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CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.4 La scoliose : définition et description de la pathologie

2.4.5 Traitements de la scoliose idiopathique pédiatrique

En fonction de l'évaluation clinique de la déformation, environ 10% des sujets atteints de scoliose adolescente vont se voir prescrire un traitement. Pour les courbes présentant un angle de Cobb entre 10° et 20°, aucun traitement n'est habituellement prescrit. Le patient demeure sous observation et un suivi de la progression de la courbure est réalisé annuellement durant toute la croissance. Pour les courbes modérées présentant un angle de Cobb entre 20° et 45°, et dont le squelette est immature, un traitement par corset orthopédique est prescrit. Il est, à ce jour, le traitement non- opératoire le plus prescrit. Il existe plusieurs types de corsets, certains devant être portés toute la journée, d'autres seulement la nuit. Le choix du type de corset dépend souvent des préférences du chirurgien et des compétences de l'orthésiste (Fayssoux, Cho, & Herman, 2010). Actuellement, c’est le seul traitement conservateur ayant été montré comme efficace pour stabiliser la progression des courbures scoliotiques modérées et éviter la chirurgie (Weinstein, Dolan, Wright, & Dobbs, 2013).

Toutefois, pour les patients ayant terminé leur croissance et présentant des courbures plus sévères avec un angle de Cobb > 45°, un traitement chirurgical impliquant la fusion vertébrale est le plus souvent considéré car ces déformations ont tendance à progresser, même après la fin de la croissance. Des vis pédiculaires et des tiges métalliques sont installées et une fusion du segment vertébral instrumenté est réalisée pour corriger la déformation scoliotique. C’est une chirurgie invasive pouvant impliquer des complications neuromusculaires, des pertes sanguines ou encore des infections postopératoires. De plus, cette technique rigidifie de façon importante et permanente la colonne vertébrale. Il est estimé qu’environ 10% des patients scoliotiques adolescents devront subir un traitement chirurgical (Akbarnia et al., 2011; Fletcher & Bruce, 2012).

Figure 2-23 Chirurgie pour la scoliose a) courbure initiale; b) instrumentation de la colonne vertébrale impliquant des tiges, des vis pédiculaires et une arthrodèse vertébrale

Dans le but d’éviter d’avoir recours à l’arthrodèse vertébrale, des dispositifs chirurgicaux sans fusion peuvent être utilisés chez les patients pédiatriques n’ayant pas terminé leur croissance et présentant des courbes sévères et progressives. Ces techniques sans fusion sont employées afin de corriger la courbure scoliotique, ou du moins prévenir la progression de la déformation, tout en permettant la croissance de la colonne vertébrale. Le principe des dispositifs sans fusion est basé sur la loi de Hueter-Volkmann qui, comme expliqué à la section précédente, implique que la

croissance osseuse se trouve altérée par le déséquilibre des forces appliquées sur les vertèbres. Ces dispositifs visent donc à rééquilibrer les forces asymétriques appliquées sur les vertèbres pour remodeler celles-ci lors de la croissance (Aronsson & Stokes, 2011).

2.4.5.1 Traitement de la scoliose par l’utilisation de dispositifs chirurgicaux sans fusion Environ 25% des patients atteints de scoliose infantile et juvénile devront subir un traitement chirurgical (Fletcher & Bruce, 2012). Différentes stratégies chirurgicales sans fusion permettant la croissance du rachis ont été développées pour stabiliser la progression des scolioses pédiatriques. Ces traitements dits ''sans fusion'' sont proposés durant la croissance et l’objectif est de moduler la croissance en cherchant à rééquilibrer les charges trop élevées sur la portion des plaques de croissance des vertèbres du côté concave de la courbure vers le côté convexe (Arbarnia et al., 2011).

Il existe trois approches distinctives de traitement sans fusion : l’approche par distraction du côté concave, l’approche guidée pour la croissance et l’approche par compression du côté convexe (Matsumoto, Watanabe, Hosogane, & Toyama, 2013; Skaggs et al., 2014). L’approche par distraction inclut des dispositifs tels que les tiges de croissance, le VEPTR® (Vertical Expandable Prostetic Titanium Rib) et le dispositif par allongement magnétique MAGEC. Le principe d’action est basé sur l’application de forces distractives du côté concave de la courbure. Des tiges sont installées et une fusion des vertèbres supérieures et inférieures de l’instrumentation est réalisée. Les tiges doivent être allongées de façon périodique (environ tous les 6 mois), jusqu’à ce que la fusion vertébrale soit réalisée à la fin de croissance. L'approche guidée, comme le Shilla ou le Luque Trolley moderne, implique une translation des vertèbres apicales et l’installation de tiges pour guider la croissance. L’installation de ces dispositifs requiert une fusion du segment vertébral apical et l’installation de vis permettant le glissement des tiges aux extrémités de l’instrumentation. Les approches par distraction et par croissance guidée sont habituellement utilisées pour traiter les patients diagnostiqués avec une scoliose juvénile non-idiopathique (neuromusculaire ou congénitale) et présentant des courbures scoliotiques sévères et progressives. Ce sont des approches de chirurgie invasive nécessitant des chirurgies répétitives pour l’allongement des tiges dans le cas des approches par distraction. De plus, vu la nécessité de réaliser une fusion vertébrale sur certaines vertèbres, ces techniques diminuent grandement la flexibilité du rachis et limitent la croissance

