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Chapitre 3: Prises en charges thérapeutiques médicamenteuses des kératites

11 Prise en charge des kératites herpétiques

11.2 Les traitements adjuvants

11.2.1

Les corticostéroïdes

La principale cause de perte de vision liée à l’infection oculaire de HSV est liée aux effets nocifs de l’inflammation dans la cornée. Actuellement, la méthode primaire de traitement pour l’inflammation liée à la kératite HSV est la thérapie par corticostéroïde. Cependant elle doit être instaurée une fois la réplication virale inhibée et maîtrisée sous antiviraux, et une fois que les lésions sont stabilisées.

Les corticostéroïdes sont formellement contre-indiqués en cas de kératites épithéliales pures (type dendritique), ou des kératites stromales nécrotiques, au risque d’aggraver les lésions et d’évoluer vers une fonte cornéenne. Ces médicaments ne doivent pas non plus être utilisés en cas de kératite avec atteinte épithéliale dont l’étiologie pourrait être d’origine herpétique jusqu’à preuve du contraire.

En revanche, les corticoïdes peuvent être utilisés dans les formes épithéliales avec atteinte stromale, dans les formes stromales non nécrotiques et dans les formes endothéliales, lorsque le traitement par antiviraux a fait preuve de son efficacité. Il est important de continuer la thérapie par des antiviraux un mois après l’instauration de la corticothérapie. Selon le degré de gravité, différentes formes galéniques peuvent être utilisées : la forme topique en collyre ou en pommade est utilisée dans les infections herpétiques sans signes de gravité, la forme par voie orale est administrée lors d’infections sévères, et la forme systémique par injection intraveineuse peut être utilisée pendant quelques jours lorsque la voie orale est inaccessible ou que l’inflammation est très importante. Le relais par voie orale est établi après stabilisation de l’inflammation. Les études de HEDS ont confirmé que la corticothérapie par voie topique a réduit la progression ou la persistance de l’inflammation liée à HSV comparée au placebo à 68%. Il n’y avait aucune différence significative dans les résultats visuels entre le placebo et le groupe de corticostéroïde à 6 mois.(191) Comme dans toute corticothérapie, la surveillance doit être rigoureuse et le sevrage doit être progressif afin d’éviter une effet rebond. (138) En effet, les corticoïdes présentent de nombreux effets indésirables. Il faut savoir que l’instillation de corticoïdes locale peut entraîner certains troubles oculaires (hypertonie oculaire par

exemple) avec un risque de survenue de glaucome dit cortisonique, ou encore une opacification du cristallin. L’utilisation prolongée peut engendrer un retard de cicatrisation cornéenne, ou encore provoquer l’apparition d’infection opportuniste.

Dans le cas de kératites infectieuses, ce sont les corticoïdes d’action immédiate qui sont utilisés, car ceux dits « retard » présentent une longue durée d’action entraînant par conséquence un effet immunosuppresseur dans l’organisme pouvant être à l’origine de complications sévères. Ce sont donc trois molécules principalement qui sont utilisées : la dexaméthasone sous forme de collyre ou injection sous- conjonctivale, la prednisone par voie orale, et la methylprednisolone par voie intraveineuse.

11.2.2

La cyclosporine

La cyclosporine topique est un médicament à préparation magistrale concentré à 2%. C’est un immunosuppresseur indiqué en prévention ou en traitement de rejet de greffe de cornée, mais a également été employée comme thérapie anti-inflammatoire alternative dans le cas de kératites herpétiques non nécrosantes. Elle trouve son intérêt chez des patients réfractaires aux corticoïdes topiques, ou dans la gestion des formes corticodépendantes et/ou récidivantes de kératite stromale. La cyclosporine possède des propriétés anti-inflammatoires intéressantes sans pour autant favoriser la réplication virale, à la différence des stéroïdes. Bien qu’elle ne soit pas largement utilisée, cette thérapie peut être utile chez les patients qui ont une réponse stéroïde puisque la cyclosporine n’augmente pas la pression intraoculaire. En raison du délai d’action, elle ne remplace pas les stéroïdes dans la gestion des formes aiguës mais elle est à l’inverse utile pour en faciliter le sevrage lors des traitements au long cours.(138)

