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1. Les rejets avicoles et l’environnement

1.5. Transports et traitements

1.5.2. Traitements

Les rejets de volailles sont un mélange d’excréta, d’aliment, de plumes et de litière. Quatre types de litières sont principalement utilisés dans les élevages de volailles : les produits de bois (copeaux, sciures…), les résidus de plantes (coques, pailles…), les produits de papier, et les produits de la terre (sable).

Le compostage est une dégradation aérobie des rejets organiques biodégradables. Les processus de biodégradation sont relativement rapides, de 4 à 6 semaines (Dao 1999; DeLaune et al. 2004). Le matériel composté est moins odorant que les rejets et a une texture plus fine avec une plus faible teneur en humidité, et peut être utilisé comme engrais organique (Kelleher et al. 2002). Les litières de volailles compostées sont plus faciles à manipuler et sont libres de pathogènes. Lors du compostage, 30 à 40 % de l’azote est perdu par volatilisation (Sweeten 1988; CORPEN 2006a). Une forte teneur en humidité (de plus de 75 %) réduit la vitesse de compostage et la tendance à la stabilisation par la génération de chaleur métabolique qui conduit à l’évaporation de l’eau et des molécules gazeuses (Kelleher

et al. 2002).

Les pertes de nutriments par volatilisation peuvent être limitées en ajoutant des additifs aux rejets. De nombreux types d’additifs ont été étudiés depuis les 3 dernières décennies incluant des additifs acidifiants, des adsorbants, des inhibiteurs d’uréase, et des saponines de Yucca (Yucca schidigera, McCrory & Hobbs 2001). Ces différents additifs permettent de modifier les processus de nitrification (transformation de l’ammonium en nitrites et nitrates) et de dénitrification (transformation de nitrates en diazote et protoxyde d’azote). Par conséquent, une telle supplémentation induit des changements dans les proportions d’azote qui vont être lessivées (les nitrates et nitrites) ou être volatilisées (ammoniac).

• Les additifs acidifiants (acides sulfurique, chlorhydrique, nitrique, phosphorique et lactique, Safley et al. 1983; Pain et al. 1990; Husted et al. 1991; Berg & Hornig 1997; Kroodsma & Ogink 1997) permettent de réduire le pH des rejets (en moyenne compris entre 8 et 8.5) et donc les pertes d’azote sous forme gazeuse (Groot Koerkamp 1994; Hjorth et al. 2009). A pH 6, 7, 8 et 9, la proportion de NH3 en solution est respectivement de 0.1, 1, 10 et 50 % (Court et al. 1964). Par conséquent, plus le pH des rejets est faible, plus le taux de transformation de NH4+ en NH3 sera réduit, et plus la volatilisation d’ammoniac sera

diminuée. Par exemple, l’ajout d’acide ou de CaCl2 induit une réduction des pertes d’azote par volatilisation de 14 à 57 % selon l’acidité des rejets chez les bovins et les poulets de chair (Figure 9 a, Pain et al. 1990; Witter 1991).

De plus, l’ajout d’acides organiques dans les litières est connu pour avoir un impact sur la microflore des animaux permettant de réduire les infections horizontales des poulets par des bactéries pathogènes telles que C. perfringens ou Enterococcus spp (Garrido et al. 2004).

Figure 9 - Pertes cumulées d’ammoniac (NH3) pour les 68 jours de compostage de litière de volailles traitées avec a) de l’acide phosphorique (H3PO4) ou b) de l’alun (Al, d’après DeLaune et al. 2004).

