119. Les saisons, nous dit-on statistiques à l’appui, ne sont plus les mêmes et
l’atmosphère se réchauffe (v. supra, n° 9) ; le changement climatique aurait même sans
doute une incidence sur les phénomènes d’ampleur exceptionnelle. Comment dans ces
conditions le changement climatique ne viendrait-il pas renouveler la qualification du
phénomène météorologique anormal ? Celle-ci dépend en effet de l’appréciation de
standards. Au regard de la force majeure exonératoire d’obligations, est anormal le
phénomène météorologique à la fois imprévisible et irrésistible – ou dont les effets sont
inévitables, pour reprendre la nouvelle terminologie de l’article 1218 du Code civil propre
à la matière contractuelle. Au regard du régime d’indemnisation des victimes de
catastrophes naturelles, est anormal le phénomène météorologique caractérisé par une
intensité anormale. Or l’appréciation des standards est fonction des évolutions sociétales
et des croyances au sens sociologique du terme
1. En effet, l’anormalité est toute relative
non seulement selon les lieux et les périodes de l’année mais aussi selon la conception
sociale de ce qu’est un temps normal pour la saison. Le changement climatique fait
insidieusement évoluer cette conception et brouille les frontières entre le normal et
l’anormal ; le terme même de « dérèglement climatique » qui est souvent employé pour
désigner ce phénomène induit d’ailleurs un biais qui consiste à percevoir le climat comme
une machine normalement bien réglée, aujourd’hui déréglée
2, ce qui engendre des
phénomènes météorologiques en eux-mêmes anormaux. Dès lors, la conviction parfois
véhiculée par les médias que certains phénomènes météorologiques sont la manifestation
des changements climatiques en cours pourrait avoir une incidence sur l’appréciation des
1 Lexique de sociologie, Dalloz, 4e éd., 2013, V° Croyance : « (…) Depuis Platon, on oppose les croyances
(associées à l’opinion et à la doxa) aux connaissances vraies, mais la distinction entre "croyances" et "connaissances" n’est pas aussi nette : il existe des croyances astrologiques, mais aussi des croyances issues de la vulgarisation scientifique ("l’homme descendu du singe"). À la suite de Gérald Bronner, on peut définir les croyances par quatre caractéristiques : - les croyances sont des énoncés qui ont un contenu intentionnel (cette intentionnalité permet de les distinguer des représentations) ; - les croyances ont un pouvoir d’influence et elles peuvent notamment pousser un individu à prendre des décisions ; - les croyances ne sont pas isolées, elles n’ont un contenu qu’à travers leurs relations avec d’autres croyances ; - les croyances ne sont pas en permanence présentes à l’esprit des individus mais elles peuvent être mobilisées si le sujet le souhaite. »
2 C’est pourquoi cette terminologie a pu être critiquée : v. par ex. L. BODIN, Quand la météo fait l’histoire,
préc., p. 11 : « quand des commentateurs évoquent un dérèglement climatique en parlant du réchauffement actuel, ils induisent dans l’esprit des gens que le climat est un moteur merveilleusement réglé, incapable d’à-coups soudains, incapable de s’enrayer. Ce n’est pas le cas. Le climat est par définition instable, sujet à des crises passagères et violentes ».
130
standards de qualification du phénomène météorologique anormal (Section I) dont il faut
tenter d’identifier les conséquences en jurisprudence et dans la mise en œuvre du régime
d’indemnisation des catastrophes naturelles (Section II).
131
Section I : L’influence théorique du changement climatique sur la qualification
des phénomènes météorologiques
120. Il convient d’abord d’exposer comment, de façon générale, l’appréciation des
standards de qualification du phénomène météorologique anormal est conduite à évoluer
en fonction des croyances partagées (§1) avant d’identifier les convictions et croyances
répandues sur le phénomène du changement climatique issues de la vulgarisation
scientifique et qui seraient de nature à avoir une incidence sur l’appréciation des
standards de qualification du phénomène météorologique anormal (§2).
§1 – L’appréciation évolutive des standards
121. Est normal au sens dogmatique
1ce qui est perçu comme ne sortant pas de
l’ordinaire : comme on a pu le souligner, « la normalité dogmatique peut s’appuyer sur ce
qui est habituellement pensé »
2. L’appréciation des standards de qualification qui dépend
de la conception de la normalité
3est donc conduite à évoluer en fonction des croyances et
des convictions répandues dans la société.
