• Aucun résultat trouvé

Qui traiter ? Dispose t-on d’outils diagnostiques permettant d’identifier les animaux dont la

Chapitre 1. Introduction générale

4. Qui traiter ? Dispose t-on d’outils diagnostiques permettant d’identifier les animaux dont la

SGI ?

Le risque parasitaire lié aux strongyloses gastro-intestinales dépend de manière générale de la pression

de contamination de l’environnement et de la capacité des animaux à « tolérer » l’exposition aux

parasites et l’infestation elle-même (Chauvin et al., 2012). Chez les bovins laitiers adultes, les animaux

dont la production est négativement impactée seraient donc ceux les plus exposés, et/ou les plus

fortement infestés, et/ou tolérant le moins bien l’infestation. En d’autres termes, il s’agirait des

animaux soumis à une forte exposition aux SGI, et/ou souffrant d’un défaut de résistance ou d’un

défaut de résilience à l’infestation.

La résistance à l’infestation correspond à la capacité de l’hôte à moduler la biologie du parasite

(diminution du taux d’installation des larves L3, développement retardé chez l’hôte, réduction de la

fécondité des femelles, expulsion) et aboutissant à une charge parasitaire réduite et/ou une excrétion

fécale d’œufs limitée. La résistance de l’hôte est sous la dépendance de mécanismes immunologiques

(cf. § 1.1) et ce caractère présente un fort support génétique (Bishop, 2012, Chauvin et al., 2012,

Radostits et al., 2007, Gasbarre et al., 2001). La résilience à l’infestation correspond à la capacité de

l’hôte à supporter, à moins pâtir des effets pathogènes des parasites (moindre sensibilité aux

conséquences physiopathologiques de l’infestation et aux conséquences sur la production) : l’animal

se maintient en état en dépit de charges parasitaires parfois élevées. Le mécanisme sous-jacent est

complexe et ce caractère est peu héritable (Bishop, 2012, Bisset et Morris, 1996, Chauvin et al., 2012,

Radostits et al., 2007).

Ainsi, pour identifier les bovins laitiers dont la production laitière pourrait être négativement affectée

par l’infestation par les SGI, il faudrait pouvoir disposer d’outils diagnostiques fiables mesurant

l’exposition aux parasites, la résistance et la résilience.

4.1 Outils diagnostiques mesurant l’exposition aux SGI

L’exposition peut être mesurée tout d’abord en quantifiant directement la contamination des parcelles

pâturées par prélèvement d’herbe et comptage larvaire (Grüner et Raynaud, 1980, Couvillion,

1993). Cependant, en raison de nombreuses limites et inconvénients pratiques, il est difficilement

envisageable que cet examen soit pratiqué en routine pour identifier les troupeaux où la production

laitière est affectée par les SGI. En effet, la procédure de prélèvement d’herbe est longue et assez

laborieuse, elle nécessite de plus de prendre en compte les conditions climatiques, et les modalités de

pâturage de manière à sélectionner la parcelle « représentative » du risque à la période où le

prélèvement d’herbe est effectué. De plus, les larves infestantes étant fragiles, le délai entre

Chapitre 1 – Introduction générale

19

prélèvement et analyse ne doit pas excéder 48h ; l’idéal est de pouvoir apporter le prélèvement d’herbe

au laboratoire dans la journée, sinon l’expédition doit être réalisée sous couvert du froid positif, dans

un emballage isotherme, sac ouvert et en ménageant une bonne quantité d’air (25 à 50% du volume)

pour assurer la survie des larves (Alzieu et al., 2013). En outre, peu de laboratoires vétérinaires

proposent cet examen. Enfin, l’incertitude de mesure n’est pas possible à évaluer : l’impossibilité

technique dans les laboratoires de refaire les analyses sur un même échantillon et/ou de disposer

d’échantillon de référence (herbe contenant une quantité connue de larves) empêche d’estimer

l’incertitude de mesure de la méthode (Alzieu et al., 2013). Par ailleurs, nous ne disposons pas de seuil

d’interprétation permettant déterminer si le niveau de contamination estimé par comptage larvaire

serait susceptible d’impacter la production.

Le niveau d’anticorps anti-Ostertagia quantifié par ELISA serait un autre moyen de mesurer

l’exposition du troupeau aux SGI. Il semble en effet associé à des niveaux d’exposition élevés à la

pâture (Charlier et al., 2005b, Guitián et al., 2000, Sanchez et Dohoo, 2002a, Forbes et al. 2008), et

une corrélation significative entre niveaux d’anticorps anti-Ostertagia (mesurés sur 5 vaches du

troupeau et moyennés) et nombre de larves présentes sur les pâture a été mise en évidence (Eysker et

al., 2002). Cependant, cette sérologie, bien que souvent vue comme prometteuse pour identifier les

troupeaux où la production laitière est affectée par le parasitisme, reste d’utilisation difficile sur le

terrain par manque de consensus sur le seuil au delà duquel un impact sur la PL peut être attendu. En

outre, des réactions croisées avec les autres strongles et avec Fasciola hepatica sont possibles (Eysker

et Ploeger, 2000b, Forbes et al, 2008). Pour mesurer l’exposition aux SGI à l’échelle individuelle,

l’interprétation de ce même niveau d’anticorps anti-Ostertagia souffre du fait que la réponse en

anticorps est extrêmement variable d’un animal à un autre (Eysker et Ploeger, 2000b).