vertébrale sur certains segments. Pour ces deux approches, un taux important de complications incluant des fractures de tige, la proéminence des implants, l’arrachement des implants, la fusion spontanée de certains segments vertébraux et la progression de la courbure est rapportée pour 58% à 100% des patients opérés (Akbarnia & Emans, 2010; Flynn et al., 2013, Skaggs et al., 2014; Ouellet, 2011; McCarthy et al., 2014).

Figure 2-24 Instrumentation avec tige de croissance, approche par distraction du côté concave a) instrumentation chez un patient; b) exemple de complication par bris de tige

L'approche par compression implique l’application de forces compressives du côté convexe de la courbure et inclut des dispositifs tels que les agrafes vertébrales et une instrumentation nommées attache du corps vertébral antérieur « Tether » ou « Anterior Vertebral Body Tethering ». Les approches par compression sont installées en utilisant une approche minimalement invasive et ne nécessitent pas de chirurgies répétitives. De plus, ces dispositifs n'impliquant aucune fusion du rachis, ce qui permet de préserver la flexibilité et la mobilité de la colonne vertébrale. Ces dispositifs sont le plus souvent utilisés pour traiter des scolioses idiopathiques. Les agrafes vertébrales sont plus adaptées pour traiter les courbes thoraciques et lombaires moins sévères et inférieures à 35°. Les principales complications s’y rapportant sont le décrochement des implants et la progression de la courbe (Betz et al., 2010; Bumpass, Fuhrhop, Schootman, Smith, & Luhmann, 2015). Aussi, lors de l’installation, il n’est pas possible de contrôler de façon personnalisée les forces compressives appliquées par les agrafes sur les vertèbres.

Figure 2-26 Instrumentation avec agrafes vertébrales, approche par compression du côté convexe

Le dispositif sans fusion compressif Tether est une approche relativement nouvelle. Elle consiste à instrumenter le rachis à l’aide d’implants fixés latéralement aux corps vertébraux et reliés par un câble souple. Ce dispositif permet d’appliquer des forces compressives sur la convexité de la courbure pour moduler la croissance tout en permettant la flexibilité du rachis. La procédure ne nécessite pas de fusion vertébrale ni de multiples interventions chirurgicales. (Crawford & Lenke, 2010; Jain et al., 2014). Lors de l’installation du dispositif Tether, le patient est d’abord positionné

en décubitus latéral avec la convexité de la courbure dirigée vers le haut, et une approche thoracoscopique impliquant la ventilation d’un seul poumon est utilisée. Les vis sont installées sur les corps vertébraux, du côté convexe de la courbure et le câble flexible est fixé à la vertèbre crâniale. Le câble est ensuite passé dans la prochaine vis caudale et une tension est appliquée pour appliquer les forces compressives et induire une correction de la position des vertèbres l’une par rapport à l’autre en les rapprochant du côté convexe. Le câble est ensuite attaché de façon rigide avec la vis afin de sécuriser la correction. Ces mêmes étapes sont ensuite répétées pour l’instrumentation des niveaux subséquents. Cette technique étant récente, il y a peu d'informations dans la littérature en ce qui concerne le comportement biomécanique du dispositif et les résultats à long terme sur la correction de la déformation. Quelques études de cas cliniques montrant la possibilité de moduler la croissance dans le temps avec le dispositif Tether ont été documentées dans la littérature et les résultats semblent prometteurs. Toutefois, la planification chirurgicale demeure empirique en ce qui concerne l’identification des niveaux instrumentés, la position des implants vertébraux et la tension appliquée dans le câble. Les rapports de cas décrits dans la littérature rapportent que les limitations associées au dispositif sans fusion Tether sont une progression ou une sur-correction (inversion du côté) de la courbure dans le temps, un manque de contrôle sur la correction 3D (plan sagittal et rotation axiale) et une possible dégénération du disque intervertébral si les forces compressives appliquées sont trop importantes (Crawford & Lenke, 2010; Samdani et al., 2014 et 2015).

Figure 2-27 Chirurgie de modulation de croissance par attaches antérieures aux corps vertébraux a) technique minimalement invasive par endoscopie; b) dispositif Tether