122. L’appréciation évolutive des standards par le juge. Rappelons à titre liminaire
que la force majeure est une « notion-cadre »
4que les magistrats ont précisé au fur et à
mesure
5à l’aide de caractères qui ont été qualifiés de standards. L’appréciation de ces
standards octroie un rôle considérable au juge. Si le standard assure théoriquement une
1 Sur la distinction entre normalité dogmatique et statistique, v. supra, n° 19.
2 La citation complète est la suivante : « la normalité dogmatique peut s’appuyer sur ce qui est
habituellement pensé (et qui est à l’évidence souvent distinct de ce qui est habituellement fait) ou sur ce que pensent certaines personnes plus exigeantes que ne l’est la société globalement » (S. RIALS, « Les standards, notions critiques du droit », in C. PERELMAN et A. VANDER EST (dir.), Les notions à contenu variable en droit, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 44).
3 V. S. CHASSAGNARD-PINET, « Normalité et norme juridique : d’une force normative à l’autre », art. préc.
p. 156 : « la normalité est (…) sollicitée comme référent normatif lors de l’interprétation de la règle de droit. (…). La force interprétative de la normalité se fait d’autant plus forte que la texture de la règle de droit est souple, autorisant alors le juge à procéder à une interprétation fondée non sur une logique formelle mais sur la logique du normal. Tel est le cas lorsque le juge doit donner corps à une règle de droit employant des standards juridiques ».
4 Aussi désignée comme une « notion à contenu variable » : sur ces notions, v. par ex. P. DEUMIER,
Introduction générale au droit, LGDJ, coll. manuel, 5e éd., 2019, p. 103, n° 101 ; G. CORNU, Droit civil,
Introduction au droit, préc., p. 97, n° 178.
5 Le travail de précision d’une notion cadre est nécessairement progressif : « c’est l’ensemble des solutions
données aux cas d’espèces par le juge qui permet, graduellement, d’élaborer une définition, ou tout au moins de délimiter positivement et négativement la notion, autrement dit de savoir ce qui rentre ou non sous cette qualification » (J. GHESTIN, H. BARBIER et J.-S. BERGE, Traité de droit civil, Introduction générale, t. 1, LGDJ, coll. Traités, 5e éd., 2018, p. 589 et 590, n° 647).
132
« adaptation permanente du droit à une vie sociale changeante »
1, il présente aussi
l’inconvénient de permettre « le triomphe de l’intuition sur la logique et sur le
syllogisme »
2. En présence d’un standard, le magistrat dispose en effet d’une marge de
manœuvre qui lui permet d’intégrer, consciemment ou non, des croyances généralement
répandues. Ce n’est guère étonnant alors que les sociologues du droit cherchent à
identifier comment le droit « repose sur des opinions, des croyances généralement
répandues, fussent-elles erronées, et non exclusivement sur des vérités établies »
3.
Lorsque le magistrat doit se prononcer sur la qualification d’un phénomène
météorologique, il doit interpréter le fait brut. Schématiquement, le fait est constaté,
apprécié puis qualifié
4. L’appréciation du fait implique un jugement de valeur au sein
duquel les croyances largement partagées peuvent ainsi s’immiscer.
123. L’appréciation évolutive des standards par l’autorité publique. Ce qui vaut
pour les magistrats vaut certainement pour les autorités publiques qui doivent apprécier
un standard permettant de qualifier une notion-cadre. À ce titre, ce qui vient d’être dit à
propos de l’influence de certaines croyances sur l’appréciation des magistrats peut être
transposé à l’appréciation opérée par les autorités publiques. Rappelons en effet que, pour
qu’une indemnisation des dommages subis à cause d’un phénomène météorologique
exceptionnel soit octroyée par les assureurs, l’autorité publique représentée par plusieurs
ministres
5doit prendre un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Cet arrêté est pris après avis d’une commission interministérielle qui se prononce sur
« l’intensité anormale » du phénomène météorologique observée dans la commune. Cet
avis est systématiquement suivi. Ainsi la commission interministérielle apprécie
l’intensité anormale du phénomène, que nous avons identifié comme un standard
(v. supra, n° 94). Si la commission s’appuie sur des référentiels pour rendre son avis sur
l’intensité anormale du phénomène météorologique, elle n’en garde pas moins une
1 A. TUNC, « Standards juridiques et unification du droit », RIDC 1970, n° 2, p. 247 à 261, spéc. p. 249. 2 Ibid. V. aussi A.-A. AL SANHOURY, « Le standard juridique », in Recueil d’études sur les sources du droit
en l’honneur de François Gény, 1934, tome II, p. 144 s., spéc. p. 146 : « c’est l’intuition et l’expérience pratique des choses de la vie qui inspirent et guident le juge dans l’application empirique du "standard". L’intuition et l’expérience prennent la place du raisonnement et de la logique ».