4.2 Outils diagnostiques mesurant la résistance ou la résilience à l’infestation

Pour identifier ces animaux à moindre performance à cause de l’infestation, il faudrait pouvoir évaluer

ce défaut de résistance ou de résilience. Le défaut de résistance pourrait être évalué par l’estimation

directe ou indirecte de la quantité de parasites dans le tube digestif (Bishop, 2012), mais aucun

outil diagnostique ne permet de quantifier avec fiabilité la charge parasitaire chez les bovins adultes.

En effet, les niveaux d’excrétion d’œufs dans les fèces des bovins adultes sont généralement

extrêmement faibles, et ne sont pas corrélés à la charge parasitaire (Gross et al., 1999, Eysker et

Ploeger, 2000b). Chartier et al. (2013) ont cependant trouvé une corrélation significative entre niveau

d’excrétion et charge parasitaire (r=0,36, p<0,01), mais cette corrélation reste faible et il est

communément admis qu’il n’y a pas de lien entre le nombre d’œufs excrétés et la quantité de vers dans

le tube digestif. Sur le plan qualitatif, bien qu’une coproscopie positive confirme la présence des

parasites, aucune conclusion ne pourra être tirée d’un résultat négatif (mis à part que le niveau

d’excrétion de l’animal en question est probablement inférieur au seuil de détection de la technique

Chapitre 1 – Introduction générale

20

coproscopique utilisée) (Gross et al., 1999). Le taux de pepsinogène sérique est un marqueur des

lésions de la muqueuse abomasale. Si la relation entre taux de pepsinogène sérique et charge

parasitaire abomasale a pu être démontrée chez les jeunes bovins (Kerboeuf et al, 1981, Dorny et al.,

1999), elle est en revanche variable chez les bovins adultes. En effet, Agneessens et al., (2000)

rapportent des corrélations faibles mais significatives entre les taux de pepsinogène sérique et le

nombre d’Ostertagia adultes (r=0,28, p<0,05), le nombre de larves L4 (r=0,22, p<0,05), ou le nombre

total de vers (adultes + L4) (r=0,26, p<0,05). Jacquiet et al. (2010) ont observé, une corrélation

significative plus forte entre les valeurs de pepsinogène et le nombre total de vers chez les vaches

adultes (r=0,56, p<0,001), mais aucune relation quantitative n’a été trouvé par Chartier et al. (2013).

De plus, des valeurs très élevées peuvent parfois être observées chez des vaches ne présentant pas de

signe clinique, et ceci pourrait être attribué à des réactions d’hypersensibilité liées aux infestations

préalables (Charlier et al., 2009), ou encore au fait que ce taux de pepsinogène sérique n’est pas

spécifique de l’ostertagiose (d’autres lésions abomasales peuvent induire ces augmentations). La

relation entre charge parasitaire et niveau d’anticorps anti-Ostertagia est elle aussi inconstante. Selon

les études, soit cette relation est inexistante (Chartier et al., 2013, Borgsteede et al., 2000), soit la

corrélation trouvé est significative mais faible (r=0,32, p<0,05, et r=0,164, p=0,05 respectivement dans

Agneessens et al.,2000, et Jacquiet et al., 2010).

Par ailleurs, les mécanismes de la résilience étant complexes et mal connus, il est extrêmement

difficile de la mesurer au travers d’outils diagnostiques. La résilience peut être mesurée au travers des

performances réalisées alors que l’animal est infesté (i) en comparaison à sa productivité en l’absence

d’infestation, ou (ii) en comparaison à la productivité des autres animaux avec lesquels ils pâturent et

qui sont soumis à la même pression d’infestation (Bishop, 2012, Bisset et Morris, 1996).

Les défauts éventuels de résistance et/ou de résilience vis-à-vis de l’infestation par les SGI ne

sont donc pas évaluables de manière fiable et simple. En élevage, on ne sait donc pas reconnaître

les vaches qui mériteraient d’être traitées sélectivement.

Finalement, qu’il s’agisse d’une exposition élevée, d’un défaut de résistance et/ou de résilience,

pour identifier les bovins dont la production laitière est affectée par les parasites, le seul

indicateur fiable serait l’évolution de la production laitière après élimination de ces parasites, à

savoir la réponse en lait post-traitement. Pour déterminer, en élevage, quelles vaches méritent

d’être traitées, il faut donc évaluer si certains indicateurs sont associés à la réponse en lait

post-traitement et peuvent la prédire de manière fiable. De tels indicateurs constitueraient alors des

outils prometteurs pour le traitement sélectif.

Chapitre 1 – Introduction générale

21

5. Quand traiter ? La production laitière des vaches laitières adultes