie `a sym´etrie plane.
Un faisceau lumineux le long de la direction ~Ωj est d´efini `a partir de l’angle θj qu’il fait avec l’axe ~er perpendiculaire aux mailles (direction verticale sur la figure). Nous posons µj = ~er. ~Ωj = cos θj et utiliserons par la suite ce param`etre µj pour la discr´etisation des faisceaux. On va associer un angle solide wj `a chaque rayon, cela correspond au poids port´e par chaque rayon. Pour Nj secteurs angulaires compris entre 0 et π, la discr´etisation angulaire est r´ealis´ee de mani`ere `a obtenir des directions µj
´equidistantes :
µ12 = −1
µj+12 = µj−12 + 2
Nj pour j = 1..Nj − 1 (24)
µNj+12 = 1
Nous d´efinissons ainsi un secteur angulaire situ´e entre µj−12 et µj+12, correspondant `
4π
Nj. Nous introduisons ´egalement les valeurs centr´ees µj = 12(µj+12 + µj−12) auxquelles nous associerons aussi une intensit´e. Ainsi, l’intensit´e sera discr´etis´ee selon Nj secteurs et 2Nj+ 1 directions.
Pour un angle donn´e µj d’indice entier ou demi-entier, nous utilisons la relation (23) avec ds = ri+ 12
−r
i− 12
|µj| , en proc´edant par r´ecurrence du bord interne de l’empilement des mailles vers le bord externe pour les directions positives et du bord externe vers le bord interne pour les directions n´egatives. Les conditions initiales sont d´efinies au niveau des bords interne et externe de l’empilement o`u nous consid´erons que l’intensit´e lumineuse incidente est nulle (pas de rayonnement provenant du vide externe).
Dans le cas particulier des rayons parall`eles aux mailles (µ = 0), l’expression don-nant ds diverge et il faut alors utiliser la relation :
Iν(µ = 0) = jν
kν (25)
Il ne faut pas oublier d’appliquer les mˆemes relations pour passer `a travers un ´ even-tuel vide entre deux mailles successives. Nous appliquons alors le mˆeme formalisme mais en imposant jν = 0 et kν = 0, puisque le vide n’´emet et n’absorbe aucun rayon-nement.
La puissance radiative d´epos´ee dans la maille i par unit´e de surface (unit´e en W/m2) est d´etermin´ee `a partir de la relation suivante :
Pν,i = mi
Nj
X
j=1
wj(kν,iIν, i¯ j − ji) (26)
o`u l’intensit´e moyenne en angle et en espace ¯Iij est calcul´ee au moyen de la relation :
¯ Iij = 1 2( ¯I j i−12 + ¯Ii+j 1 2 ) = 1 12(I j−12 i−12 + 4Ii−j 1 2 + Ij+ 1 2 i−12 + Ij− 1 2 i+12 + 4Ii+j 1 2 + Ij+ 1 2 i+12 ) (27)
miest la masse de la maille i par unit´e de surface (unit´e en kg/m2). Nous reconnaissons dans l’expression (27) les coefficients li´es `a la formule du trap`eze pour l’interpolation spatiale (coefficients 12 et 12) et ceux li´es `a la formule de Simpson pour l’interpolation angulaire (coefficients 16, 46 et 16).
Cas test d’un milieu homog`ene.
Nous avons effectu´e diff´erents cas tests pour valider la m´ethode de r´esolution im-plant´ee dans Esther, nous pr´esentons ici un cas particulier d’un milieu homog`ene qui peut se r´esoudre de mani`ere analytique. La solution th´eorique en sym´etrie plane pour un mat´eriau d’´epaisseur L, d’opacit´e kν et d’´emissivit´e jν est donn´ee pour chaque angle
µ > 0 : Iν(x, µ) = jν kν 1 − e−ρkν xµ µ = 0 : Iν(x, µ) = jν kν (28) µ < 0 : Iν(x, µ) = jν kν 1 − eρkν (L−x)µ
La temp´erature radiative et la puissance radiative par unit´e de masse se calculent `
a partir de l’intensit´e lumineuse :
Prad(x) = Z +∞ −∞ 2πk Z 1 −1Iν(x, µ)dµ − 4πjν dν Trad(x) = Z +∞ −∞ 2π 4σ Z 1 −1Iν(x, µ)dµ 1/4 dν (29)
La figure 4 montre les r´esulats d’un cas test simul´e avec le code Esther et compar´e avec la solution semi-analytique pr´esent´ee ci-dessus (les int´egrales ont ´et´e calcul´ees `a l’aide du logiciel Mathematica). Nous simulons le transfert radiatif dans une feuille ho-mog`ene de 100 microns d’aluminium (temp´erature de 100 eV et densit´e de 0.1g/cm3). Pour pouvoir se comparer avec la solution th´eorique, les opacit´es et ´emissivit´es sont constantes pour chaque maille et pour chaque groupe de fr´equence. Nous avons repris des grandeurs typiques de l’aluminium dans ces conditions. Les valeurs prises dans le cas test sont kν = 5000 cm2/g et jtot = 2 × 1017W/g.
Figure 4 – Les figures de gauche et de droite pr´esentent respectivement la temp´erature et la puissance radiative au sein de la feuille de 100 microns d’aluminium. La densit´e de la feuille est de 0.1 g/cm3. L’opacit´e du milieu est k = 5000 cm2/g et l’´emissivit´e totale jtot = 2 × 1017 W/g.
Nous pouvons voir que les profils obtenus avec Esther se superposent parfaitement avec les r´esultats th´eoriques, ce qui nous conforte dans notre sch´ema num´erique. Pour cette simulation, nous avons pris 10 secteurs angulaires pour d´ecouper l’espace an-gulaire. Nous avons fait varier ce nombre entre 5 et 20 sans voir de diff´erence sur les r´esultats. Ces profils en cloche sont classiques, les bords perdant plus d’´energie radiative que le centre.