3 H. LEVY-BRUHL, Sociologie du droit, PUF, coll. Que sais-je ?, 7e éd., 1990, p. 111.
4 Un autre cheminement a pu être présenté ; v. par ex. : T. IVAINER, « L’interprétation des faits en droit »,
JCP 1986, I, 3235. Selon l’auteur, dans le traitement juridictionnel des faits, le parcours opératoire du
magistrat se décompose en cinq étapes : la sélection des faits pertinents, le jugement d’existence, le jugement de valeur, l’introduction de divers paramètres, les coefficients de pondération.
5 L’arrêté est pris conjointement par le ministre de l’intérieur, le ministre de l’économie et des finances et le
133
certaine latitude (v. supra, n° 102 et s.). Comme pour l’appréciation des caractères de la
force majeure, les croyances communes peuvent donc avoir une influence sur
l’appréciation de ce standard.
124. Conclusion. Ainsi, puisque comme l’avait souligné D
URKHEIM, les organes
chargés de l’application de la règle de droit constituent des « interprètes autorisés du
sentiment collectif »
1, tant les magistrats que l’autorité publique peuvent être influencés
par leurs croyances dans l’appréciation des standards. De ce fait, les croyances qui se sont
peu à peu répandues sur le phénomène du changement climatique à partir des recherches
scientifiques sont de nature à avoir une incidence sur l’appréciation des standards de
qualification du phénomène météorologique anormal. Il nous faut désormais identifier
avec précision de quelles croyances il s’agit.
§2 – Les croyances susceptibles d’exercer une influence sur l’appréciation
des standards
125. Les croyances relatives au changement climatique peuvent être regroupées en
deux catégories : celle qui porte sur la réalité du changement climatique d’origine
anthropique et celles qui portent sur ses effets.
126. La croyance relative à la réalité du changement climatique. Il y a quelques
années de cela, certains pouvaient encore exprimer des doutes concernant l’existence du
changement climatique et la part anthropique du phénomène. Aujourd’hui, ces opinions
apparaissent, en Europe du moins, tout à fait marginales (v. supra, n° 9). L’idée d’un
changement climatique d’origine anthropique s’est d’abord peu à peu enracinée au sein
des populations grâce à l’action politique au cours des dernières décennies, action qui a
été particulièrement médiatisée. En premier lieu, cette croyance – qui trouve son origine
dans l’observation du réchauffement des températures terrestres par les scientifiques – a
été relayée par des instances supranationales sous l’égide notamment des Nations Unies.
