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Chapitre 2 – Généralités sur l’artérite à cellules géantes

2.12. Traitements

La prise en charge d’un patient suspect d’artérite à cellules géantes requiert l’initiation rapide d’un traitement à visée anti-inflammatoire pour diminuer le risque de survenue de complications vasculaires et une perte visuelle irréversible, pouvant survenir dans 13 à 19 % des cas(86-90). Les recommandations nationales ont récemment été mises à jour par le Groupe d’Etude Français des Artérites des gros vaisseaux (GEFA)(91).

2.12.1. Corticothérapie

La corticothérapie demeure le traitement historique et le gold standard de la prise en charge thérapeutique. La plupart des auteurs s’accorde à utiliser la prednisone, sujette à moins de variations de concentrations plasmatiques interindividuelles que la prednisolone(92). La posologie initiale des formes non compliquées d’atteintes ophtalmologiques ou d’aortite est

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de 0.5 à 0.7 mg/kg/j(18,93-95). Le recours au bolus intraveineux de methylprednisolone à 15 mg/kg trois jours de suite avant relais per os a montré son efficacité dans la prévention des rechutes et l’épargne cortisonique dans un essai randomisé(96). La posologie initiale de corticoïdes doit être maintenue au moins 2 à 4 semaines, selon la réponse clinique et la décroissance du syndrome inflammatoire biologique(97,98). En cas de réponse satisfaisante, la décroissance de la corticothérapie peut s’effectuer par paliers pour atteindre 0.2 à 0.3 mg/kg (15 à 20 mg) en 6 à 10 semaines(99), 10 à 7.5 mg à 6 mois(18,98) et 5 mg/j à 1 an.

Les patients avec atteinte ophtalmologique doivent bénéficier d’une posologie minimale initiale de 60 mg/j ou de bolus de méthylprednisolone IV de 500 mg(86,100,101). Les formes avec aorto-artérite n’ont pas fait l’objet d’études spécifiques concernant le schéma de corticothérapie ou les traitements d’épargne. Un travail rétrospectif récent comparant les schémas de traitement entre forme classique et forme avec aorto-artérite ne retrouvait pas de différence de profil évolutif tandis que les 2 groupes étaient traités par des schémas identiques(102). Les patients présentant des signes d’ischémie de membre devraient recevoir empiriquement une corticothérapie à 1 mg/kg(103). Au moins 30 % des patients présenteront une rechute de la maladie sous corticoïdes(16,69), ce qui pose la question des traitements de seconde ligne. Aucun essai contrôlé n’a été conçu pour guider le traitement des rechutes mais plusieurs molécules ont été étudiées avec des résultats variables.

La durée optimale du traitement n’est pas consensuelle. Une durée limitée à 6 mois expose les patients à un risque de rechute de l’ordre de 77% à un an(61). Les auteurs recommandent ainsi généralement un traitement d’au moins 18 à 24 mois(91,104,105).

2.12.2. Méthotrexate

L’efficacité du méthotrexate a été évaluée dans 3 essais prospectifs randomisés en double aveugle au début des années 2000, avec des résultats discordants. Deux études n’ont pas montré de différence en termes de dose cumulée de corticoïdes et de durée de traitement lorsque les malades étaient randomisés pour recevoir du méthotrexate ou un placebo lors de la décroissance de la corticothérapie(97,106). Une troisième étude randomisée vs placebo montrait au contraire que les patients nouvellement diagnostiqués randomisés pour recevoir du méthotrexate en association à la corticothérapie présentaient moins de rechutes, une durée de traitement plus courte et une dose cumulée de corticoïdes moindre que dans le groupe corticoïdes + placebo(107). Une méta-analyse poolant ces principales études a montré sous

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méthotrexate de 7.5 à 15 mg/semaine une réduction significative de risque de rechute et une probabilité accrue de sevrage de la corticothérapie à 24 mois, sans différence d’effets indésirables vs corticoïdes seuls(108).

Les recommandations françaises proposent le recours au méthotrexate chez les patients nouvellement diagnostiqués pour qui l’épargne cortisonique est un enjeu majeur (intolérance, risque d’effets indésirables), ainsi que chez les patients rechuteurs avec cortico-dépendance à 10-15 mg d’équivalent prednisone(91). Il n’y a pas de données disponibles sur l’efficacité du méthotrexate à plus fortes doses ou sur des durées de suivi plus prolongées.

2.12.3. Autres traitements immunosuppresseurs et immuno-modulateurs

L’ajout d’autres traitements immunosuppresseurs ou immuno-modulateurs a également fait l’objet d’études, généralement moins robustes. L’azathioprine à 150 mg/j a été étudié en association à la corticothérapie dans un petit essai randomisé contrôlé contre placebo, montrant un effet d’épargne cortisonique à 12 mois(109). L’intérêt du mycophénolate mofetil a été évoqué dans un case report, permettant une épargne cortisonique chez des patients âgés(110), et plus récemment dans une série rétrospective, avec une épargne similaire à celle obtenue sous méthotrexate(111). L’emploi du cyclophosphamide dans les formes récidivantes a été suggéré dans un essai rétrospectif(112) ou des séries de cas(113,114), au prix d’un certain nombre d’effets indésirables majeurs. Le leflunomide semble également intéressant dans les formes réfractaires mais n’a fait l’objet que de séries de cas(115,116). L’ajout de dapsone, d’hydroxychloroquine, ou de ciclosporine n’apporte pas de bénéfice significatif dans des essais contrôlés et/ou s’associe à une mauvaise tolérance(117-119).