Outre les acides, l’alun, ou sulfate d’aluminium (Al2(SO4)3.14H2O), est aussi utilisé pour contrôler les émissions d’ammoniac (Figure 9, b). Il produit des ions H+ quand il se dissout, ce qui réagit avec le NH3 pour former de l’ammonium non volatil (DeLaune et al. 2004), réduisant la volatilisation de 75 % (Moore Jr. et al. 2000). L’addition d’alun diminue ainsi de moitié la volatilisation d’azote et réduit la solubilité du phosphore dans les litières (Moore Jr. & Miller 1994). En effet, l’aluminium de l’alun peut être transformé en Al(OH)3 dans les litières, qui adsorbe le phosphore et forme alors du phosphate d’aluminium (AlPO4) minéral insoluble (Cooke et al. 1986). Shreve et al. (1995) ont montré que le ruissellement de

phosphore dans des champs de fétuque (Festuca arundinacea) fertilisés avec de la litière traitée avec de l’alun était 87 % plus faible que sur les champs fertilisés avec de la litière non traitée.

Il faut cependant noter que l’utilisation de ces acides ou de ces composés acidifiants non dilués est relativement dangereuse pour les utilisateurs et présente un coût qui n’est pas négligeable pour les éleveurs (McCrory & Hobbs 2001).

• Un autre moyen de réduire les pertes d’azote par volatilisation est l’ajout d’adsorbants, telle que les zéolites. Les zéolites sont des cristaux de tétrasilicates caractérisés par une forte capacité d’échanges cationiques et d’eau (Jung et al. 2004). Parmi ces zéolites, le clinoptilolite est connu pour avoir une affinité spécifique pour les ions NH4+ (Beck 1974; Bernal & Lopez-Real 1993). Un ajout de clinoptilolite immédiatement après épandage des rejets réduit les émissions de NH3 de l’ordre de 35 % chez les poulets, 70 % chez le porc et 60 % chez les bovins (Miner et al. 1997).

Inhiber l’enzyme uréase qui convertit l’urée en ammoniac (Varel et al. 1999) permet aussi de réduire les pertes de NH3 par volatilisation. Les inhibiteurs de cette enzyme agissent au niveau des liaisons avec les ions de nickel, qui sont des composés de l’uréase (Mobley et al. 1995). L’addition de 0.14 % d’inhibiteur d’uréase (sur la base du poids de rejets épandu) réduit les pertes d’azote par volatilisation de l’ordre de 77 % (Sanz-Cobena et

al. 2011). Cette addition n’agit cependant qu’après 24h de traitement, ce qui peut être

expliqué par l’oxydation incomplète de la forme active de l’inhibiteur.

Le stockage des rejets de volailles avant l’épandage modifie également ses caractéristiques. Les fientes peuvent être stockées sous forme sèche ou fraîche. Le stockage des fientes sèches ne modifie pas significativement la fraction de phosphore soluble dans l’eau (phosphore qui sera perdu ensuite par ruissellement après épandage, Maguire et al. 2005), alors que le stockage de fientes fraîches induit une augmentation de la fraction de phosphore soluble (McGrath et al. 2005). Ceci est attribué à une dégradation microbienne lors du stockage, induisant une augmentation de la proportion de phosphore inorganique au détriment du phosphore phytique (Angel et al. 2005; McGrath et al. 2005).

L’addition de complexes de microorganismes dans les litières des bâtiments d’élevage de poulets de chair induit une augmentation de la concentration en azote des fumiers, ce qui est expliqué par une réduction des pertes d’azote par volatilisation de l’ordre de 82 % par rapport

à une litière non traitée (Allain & Aubert 2009). Ce complexe de microorganismes réduit également l’émission moyenne de N-NH3.kg-1 de poids vif de 36 %, ce qui correspond à des pertes de 29.7 % de l’azote excrété pour les bâtiments non traités contre seulement 19.1 % de pertes pour les bâtiments traités avec un complexe de microorganismes (Aubert et al. 2011).

Les différents produits développés pour réduire les impacts délétères des rejets et améliorer leur valeur fertilisante ont prouvé leur efficacité. Cependant, ils ne réduisent les rejets qu’à posteriori, et se focalisent principalement sur l’azote (et encore plus spécifiquement sur les pertes d’azote par volatilisation). Le développement de stratégies nutritionnelles ou de sélection adaptées peut offrir des possibilités de maîtrise des rejets et de leurs impacts environnementaux a priori.