C’est en 1992 au cours de la Conférence de Rio, désignée également comme le Sommet
de la Terre, que la Convention-cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques
(CCNUCC) déjà évoquée a été adoptée. Entrée en vigueur le 21 mars 1994, cette
Convention a instauré un cadre annuel de réunions internationales concernant la lutte
1 E. DURKHEIM, De la division du travail social, Paris, PUF, 1960, p. 43, cité par S. CHASSAGNARD-PINET,
134
contre le réchauffement climatique : la Conférence des parties dite « COP ». En 1997,
lors de la troisième conférence, certaines parties à la CCNUCC ont signé le fameux
Protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005. Ce protocole a mis en place des objectifs
contraignants et imposé des délais stricts dans l’objectif de parvenir à une réduction des
émissions de gaz à effets de serre. Après plusieurs tentatives avortées de parvenir à un
accord plus global
1, la COP 21 est parvenue à la signature de l’Accord de Paris de 2015
par lequel la communauté internationale s’est engagée à limiter la hausse de la
température « bien en-deçà de 2°C » et à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse à
1,5°C »
2. Toutes ces conférences internationales ont progressivement contribué à ancrer
dans l’esprit des populations l’urgence de parvenir à un accord global en vue d’endiguer
le phénomène de « réchauffement climatique » qui prend sa source dans les émissions de
gaz à effet de serre. Parallèlement, pour respecter ses engagements internationaux, le
législateur français a progressivement intégré en droit interne l’objectif de lutte contre le
changement climatique, ignorant les incertitudes scientifiques résiduelles sur sa part
anthropique : puisque la science apparaît « comme un processus de conjectures et de
réfutations des diverses explications proposées sur l’état du monde »
3, il revient au droit
de trancher. Le législateur a donc clairement affirmé que la réalité du changement
climatique ne faisait plus de doute
4et a introduit de nombreuses dispositions visant à
lutter contre le changement climatique d’origine anthropique. En témoigne l’apparition
ces dernières années de nombreuses occurrences du « changement climatique » dans les
textes. On recense pas moins de vingt mentions de ce terme disséminées dans divers
codes
5, qui sous-tendent pour la plupart l’idée de l’origine anthropique du changement
1 Notamment lors de la COP 15 qui a abouti à l’accord de Copenhague lequel réunit seulement des
orientations communes.
2 Entré en vigueur le 4 novembre 2016 et ratifié par 185 pays au 10 septembre 2019, l’Accord de Paris
apparaît comme le premier accord universel sur le climat au sens où il a été approuvé par l’ensemble des 195 délégations le 12 décembre 2015. La portée de cet accord est cependant limitée puisque, d’une part, à la différence du Protocole de Kyoto, aucune sanction n’est édictée pour le cas où les États ne respecteraient pas leurs engagements si bien que cet accord n’est pas juridiquement contraignant (Ch. HUGLO et F. PICOD, « Les perspectives ouvertes par la COP 21 », Revue internationale de la compliance et de l’éthique des
affaires, 2015, n° 51-52, p. 10 et 11 ; v. aussi M. HAUTEREAU-BOUTONNET et S. MALJEAN-DUBOIS, « Introduction », Rev. jur. envir. 2017, numéro spécial, « Après l’accord de Paris, quels droits face au changement climatique ? », p. 9 à 21, n° 13 et s.). Sur le bilan mitigé de l’Accord de Paris, v. M. TORRE- SCHAUB (dir.), Bilan et perspectives de l’Accord de Paris (COP 21), Regards croisés, Av-propos M. DELMAS-MARTY, Actes de la journée d’études du 31 mai 2016, IRJS Éditions, coll. Bibliothèque de l’IRJS – André Tunc, 2017.
3 G. CANIVET, « Le juge entre progrès scientifique et mondialisation », RTD civ. 2005, p. 35.
4 V. l’exposé des motifs de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre
du Grenelle de l’environnement (dite Grenelle I) préc. supra, n° 9.
5 Pour la seule partie législative de ces codes, v. art. L. 125-102-1 C. com. ; art. L. 2573-54-1 et L. 4433-7
135
climatique puisque les articles évoquent « la lutte contre le changement climatique »
1ou
« l’atténuation » des effets du changement climatique
2ou encore « les conséquences sur
le changement climatique » de l’activité sociale
3et non seulement l’adaptation à ces
effets ; une telle lutte, un telle atténuation ne sont concevables que si l’on considère que
l’activité des hommes est un facteur essentiel du changement climatique. Plus encore,
l’article L. 220-2 du Code de l’environnement estime que la pollution atmosphérique est
de nature à « influer sur les changements climatiques » et confirme donc expressément
que le législateur français considère que l’homme est à l’origine des dérèglements
climatiques actuels. La lutte contre le changement climatique est désormais un objectif du
droit de l’urbanisme
4, de la politique des transports
5, de l’énergie
6, mais également de
l’aménagement rural
7et de la politique forestière
8et il s’agit en outre de la première des
cinq finalités de l’objectif de développement durable
9. Le législateur a donc une ligne de
conduite claire et sans ambiguïté, ce dont témoigne la création dès 2001 de l’Observatoire
national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC)
10ou encore très récemment
du Haut Conseil pour le Climat (HCC)
11. La doctrine y fait écho et est aujourd’hui
unanime sur la question de la réalité du changement climatique et son origine
2, L. 222-1, L. 371-1, L. 229-26, L. 222-3-1, L. 229-20 C. envir. ; art. L. 132-2-1 et L. 133-2-1 C. minier ; art. L. 112-1et L. 121-1 C. forest.
