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V) STRATÉGIES THERAPEUTIQUES

6) Traitements addictolytiques

Trois types de traitements sont utilisés pour l'aide au sevrage tabagique, il s'agit des traitements de substitution nicotiniques et de deux médicaments que sont la varénicline et le bupropion prescrits en cas de dépendance nicotinique sévère(162). Un essai clinique récent multicentrique et de grande ampleur a pu évaluer l'efficacité de ces trois traitements chez des consommateurs de tabac avec et sans antécédents psychiatriques, ce qui n'avait encore jamais été réalisé sur un échantillon aussi important(163). Les résultats ont montré une différence significative en faveur des trois traitements comparés au placebo dans le sevrage tabagique, avec une supériorité de la varénicline par rapport aux substituts nicotiniques (1 patch/jour) et au bupropion. L'efficacité en population psychiatrique était inférieure à celle retrouvée en population générale mais il existait tout de même une différence significative avec le placebo. Ces traitements ont ainsi démontré leur efficacité chez des personnes souffrant de pathologies mentales stabilisées, toutefois en raison d'effets indésirables neuropsychiatriques décrits concernant la varénicline et le bupropion, les recommandations préconisent une utilisation de ces deux médicaments à distance des épisodes psychiatriques aigus. Ainsi, aucune étude ne met en évidence une quelconque efficacité de ces médicaments sur les symptômes psychiatriques. Néanmoins, il est intéressant d'évoquer brièvement le cas du bupropion, cet inhibiteur de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline est utilisé outre-Atlantique comme antidépresseur. En effet, ses propriétés pro-dopaminergiques seraient en théorie utiles pour soigner les affects dépressifs du sujet dépendant, mais des effets indésirables à type de symptomatologie psychotique et maniaque ont été rapportés et restreignent donc son champ d'application en population psychiatrique(164).

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Les traitements addictolytiques du trouble de l'usage de l'alcool ont été peu testés en population comorbide.

Il est important de préciser au sujet du baclofène que la prescription de ce médicament reste limitée et n’est pas recommandée en cas d’antécédents psychiatriques. Des effets indésirables graves ont pu être constatés lors de la réalisation d’études utilisant le baclofène (intoxications, crises d’épilepsie), ou bien des événements indésirables graves (décès, hospitalisations) dont la nature précise des liens de causalité n’a pas encore été déterminée mais qui mettaient possiblement en cause la posologie. Bien que les résultats des études ne soient pas complètement homogènes, certains travaux effectués sur le baclofène ont mis en évidence des propriétés psychotropes susceptibles d'être exploitées. On peut évoquer les effets sédatifs et anxiolytiques de cette molécule probablement médiés par l’agonisme des récepteurs GABA-B. A ce sujet, un essai clinique publié en 2014 a évalué les effets du baclofène sur l’usage d’alcool chez 42 patients répartis en 3 groupes : 2 groupes recevant le baclofène, l’un à 30 mg, l’autre à 60 mg et un groupe placebo. Les résultats ont révélé que les patients atteints de trouble anxieux caractérisés avaient une meilleure réponse au baclofène (dans les deux groupes) par comparaison au placebo(165). Certes la principale limite de cette étude réside dans sa petite taille mais l’hypothèse des propriétés anxiolytique du baclofène a été soutenue par d’autres auteurs. C’est le cas par exemple de Manteghi et Drake qui ont montré dans leurs études une réduction sensible de la symptomatologie anxieuse dans le syndrome de stress post-traumatique grâce à l’administration de baclofène(166,167). Par ailleurs certaines données suggèrent que l’action du baclofène sur les récepteurs GABA-B pourrait jouer un rôle dans la régulation de l’humeur, ce qui ne serait pas le cas des récepteurs GABA-A(168). Ces résultats sont intéressants particulièrement lorsque l’on se situe dans une perspective de traitement des troubles comorbides. Néanmoins, il est nécessaire qu’ils soient étayés par des études supplémentaires afin de confirmer ces résultats, d’approfondir nos connaissances sur le baclofène et surtout d’établir un profil de sécurité suffisant de cette molécule pour un éventuel élargissement de la prescription aux populations psychiatriques.

Les effets anticraving des médicaments addictolytiques les plus anciens comme l'acamprosate, le disulfiram ou la naltrexone ont également été peu testés chez les personnes souffrant de pathologies mentales bien qu'ils soient fréquemment utilisés en pratique clinique dans ces populations. L'acamprosate a fait l'objet d'une étude visant à démontrer ses

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effets supposés protecteurs sur les fonctions cognitives (modulation du système glutamatergique avec réduction de l'excitabilité cérébrale) et l'utilité de ses propriétés en population psychiatrique. En effet, l'amélioration des troubles cognitifs dans de nombreuses pathologies psychiatriques comme la schizophrénie peut être déterminante pour le pronostic et l'évolution fonctionnelle de la maladie. Les résultats n'ont pas été probants, l'étude portant sur des patients schizophrènes dépendants à l'alcool n'étant pas parvenue à démontrer de supériorité en matière de protection cognitive par rapport au placebo(169). La naltrexone a montré des effets anticraving en population comorbide lorsqu'elle était associée à un traitement antidépresseur ou thymorégulateur(119,133) mais reste exclusivement considérée comme un traitement addictolytique. Cependant son mécanisme d'action visant à cibler le système opioïdergique suscite un intérêt grandissant dans la recherche actuelle. Nous savons à ce jour que l'alcool interagit avec les récepteurs opiacés mu et que cela potentialise les effets de récompense en augmentant le plaisir, la motivation et la satisfaction liés à la consommation du produit(64). De plus en plus d'auteurs considèrent que le système opioïde endogène joue un rôle essentiel dans les processus addictifs(170) mais également sur les réactions anxieuses et dépressives(171). Par ailleurs, de nombreux travaux et études cliniques ont mis en évidence la double efficacité des traitements de substitution aux opiacés que sont la méthadone et la buprénorphine, sur la dépendance aux opiacés et le trouble dépressif. Ces découvertes ont un réel impact sur l'utilisation de ces traitements de substitution dans la prise en charge des patients toxicomanes et méritent donc que nous leur accordions un chapitre entier.

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