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Les traits et les pr´ ef´ erences sont-ils des param` etres stables ?

Dans Le cr´epuscule des idoles (1988), Nietzsche ´ecrivait : “Tout ce qui ne tue pas, rend plus fort”. Cette maxime va servir de leitmotiv aux trois sous-parties propos´ees ci-dessous. Toutes ont questionn´e la stabilit´e des traits et des pr´ef´erences. Nous proposons un regard crois´e de la biologie, de la psychologie et de l’´economie sur cette question.

3.1.

Contributions de la biologie

Dans cette sous-partie nous allons reporter quelques ´etudes montrant la mani`ere dont la biologie et la neurologie ont document´e les changements de la personnalit´e. Ces changements vont s’op´erer suite `a une l´esion c´er´ebrale qui va, soit d´et´eriorer certaines parties du cerveau soit, alt´erer sa composition chimique.

Les deux parties du cerveau qui r´egulent la personnalit´e d’un individu sont l’amygdale et la partie ventro-m´ediane du cortex pr´e-frontal. L’amygdale r´epond aux stimulations imm´e- diates, comme le danger et la peur. `A l’inverse, le cortex pr´e-frontal est la partie raisonn´ee du cerveau, celle qui prend des d´ecisions plus rationnelles. Lorsqu’un individu veut faire un choix, ces deux parties du cerveau vont entrer concurrence. Le signal le plus fort, com- mande le comportement. Ainsi, un individu avec une l´esion d´et´eriorant l’amygdale devrait agir de mani`ere plus calme et pos´ee. `A l’inverse, une l´esion abˆımant le cortex pr´e-frontal devrait conduire l’individu `a faire des choix plus impulsifs en sur´evaluant les valorisations imm´ediates (Bechara (2005);Monterosso and Luo (2010)).

Pour ne citer qu’un exemple, des patients ayant eu une l´esion c´er´ebrale au niveau du cortex pr´e-frontal (cerveau empal´e par une h´elice en m´etal) ont eu des difficult´es `a planifier et sont devenu plus irascibles (Matar´o et al.(2001);Damasio et al.(2005)). Ces changements de comportement semblent ˆetre persistant au moins jusqu’`a 5 ans apr`es le traumatisme (Lezak

(1987)).

Par ailleurs, des changements dans la composition chimique du cerveau peuvent aussi entraˆıner une modification de la personnalit´e de l’individu. Ceci est notamment le cas pour les sujets prenant des traitements anti-d´epressifs (e.g. Tang et al. (2009)). Ces traitements

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3.2.

Contributions de la psychologie

La mani`ere d’appr´ehender la stabilit´e en psychologie se fait en analysant les changements de traits de personnalit´e d’individus ayant subi un ou des ´ev´enements de vie traumatisant.

Introduit par Tedeschi and Calhoun (2004), le terme consacr´e `a l’´evolution de ces traits est la croissance post-traumatique (de l’anglais, post-traumatic growth - PTG). Les auteurs d´efinissent la PTG comme l’exp´erience de changements positifs significatifs d´ecoulant des efforts d’adaptation d’un individu faisant face `a un ´ev´enement traumatisant. Ces change- ments pouvant ˆetre de quatre ordres : le d´eveloppement de relations plus intimes avec son entourage, connaˆıtre de nouvelles exp´eriences, un engagement pour les questions relatives `a l’existence humaine, et une appr´eciation plus grande de la vie (e.g. Tedeschi and Calhoun

(1996); Tedeschi and Calhoun(2004)).

Les ´ev´enements de vie traumatisant utilis´es d´ependent de type d’´echantillon utilis´e (Gray et al. (2004)). Lorsque les ´etudes se font sur des sujets ´etudiants, les ´ev´enements de vie inclus principalement des accidents de la circulation (Calhoun et al.(2000)). Pour les ´etudes utilisant des populations adultes, les auteurs ont recours au diagnostic d’une maladie grave, `

a la survenue d’une catastrophe naturelle, aux attaques physiques ou encore aux maladies chroniques (Helgeson et al. (2006); Tennen and Affleck (2009)). Pour mesurer la PTG, la litt´erature se r´ef`ere en g´en´eral `a l’index de la croissance post-traumatique d´evelopp´e par

Tedeschi and Calhoun (1996). Cet index contient des questions sur les quatre domaines ´

evoqu´es plus haut et les r´epondants doivent indiquer sur une ´echelle de 6 points le degr´e avec lequel ils ont chang´e.

