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CHAPITRE 2 : CRÉATION DE LA SÉRIE LES LEÇONS DE GILLIAN 38

2.8 Traitement visuel et sonore envisagé 66

Gillian, qui voulait terminer le cycle en retournant Miller et Stéphanie l’un contre l’autre, réalise qu’elle est autant coupable des péchés condamnés. Elle décide de laisser Stéphanie l’abattre et de devenir l’ultime victime (péché de colère), mais, au dernier moment, ses étudiant·e·s, qui menaient leur propre enquête, arrivent sur les lieux. Dans un retournement de situation, Stéphanie est reconnue comme étant la meurtrière à la place de Gillian qui s’en tire haut la main.

2.8 Traitement visuel et sonore envisagé  

Tel que nous avons tenté de le démontrer dans l’essai, lors de l’analyse des personnages de Norman Bates et d’Hannibal Lecter, le traitement visuel et sonore permet, lorsqu’on lui porte une attention particulière, de subtilement rendre un personnage de tueur en série plus humain aux yeux du public. Ainsi, les multiples techniques développées par le cinéma et utilisées à la télévision seront mises à profit pour conférer à la série télévisée une esthétique singulière qui favorisera l’humanisation et potentiellement l’identification au personnage de Gillian.

2.8.1 Traitement visuel  

Tout d’abord, un traitement particulier sera apporté aux couleurs et à l’éclairage de la série télévisée. Le film Seven s’inspirant du film noir, les jeux d’ombres et de lumières y sont omniprésents. En effet, « les cinéastes du film noir […] s’écartent de la règle d’éclairage hollywoodienne en introduisant de l’obscurité dans l’image. » (Poitras, 2015) Ce sont donc la pluie et la noirceur qui règnent dans Seven dont les plans sont constamment sombres et froids. L’action se déroule par ailleurs souvent dans des endroits confinés ou très encombrés (le désordre des ruelles, l’appartement de John Doe rempli d’objets étranges, l’appartement des Miller où s’empilent les boîtes de déménagement, etc.), ce qui fait que les personnages paraissent être emprisonnés non seulement dans l’écran, mais également dans leur propre vie où qu’ils aillent. La seule scène qui fait exception est l’avant-dernière et la plus

importante, c’est-à-dire celle où John Doe parvient à faire perdre la raison à Miller en lui annonçant qu’il a assassiné sa femme. Il s’agit de la grande finale de « l’œuvre » de John Doe, la démonstration de tout son savoir-faire meurtrier. Cette scène, qui marque par sa violence, mais beaucoup également par son contraste visuel, est lumineuse et tournée dans un espace vaste (un grand champ avec des pylônes électriques à l’extérieur de la ville) avec un ciel dégagé et ensoleillé. Il s’agit par ailleurs de la toute première fois dans le film où il ne pleut pas et où la luminosité se fait chaude et naturelle. C’est là, de surcroît, l’une des seules occasions où le public peut lui-même se faire une idée de la personnalité de John Doe qui n’apparaît que très peu dans le reste du film. En nous inspirant de ce contraste apparent entre les scènes d’enquête et la scène finale de John Doe, nous souhaitons que les scènes mettant de l’avant les deux détectives de la série s’inspirent de l’esthétique sombre et pluvieuse du film noir Seven, alors que l’univers de Gillian, la tueuse en série, sera au contraire dépeint d’une façon colorée, lumineuse et dynamique. Comme elle apparaîtra à l’écran bien plus fréquemment que John Doe dans le film, ce contraste sera d’autant plus marqué.

Ensuite, l’utilisation de la caméra sera également mise à profit. Nous souhaitons en effet nous inscrire à contre-courant du surutilisé male-gaze dont nous avons plus tôt fait mention dans la section essai du mémoire. Nous désirons donc que soit privilégiée une caméra personnifiant un regard féminin ou homosexuel, et cela se traduira déjà dans notre écriture scénaristique qui n’induira pas de plans de nature sexuée (ex. « Il la détaille de la tête aux pieds »). Cela permettra de mieux traduire la vision du monde du personnage féminin principal de Gillian et suscitera potentiellement l’identification de la spectatrice qui partagera le regard de la tueuse par une caméra interposée. Ainsi, à l’instar d’autres séries au protagoniste principal féminin14, les femmes, dans notre adaptation télévisuelle, ne seront pas à la caméra des objets passifs sexualisés par des plans rapprochés imitant le regard d’un observateur masculin qui projette ses fantasmes sur ce qui est regardé. À ce titre, les

                                                                                                               

14 Comme la série Buffy the Vampire Slayer (Buffy contre les vampires, 1997 – 2003) ou, plus récemment, la

série Outlander (Le Chardon et le Tartan, 2014 – en production), citées comme des exemples d’utilisation d’un female-gaze (Breda, 2016).

personnages masculins ne seront pas cantonnés au rôle de sujet actif et, ainsi, les deux sexes bénéficieront du même traitement.

