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Transcrits chimériques en l’absence d’altérations génétiques

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4.2 Où en sommes nous avec la génétique des sarcomes ?

4.2.1 L’expression de gènes de fusion dans les sarcomes

4.2.1.2 Transcrits chimériques en l’absence d’altérations génétiques

Dans notre analyse (Delespaul et al., 2017), nous avons exclu les read-throughs qui sont

des transcrits chimériques issus de la transcription de deux gènes adjacents (Akiva et al., 2006)

et qui ne sont donc pas formés par un réarrangement génomique. Toutefois, quel peut être l’im- pact transcriptomique de l’expression de ces read-throughs dans les cancers ? Si cette question reste en suspens dans les sarcomes, pour lesquels des efforts de caractérisation sont à planifier, l’implication de ces transcrits particuliers dans d’autres pathologies a été rapportée. On note par exemple l’expression de CTSD-IFITM10 dans les cancers du sein (lignées cellulaires et tumeurs

primaires) mais pas dans les tissus normaux (mammaires ou d’autres origines tissulaires ;Var-

ley et al., 2014). Ce read-through permettrait la conservation du cadre de lecture et la synthèse

d’une protéine chimérique. Il a expérimentalement été démontré que la diminution de son ex- pression diminue la prolifération cellulaire. D’autres read-throughs ont été caractérisés dans les

tumeurs de la prostate, rénales, gastriques, etc. (Kumar-Sinha et al., 2012;Grosso et al., 2015

; Choi et al., 2016) et sont associés à une augmentation de l’agressivité tumorale. Le rôle de

Une autre catégorie de transcrits chimériques existe et sont issus de la fusion de deux

ARN pré-messagers via un mécanisme de trans-splicing (Lei et al., 2016). S’il est estimé que

4 à 5% des couples de gènes adjacents dans le génome humain seraient capables de transcrire

un read-through (Parra et al., 2006), les transcrits chimériques issus d’un trans-splicing chez

l’humain sont très rares. Deux cas notables ont toutefois été rapportés et concernent l’expres- sion de deux transcrits chimériques oncogènes retrouvés dans des cellules saines, sans rema- niement génomique. Le premier est JAZF1-JJAZ1, retrouvé dans des cellules de l’endomètre (Li et al., 2008) mais dont l’expression est normalement permise par la translocation récurrente

t(7;17)(p15;q21) dans 50% des tumeurs stromales de l’endomètre (Koontz et al., 2001). Le se-

cond est PAX3-FOXO1, retrouvé dans des cellules en cours de différenciation vers du muscle

squelettique (Yuan et al., 2013) et qui lui aussi est normalement exprimé suite à la translocation

récurrente t(2;13)(q35;q14) dans 65% des RMS alvéolaires (Barr et al., 1993). Une caracté-

risation supplémentaire de ces transcrits chimériques sera nécessaire pour déterminer si leur expression peut favoriser l’initiation tumorale par pression d’acquisition des translocations, ou s’il existe une cause commune entre le trans-splicing et la formation de translocations (comme

une conformation 3D particulière de l’ADN ;Jividen & Li, 2014).

4.2.2 – Le remaniement du génome

Dans les SGC, la très grande majorité des transcrits chimériques que nous avons identifié

sont tronquants (Delespaul et al., 2017), ne permettant pas la conservation du cadre de lecture

du second partenaire. Une analyse sommaire sur les gènes retrouvés dans ces transcrits nous informe qu’il s’agit de gènes bien connus pour leur rôle de suppresseur de tumeurs et souvent ciblés par des altérations génomiques qui peuvent conduire à l’expression de transcrits chimé-

riques : TP53, ATRX et RB1 (Kanezaki et al., 2006;Lee et al., 2015;Hu et al., 2018).

Ceci est en accord avec les observations du TCGA sarcomes où il est conclu que les SGC, hormis les DDLPS avec leurs amplifications spécifiques, présentent plus de pertes génomiques que d’amplifications et plus de mutations d’intérêt dans des gènes suppresseurs de tumeurs que

dans des oncogènes (The Cancer Genome Atlas Research Network, 2017). Malgré d’impor-

d’altération motrice dans ces tumeurs.

Nous sommes maintenant à un tournant génétique concernant les SGC car la grande ma- jorité des altérations sont privées et les quelques altérations récurrentes identifiées ne sont pas spécifiques aux différents sous-types histologiques. De plus, ces dernières concernent principa- lement des inactivations de gènes suppresseurs de tumeurs (tels que RB1, TP53, ATRX, PTEN,

CDKN2A, NF1, etc. ;The Cancer Genome Atlas Research Network, 2017). En l’absence d’al-

térations spécifiques et récurrentes, nous n’avons pas encore déterminé quelle est la voie d’on- cogenèse entreprise par ces tumeurs, ni même s’il peut y en avoir plusieurs.