Les quelques ´etudes utilisant des donn´ees longitudinales indiquent que 58 `a 79 % des indi- vidus ont report´e des changements positifs (Affleck et al.(1987);Affleck and Tennen(1996);

McMillen et al. (1997); Sears et al. (2003)). De plus, il semblerait que ces changements s’inscrivent dans la dur´ee (Bauer and Bonanno (2001); Srivastava et al. (2003)). D’autres travaux portant sp´ecifiquement sur les Big-Five ont montr´e que les individus ayant eu un cancer du poumon, par exemple, se sont montr´es plus extravertis et plus aimables (Hoerger et al. (2014)). Les raisons de ces changements sont moins connues, mˆeme si l’hypoth`ese d’une volont´e d’affirmation de soi semble ˆetre mentionn´ee par plusieurs ´etudes (Tennen and Affleck (2009)).

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3.3.

Contributions de l’´economie

En ´economie, la th´eorie traditionnelle fait l’hypoth`ese que les traits et les pr´ef´erences sont des param`etres stables (Friedman (1953); Stigler and Becker(1977)). N´eanmoins, certaines ´

etudes empiriques viennent nuancer cette hypoth`ese.

Une premi`ere partie de la litt´erature ´economique a document´e l’association entre plusieurs ´

ev´enements de vie et le LOC en utilisant deux cohortes de panels annuels : le HILDA (de l’anglais, Household Income and Labor Dynamics in Australia) et le G-SOEP (de l’anglais, German Socio-Economic Panel ).

En utilisant le HILDA, Cobb-Clark and Schurer (2013) ont montr´e que le LOC pouvait se modifier, `a le moyen terme (i.e. 4 ans), suite `a certains ´ev´enements de vie. N´eanmoins, les changements observ´es ´etaient modestes et concentr´es chez les individus les plus ˆag´es. Les auteurs distinguent les ´ev´enements de vie ayant conduit `a rendre les individus plus “internes”, de ceux les ayant rendus plus “externes”. Ainsi, une promotion professionnelle, un changement de travail ou une augmentation de leurs revenus ont rendu les individus plus “internes”. `A l’inverse, la naissance d’un enfant, la maladie d’un proche, ou une baisse des revenus les a rendu plus “externes”. D’autres ´ev´enements de vie sont ´etudi´es (i.e. la mort du partenaire, ˆetre retrait´e, ou ˆetre victime d’une agression physique) mais aucun d’entres eux n’ont impact´e significativement la perception du contrˆole.

Une seconde partie de la litt´erature a analys´e le lien entre ´ev´enements de vie et tol´erance au risque. Ceci est fait en utilisant le G-SOEP et le HRS (de l’anglais, Health and Retirement Survey) – un ´echantillon non-repr´esentatif de la population am´ericaine.

En utilisant 10 ann´ees du HRS,Sahm(2012), montre qu’un ´ev´enement important de sant´e (i.e. une crise cardiaque, un accident vasculaire c´er´ebrale (AVC) ou un cancer du poumon) provoque une tr`es l´eg`ere baisse de la tol´erance vis-`a-vis du risque. L’auteure conclue que la tol´erance au risque varie d’un individu `a l’autre, mais ne varie pas pour un mˆeme individu.

Schurer(2015) en utilisant 7 ann´ees du G-SOEP montre que ces variations inter-individuelles sont plus importantes pour les personnes ˆag´ees de 35 `a 45 ans. Tout commeSchurer (2015),

Decker and Schmitz (2016) utilisent le G-SOEP pour ´etudier si un ´ev´enement de sant´e – mesur´e par une perte dans la force de pression – modifie la tol´erance au risque. Les r´esultats montrent que cet ´ev´enement induit une augmente de l’aversion au risque chez les individus

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la tol´erance au risque. Ils concluent que les personnes extraverties sont plus tol´erantes au risque que les autres apr`es avoir fait face `a un ´ev´enement de sant´e (mesur´e par un cancer, un AVC, un diab`ete, une hypertension art´erielle, ou un probl`eme psychiatrique).

Il semble donc que la perception du contrˆole et la tol´erance au risque puissent ˆetre des param`etres instables.

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