En ce qui concerne le montage, le rythme des épisodes fera écho au péché associé à chaque épisode ainsi qu’à la gradation en intensité que nous avons tenté d’instaurer en classant les péchés tel qu’expliqué dans la section sur la structure narrative de la série. Ainsi, les premiers épisodes (gourmandise, paresse, luxure) seront plus contemplatifs et languissants (montage lent, plans-séquences, longs travellings). Puis, le montage deviendra graduellement plus rapide pour atteindre son paroxysme lors des deux derniers épisodes qui seront chargés en intensité et en suspense. De plus, même si une scène de crime différente sera présentée à chaque épisode, les scènes de violence perpétrée par Gillian ne seront pas montrées à l’écran, à l’instar du film où le seul meurtre représenté est celui commis par l’inspecteur à la toute fin lorsqu’il tire sur John Doe à bout portant. Nous croyons que de ne pas directement voir Gillian à l’œuvre et de montrer, au contraire, la violence des autres personnages (Miller, Stéphanie, les victimes ayant commis divers actes criminels) permettra un meilleur équilibre aux yeux des spectateurs et spectatrices.

2.8.2 Traitement sonore  

L’aspect sonore de la série télévisée ne sera pas non plus laissé au hasard. D’abord, il est à noter qu’il y aura présence d’une voix off, c’est-à-dire celle du personnage principal de Gillian, au début ainsi qu’à la fin de la plupart des épisodes. Cette narration sera en lien avec le thème de l’épisode et du péché qui y est associé et permettra une incursion dans les pensées du personnage. En effet, si les tueurs en série représentent déjà un mystère pour le commun des mortels, leurs motivations demeurent d’autant plus opaques puisqu’il s’agit généralement de personnages refermés sur eux-mêmes qui entretiennent peu de fréquentations. Il est alors plus difficile de parvenir à faire comprendre au public la façon de penser de ce genre de personnages qui ne sont pas de nature à se confier aux autres. Nous estimons que l’utilisation d’une voix off permettra, comme dans la série mettant en scène le

tueur en série Dexter15, de se rapprocher du personnage pour mieux comprendre ses motivations et sa vision du monde. Par contre, afin d’éviter de tomber dans le cliché, la narration sera intradiégétique et les phrases entendues pourront être considérées comme des extraits des leçons de philosophie données par Gillian à ses étudiant·e·s.

Par ailleurs, puisque le sujet dont traite la série est plutôt lourd, nous souhaitons que le ton soit notamment allégé par l’emploi d’une trame sonore jeune et moderne, particulièrement lors des scènes de Gillian. En plus de conférer à la série un aspect moins tragique, nous estimons que cela permettra également de « glamouriser » le personnage principal et de susciter par la musique une plus grande identification des spectateurs et spectatrices qui pourraient apprécier un genre musical semblable. Il y aura un peu de musique populaire utilisée de façon extradiégétique, mais surtout de la musique intradiégétique lorsque, par exemple, Gillian fait de la course avec ses écouteurs sur les oreilles ou écoute de la musique en développant des photos dans sa chambre noire. Par souci de contraste sonore, l’univers de Stéphanie et de Miller, dont la relation est en péril et se détériore graduellement au fil des épisodes, sera exempt de musique de façon à mettre en évidence les nombreux moments de silence qu’ils partagent et qui illustrent leurs difficultés de communication.

2.9 Synopsis des épisodes  

Épisode 1 « Gula »

Gillian débute la nouvelle session d’automne et présente son cours tout en découvrant ses nouveaux étudiant·e·s. Elle et son ami et Thomas sont mécontents de retrouver certains de leurs collègues irritants. L’enquêteur Miller, de son côté, vient d’emménager et fait la rencontre de son nouveau partenaire, Guillaume Saint-Jacques. Alors que Miller se remémore les tensions vécues au travail à Sherbrooke juste avant son départ, Guillaume et lui se voient confier un cas d’homicide comme on en voit rarement à Québec. Après examen de la victime, un riche homme d’affaires retrouvé empoisonné sur les Plaines d’Abraham