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3. Syndrome d' Epuisement Professionnel des Soignants (SEPS)

4.1. Facteurs de risques individuels des étudiants en médecine

4.1.4. Les traits de personnalité

La personnalité́ se construit au fur et à mesure du parcours de vie et des expériences émotionnelles au cours de l’enfance et de l’adolescence. Elle intervient dans la perception des événements et des facteurs de stress et à une influence sur les processus d’adaptation et les réponses émotionnelles. Dès 1974, H. Freudenberger décrit ainsi un profil de sujet à risque d’épuisement professionnel: « d’éducation souvent rigide, compètent, inspirant confiance, il est dynamique, refuse tout compromis et s’engage tout entier à la tâche dans le but de concrétiser son idéal; (...) il ne peut admettre l’existence de limites dans les idéaux qu’il cherche à atteindre. Il s’agit d’un individu idéaliste qui s’épuise au fur et à mesure que ses illusions sont confrontées à une réalité́ qui existe ».

En 1978, C. Maslach et A. Pinesdéfinissent les personnalités anxieuses comme plus sujettes à développer un syndrome d’épuisement professionnel. Ce type de personnalité se caractérise par un sens de l’autocritique trop poussé, une impossibilité de déléguer les tâches et un grand besoin de reconnaissance. Ce type d’individu a un besoin essentiel d’accomplissement le poussant à rechercher sans cesse l’approbation d’autrui.

A titre d’illustration, dans son ouvrage intitulé Burn-out et publié en 2010, Patricia Martel met en évidence des traits de personnalité́ de son personnage principal le prédisposant à un épuisement professionnel :

- Une grande volonté de réussite et des objectifs élevés

- Un engagement professionnel important avec une volonté d’aller jusqu’au bout des choses

- Une tendance à ne pas s’écouter

Par l’élaboration du « Big Five », en 1990, Golberg décrit non une théorie mais un repère pour la description et l’étude théorique de la personnalité (Plaisant et al., 2010). Il définit 5 dimensions de personnalité décrites ci dessous :

- Ouverture à l'expérience : goût pour l'art, l'émotion, l'aventure, idées peu communes, curiosité et imagination

- Caractère consciencieux: autodiscipline, respect des obligations, organisation plutôt que spontanéité, orientation vers des buts

- Extraversion : énergie, émotions positives, tendance à chercher la stimulation et la compagnie des autres, fonceur

- Agréabilité : tendance à être compatissant et coopératif plutôt que soupçonneux et antagonique envers les autres

- Nervosisme ou neuroticisme : contraire de stabilité émotionnelle, tendance à éprouver facilement des émotions désagréables comme la colère, l'inquiétude ou la dépression, vulnérabilité.

Olsen (2013) a évalué le rôle des traits de personnalité définis par la Basic Character Inventory (BCI) dans l'apparition de la dépression et de l’anxiété chez 149 étudiants en médecine norvégiens interrogés au cours de leurs 3ème et 6ème année, ainsi qu’au cours de l’internat. La BCI décrit quatre dimensions de personnalité : nervosisme, extraversion, caractère consciencieux et conscience de ses faiblesse. Le trait de personnalité « conscience de ses faiblesses » était associé à des niveaux élevés de dépression (r=0,36 ; p=0,0001) et d’anxiété (r=0,33 ; p=0,0001). Le trait de personnalité « extraversion » est protecteur face à la dépression (r=-0,20 ; p=0,01). Une étude chinoise récente menée auprès de 2925 étudiants en médecine retrouve des associations négatives significatives entre l’anxiété et les critères « amabilité » (β = -0,363, p<0,01), « ouverture à l’expérience » (β = -0,066, p<0,01), et « caractère consciencieux» (β = -0,052, p<0,01), tandis que le « nervosisme » (β = 0,135, p<0,01) présente une association positive avec ce symptôme (Shi., 2015). Une étude publiée en 2014 par Allroggen a évalué sur une population de 464 étudiants en médecine allemands la relation entre les passages à l’acte auto-agressif et les traits de personnalité. Les étudiants ayant au moins un antécédent de passage à l’acte auto-agressif présentaient des niveaux significativement plus élevés des traits « nervosisme » (t=4,19 ; p<0,001) et « ouverture à l’expérience » (t= 4,47 ; p<0,01). Les traits « extraversion » (t=-2,16 ; p=0,033) et « caractère consciencieux » (t=-3,08 ; p=0,002) étaient protecteurs.