Les SGC présentent des altérations génétiques très privées mais il est tout à fait envisa-

geable que ces différentes altérations impactent des voies de signalisation communes (Sanchez-

Vega et al., 2018). Des analyses intégrant des données multidimensionnelles (niveaux d’expres-

sion, variations du nombre de copies, points de cassures génomiques, altérations ponctuelles, méthylation, etc.) pourraient ainsi permettre d’identifier ces voies en l’absence de gène récur- rent.

Puisque l’instabilité est au cœur de la génétique des sarcomes pléomorphes, il est tentant de postuler qu’un évènement de remaniement génomique puisse être en lui-même une altération

oncogène motrice (Delespaul, 2018). Dans ce modèle, les inactivations récurrentes de gènes

suppresseurs de tumeurs pourraient faciliter la survenue de cette catastrophe chromosomique et/ou permettraient aux cellules d’y résister. De plus, le remaniement global du génome pourrait activer un message oncogène par altérations (génétiques, épigénétiques, transcriptomiques, etc.) de gènes ayant une faible capacité oncogénique mais dont l’effet cumulé pourrait égaler celui

d’un oncogène fort (Davoli et al., 2013). Ceci expliquerait pourquoi les altérations identifiées

dans ces tumeurs sont majoritairement privées et pourquoi aucune spécificité transcriptomique n’est identifiée.

L’hypothèse d’un remaniement génomique comme événement moteur de l’oncogenèse n’explique pas la diversité des sous-types histologiques des SGC car ces différents sous-types partagent une grande instabilité et un transcriptome similaire (excepté les LMS présentant une

amplification de MYOCD qui ont une différenciation particulière ; Segal et al., 2003 ; Baird

instabilité s’opère pourrait alors être à l’origine d’une différenciation particulière. Ainsi, une catastrophe chromosomique dans une cellule musculaire lisse pourrait par exemple aboutir à l’initiation d’un LMS alors que le même événement dans un fibroblaste pourrait initier un UPS. Il serait alors très intéressant de se pencher sur l’apport du contexte mésenchymateux concer- nant l’acquisition et la résistance aux altérations génomiques.

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Conclusion

Les sarcomes pléomorphes, dits "à génétique complexe" (SGC), sont un groupe de tu- meurs d’origine mésenchymateuse présentant une grande variabilité en matière de caractéris- tiques cliniques. Les précédentes analyses de cytogénétique ont permis de mettre en évidence de nombreux réarrangements génomiques dans ces tumeurs. Toutefois, leur processus d’initiation reste mal compris en raison de l’absence d’altération récurrente et spécifique. Ces tumeurs sont également agressives, avec des taux de survie sans métastase de 50% à 5 ans et pour lesquelles la chirurgie reste le traitement ayant le plus d’impact sur le devenir clinique des patients.

La signature CINSARC

De précédents travaux de l’équipe ont établi un lien entre l’instabilité génétique des SGC et leur agressivité au travers de l’expression d’une signature transcriptomique nommée CIN- SARC. Cette signature a une meilleure valeur pronostique que le standard d’évaluation inter- national, le grade FNCLCC, mais son application était jusqu’alors restreinte aux ARN extraits de tissus congelés et analysés sur puces d’expression. Nous avons ainsi mené différents travaux permettant de rendre CINSARC applicable aux centres de soins via deux technologies : le sé- quençage des ARN (RNA-seq) et le système nCounter, ce dernier pouvant conjointement quan- tifier des ARN extraits de tissus congelés ou bien fixés. Le potentiel médical de cette signature sera prochainement évalué au travers de deux essais cliniques de phase 3. Nous avons également montré que l’expression de CINSARC est un facteur pronostique au-delà des sarcomes, souli- gnant son universalité et sa possible application dans d’autres pathologies. En conséquence, des tests sont en cours pour évaluer sa pertinence vis-à-vis d’autres cancers.

Nous avons finalement recherché ses possibles mécanismes de régulation grâce aux don- nées rendues publiques par la complétion du projet TCGA sarcomes : la méthylation de l’ADN et l’expression de micro-ARN. Si d’importantes modifications du méthylome sont observées entre groupes de haut et de bas risque métastatique, les régions promotrices des gènes com- posant CINSARC ne sont pas différentiellement méthylées. Parmi les micro-ARN différen-

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