2.12.4. Biothérapies

2.12.4.1. Anti TNF-

L’infliximab et l’adalimumab ont fait l’objet d’essais randomisés sans faire preuve de bénéfice en terme de maintien de la rémission ou d’épargne cortisonique(98,120). L’etanercept n’a montré qu’un bénéfice modeste au sein d’un essai randomisé(121). Il n’y a donc pas de données suffisantes pour recommander l’emploi de ces molécules en pratique courante.

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2.12.4.2. Anti IL-6R

Le tocilizumab, anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le récepteur à l’interleukine-6 semble être l’une des molécules ciblées les plus intéressantes dans la prise en charge de l’artérite à cellules géantes réfractaire. Le rationnel de son utilisation s’appuie sur le rôle pivot de l’IL-6 dans l’induction de la réponse inflammatoire précoce au cours de la maladie(122) et ses taux semblent corrélés à l’activité inflammatoire(70). Cette molécule a fait l’objet de 2 essais randomisés récent contre placebo.

La première étude, menée par une équipe suisse, a randomisé 30 malades avec BAT positive, nouvellement diagnostiqués ou rechuteurs, pour recevoir une corticothérapie associée à du tocilizumab en perfusions mensuelles de 8 mg/kg pendant un an ou à un placebo. La survie à 1 an sans rechute était supérieure dans le groupe tocilizumab (85% vs 40%, p = 0.001) et le délai de sevrage de la corticothérapie était plus court de 12 semaines dans ce groupe (p<0.001), avec une dose cumulée de corticoïdes plus faible. Les principaux biais de ce travail étaient son analyse en intention de traiter, avec un grand nombre de perdus de vue dans le groupe corticoïdes plus placebo, et l’absence d’aveugle pour les dosages de CRP, significativement abaissés sous l’effet anti IL-6. A noter que les complications gastro intestinales et infectieuses étaient plus fréquentes dans le groupe tocilizumab(123).

L’autre étude (GiACTA) concerne 251 patients et compare 4 schémas de traitement : un groupe avec décroissance lente des corticoïdes sur 52 semaines + placebo, un groupe avec décroissance rapide sur 26 semaines + placebo, un groupe avec décroissance rapide + tocilizumab hebdomadaire sous cutané, et un groupe avec décroissance rapide + tocilizumab sous cutané une semaine sur deux. 56 % des patients sous tocilizumab hebdomadaire, et 53.1% en semaines alternées étaient en rémission à un an, contre respectivement 17.6 % et 14 % des patients sous corticoïdes seuls (p < 0.001). La dose cumulée de corticoïdes était plus faible chez les patients sou tocilizumab. La survenue d’effets indésirables était cette fois similaire dans les 4 groupes(124).

Le Groupe Français recommande le recours à cette molécule en cas de cortico-dépendance à 10-15 mg/j et d’échec du méthotrexate(91). Les effets indésirables potentiels notamment infectieux, hématologiques, hépatiques et gastro-intestinaux incitent à son utilisation réfléchie chez des patients sélectionnés.

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2.12.4.3. Autres thérapies ciblées

Le rituximab (anticorps monoclonal anti CD20) n’a fait l’objet que d’un unique case report et il ne semble pas y avoir de rationnel à son utilisation au vu de l’absence d’implication majeure du lymphocyte B dans la physiopathologie de la maladie(125).

L’abatacept (protéine de fusion anti CTLA-4) a fait l’objet d’un essai randomisé contre placebo en 2017, comprenant 49 malades rechuteurs ou nouvellement diagnostiqués. La différence de survie sans rechute à un an entre les 2 groupes était plus importante dans le groupe abatacept (48 % vs 31% p=0.049) avec une durée médiane de maintien en rémission significativement plus longue dans ce groupe (9.9 mois vs 3.9 mois) après sevrage de la corticothérapie à la semaine 48(126).

L’ustekinumab (anti IL-12/IL-23) s’est avéré efficace dans une étude ouverte de 12 patients réfractaires(127).

L’anakinra (anti IL-1) a été rapporté dans 3 cas d’artérite réfractaire, avec régression à un mois des symptômes et de l’inflammation vasculaire au TEP-scan(128).

2.12.5. Aspirine

Les patients atteints d’artérite à cellules géantes ont un risque accru de complications cardiovasculaires, cérébrales et vasculaires périphériques à court, long et moyen terme(129- 131). Les données de 2 études rétrospectives suggèrent un rôle protecteur de l’aspirine en prévention primaire des complications cérébro-vasculaires et ophtalmologiques(88,132). Les données d’une méta analyse suggèrent un rôle bénéfique de l’aspirine en prévention secondaire(133). Une autre étude rétrospective a montré un rôle protecteur de l’aspirine vis-à- vis des rechutes de la maladie(134).

Les recommandations du groupe d’experts français indiquent que l’aspirine à faible dose (75- 300 mg/j) devrait être proposée chez tous les patients nouvellement diagnostiqués, selon la balance bénéfices-risques, et être systématiquement introduite chez les patients avec atteinte ophtalmologique(91).

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2.12.6. Anticoagulants, statines, antihypertenseurs

L’apport bénéfique d’un traitement anticoagulant n’a pas été établi(132).

L’effet des statines en prévention des complications cardiovasculaires dans l’artérite à cellules géantes n’a pas fait l’objet d’études. Cette classe thérapeutique n’a pas montré de bénéfice sur l’épargne cortisonique dans 3 études rétrospectives(135-137), à l’inverse d’une étude observationnelle française qui retrouvait une réduction de durée de corticothérapie(138).

L’adjonction d’antagoniste des récepteurs de l’angiotensine a été proposée, s’appuyant sur des données in vitro retrouvant un rôle pro-inflammatoire de l’angiotensine II. Une étude observationnelle de 106 malades a suggéré un rôle bénéfique des ARA II en termes de rechutes et d’épargne cortisonique(139).

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