Une étude roumaine menée en 2014 par Popescu dans une population d’étudiants en première année de médecine retrouve une association significative entre les traits de personnalité ouverture à l’expérience (R=0,135 ; p< 0,05) et extraversion (R=0,185 ; p<0,01).

Mc Manus et al publient en 2004 une étude montrant des liens statistiquement significatifs entre l’intensité des scores dans les différentes dimensions du Big Five et les sous dimensions du SEPS. Ils ont suivi entre 1990 et 2002, au Royaume-Uni, 1668 étudiants en médecine devenus médecins et soumis par trois fois au cours de leurs études à un

questionnaire comprenant plusieurs échelles évaluant le SEPS et les traits de personnalités. Un score élevé de nervosisme était associé à un score élevé d’épuisement émotionnel. De plus, des scores bas d’agréabilité étaient corrélés à des scores élevés de déshumanisation. Enfin, des scores élevés d’accomplissement personnel étaient corrélés à des scores élevés d’extraversion ainsi que des scores bas de nervosisme.

En 1961, Tellenbach a décrit dans son ouvrage le « Typus Mélancholicus » (Tellenbach., 1979). Le Typus Melancholicus présente un attachement à l’ordre, particulièrement dans la sphère du travail. Ce caractère ordonné prononcé et constitutif du Typus Melancholicus serait fortement encouragé et apprécié par l’entourage professionnel car il se manifeste par un travail consciencieux et un sens du devoir. Il présente également une très haute exigence vis à vis de son propre travail, en ce qui concerne la qualité, mais aussi la quantité. L’épanouissement personnel du typus melancholicus est lié à sa capacité de travail.
 Sa tendance est de s’attribuer des taches de manière excessive sans jamais accéder à la sensation de satisfaction de ce qui est réalisé. Son déséquilibre survient souvent à l’occasion d’un accroissement de la quantité de travail ou d’un changement inopiné, ceux-ci déstabilisant la planification méticuleuse et chargée de son emploi du temps. Tellenbach décrit ainsi l’apparition de limites de réalisation du sujet et décrit ce phénomène par le terme d’includence. L’includence est la situation de limitation dans laquelle le type mélancolique ne peut plus transcender par l’action, bien que pour lui tout en dépende; situation dans laquelle il ne peut se supporter.

La description précède d’une dizaine d’années, l’émergence du concept de burnout mais le typus melancholicus décrit par Tellenbach est bien un type à haut risque d’épuisement sur un plan professionnel.

Friedman et Rosenman, cardiologues américains, ont décrit un profil comportemental particulier : le type A 
 comme un ensemble cognitif et comportemental constituant un facteur de risque cardiovasculaire (Friedman., 1959).
 Les individus « type A » sont caractérisés par : 


- Une implication et un engagement professionnel marqués. - Des objectifs fixés élevés 


- Un sens développé de l’urgence - Une rapidité d’exécution 


- Une tension permanente par manque de temps

- Un goût prononcé pour la compétitivité avec une tendance à la rivalité - Une tendance à la réactivité, à l’agressivité 


- Une impatience, une irritabilité 


- Des efforts importants et permanents dirigés vers la réalisation, l’efficacité, la 
 productivité, le rendement, le résultat

- Un désir de contrôle et de maîtrise très marqué

Le concept de « type A » a été étudié, appliqué au stress et impliqué dans la survenue du burn-out.
 Ces traits de personnalités sont de plus en plus encouragés au travail car orientés vers l’efficience professionnelle et la performance fortement prisées par l’économie libérale. D’après Burke en 1980, les individus de type A occuperaient plus de postes à responsabilité et seraient associés à une identité professionnelle de type carriériste.
 Pourtant, il est considéré comme à risque pour l’état de santé d’un sujet, tant sur le plan cardiovasculaire que sur un plan psychologique. Le sujet de type A est souvent confronté à des difficultés relationnelles contribuant à un support social moindre.
 S’il peut tirer un bénéfice réel de son efficience professionnelle, avec une sensation d’accomplissement, c’est souvent aux dépens de déficits psychologiques, sociaux et physiques. Vitalliano (1989) établit auprès de 305 étudiants en médecine américains une association positive entre le type A et des niveaux d’anxiété importants (Chi2=0,5 ; p=0,01).