11.2.3

Le sérum autologue

Le sérum autologue est un médicament biologique à préparation magistrale qui s’effectue au sein de la pharmacie hospitalière, en salle blanche sous hotte à flux laminaire (Classe A). Le sérum autologue est aujourd’hui utilisé pour traiter les troubles sévères de la ré épithélialisation cornéenne. En effet, la composition du sérum autologue ressemble à celle des larmes naturelles et est riche en facteurs de croissance, en vitamines, en fibronectine et autres composants biochimiques

essentiels à la reconstruction de la surface oculaire. La plupart des concentrations sont équivalentes aux composants des larmes naturelles, à l’exception que le sérum contient plus de vitamine A, de lysozyme, de facteur de croissance transformant β (TGF-β) et de fibronectine, et moins d'immunoglobuline A (IgA), de facteur de croissance épithélial (EGF) et de vitamine C que l'on trouve dans les larmes.(192)

Des collyres sériques autologues ont été recommandés pour le traitement des patients présentant plusieurs troubles de la surface oculaire, tels qu’une déficience épithéliale cornéenne liée au syndrome de Sjögren, un défect épithélial non sjögren associé à une maladie du greffon contre l'hôte, une kératite neurotrophique, des défauts épithéliaux persistants, une kératoconjonctivite limbique supérieure et oculaire sèche postopératoire induite par LASIK. Les personnes traitées avec 20% à 50% de sérum autologue quatre à huit fois par jour ont signalé une amélioration subjective des symptômes oculaires secs ; les enquêteurs ont également noté une amélioration objective basée sur la coloration à la fluorescéine et les résultats des tests de temps de rupture.(193)

Actuellement, il n’existe pas de forme de SA disponible dans le commerce. Le SA doit être fabriqué avec le sang du patient. Même si les méthodes utilisées pour la préparation, le stockage et l'administration du SA sont très variables, des normes ont été établies pour optimiser l'efficacité thérapeutique et la sécurité des produits. En bref, le sang est d'abord prélevé sur le receveur et est ensuite autorisé à coaguler en l'absence d'anticoagulant. Une fois qu'un caillot s'est formé, le surnageant est centrifugé pour séparer le sérum des composants solides sans induire d'hémolyse. Après centrifugation, le sérum est décanté dans un récipient stérile et peut ensuite être dilué à la concentration souhaitée. Le sérum autologue est généralement administré à une concentration de 20%, qui est basée sur la concentration de facteurs biologiques dans les larmes réelles, bien que des concentrations plus élevées (entre 50% et 100%) aient été utilisées(194). On sait que le sérum peut contenir des composants qui nuisent à la surface oculaire. Le TGF-β, par exemple, est connu pour avoir des effets antiprolifératifs, et des concentrations élevées de TGF-β peuvent supprimer la cicatrisation des plaies de l'épithélium de la surface oculaire.(195) Cette observation a contribué à l'utilisation d'une solution diluée de sérum pour maintenir des taux de TGF- β comparables à ceux des larmes. Les conservateurs ne sont généralement pas

ajoutés au SA, réduisant ainsi le risque de toxicité induite par les conservateurs associés à d'autres traitements oculaires. Cependant, le manque de conservateurs augmente théoriquement le risque d'infection oculaire. Le sérum autologue peut être conservé pendant moins d'un mois à 4 °C pendant son utilisation et jusqu'à trois mois à -20 °C(196). Il est important que les flacons contenant du sérum autologue soient tenus à l'écart de la lumière pour éviter la dégradation de la vitamine A.

De par ses propriétés, ce traitement s’avère bénéfique pour traiter les kératites neurotrophiques compliquées, en complément du traitement thérapeutique ou chirurgical mis en place.

Cependant le sérum autologue est difficilement accessible en France du fait de l’absence de réglementation, rendant en théorie l’utilisation d’un produit dérivé du sang, impossible pour traiter les affections de la surface oculaire. Le vide juridique permettant l’emploi de ce traitement reste un frein majeur à la mise en application du sérum autologue : il n’existe en effet aucune réglementation pour effectuer ces préparations, même dans le cadre des Etablissements de Transfusion Sanguine. L’utilisation du SA relève donc actuellement de l’entière responsabilité des différents acteurs de santé que sont les ophtalmologistes, les infirmières et les équipes des Centres de Transfusion Sanguine pour réaliser un geste interdit car non codifié. Bien entendu, son utilisation – toujours transitoire - reste à discuter en fonction de chaque cas. Il ne peut se concevoir de façon isolée : il doit précéder ou accompagner un autre geste : membrane amniotique, greffe de cornée et fournit le temps nécessaire à obtenir un certain degré d’immunodépression.

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