1 Art. L. 110-1 et L. 222-3-1 C. envir. ; art. L. 510-1 et L. 514-5 C. rur. ; art. L. 101-2 C. urb. ; art. L. 112-1
C. forest.
2 Art. L. 4433-7 CGCT ; art. L. 1 C. rur. ; art. L. 222-1 et L. 229-26 C. envir. ; art. L. 123-2-1 et L. 133-2-1
C. minier. 3 Art. L. 225-102-1 C. com. 4 Art. L. 110 C. urb. 5 Art. L. 1111-1 C. transp. 6 Art. L. 100-1 C. énergie. 7 Art. L. 111-1 et L. 111-2, 3° C. rur. 8 Art. L. 1 C. forest. 9 Art. L. 110-1 C. envir.
10 V. Le site du ministère de la transition écologique et solidaire : créé par une loi du 19 février 2001 et
rattaché depuis 2008 à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), au sein du ministère en charge de l’Environnement, l’ONERC coordonne la politique nationale d’adaptation au changement climatique. Il cherche à évaluer les impacts du réchauffement climatique et des phénomènes climatiques extrêmes en France métropole et outre-mer. Il remet chaque année un rapport au Premier ministre et au Parlement. V. not le récent rapport remis au Premier ministre et au Parlement en décembre 2018 sur « Les évènements météorologiques extrêmes dans un contexte de changement climatique », Doc. fr., 2019 (le rapport est également disponible sur le site www.ecologique-solidaire.gouv.fr). L’ONERC a rendu deux rapports importants en 2008 et 2009, le premier avait pour objet la caractérisation qualitative des impacts du changement climatique par secteur et le second, l’évaluation quantifiée du coût des impacts du changement climatique et des mesures d’adaptation associées : v. la synthèse réalisée par l’ONERC, « Changement climatique – Coûts des impacts et pistes d’adaptation », Doc. fr., sept. 2009, 198 p., consultable sur le site https://www.ladocumentationfrancaise.fr.
11 Mis en place par le Président de la République et le Premier ministre le 27 novembre 2018 et institué par
le décret n° 2019-439 du 14 mai 2019, le Haut Conseil pour le Climat est une instance d’expertise indépendante. Il a remis son premier rapport sur la neutralité carbone en 2050 le 25 juin 2019.
136
anthropique : les auteurs qui s’expriment au sujet du changement climatique l’évoquent
comme un phénomène avéré
1alors que ce n’était pas nécessairement le cas il y a
quelques années encore
2. Ainsi, la croyance selon laquelle un changement climatique est
en train de se produire et qu’il est imputable à l’homme est aujourd’hui bien ancrée au
sein de la population française
3. La marge d’incertitude scientifique résiduelle, très
réduite dans le dernier rapport du GIEC
4, a peu à peu disparu en droit. Cette croyance, qui
s’est progressivement muée en certitude au plan juridique, en a entraîné d’autres qui, cette
fois, sont relatives aux effets du changement climatique.
127. Les croyances relatives aux effets du changement climatique. De nombreuses
études scientifiques s’attachent à évaluer les conséquences que le changement climatique
a sur les climats terrestres et les espèces vivantes. Le GIEC estime dans son dernier
rapport que « les changements climatiques récents ont eu de larges répercussions sur les
systèmes humains et naturels (…). L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, la
couverture de neige et de glace a diminué, et le niveau des mers s’est élevé »
5. Le rapport
affirme en outre pour la première fois qu’il existe un lien entre le changement climatique
et certains phénomènes météorologiques anormaux observés depuis une soixantaine
d’années, en particulier la multiplication des épisodes de fortes précipitations
6. Mais le
rapport exprime aussi de nombreuses incertitudes sur les manifestations météorologiques
1 V. par ex. M. HAUTEREAU-BOUTONNET, « Quel "droit climatique" », art. préc., p. 2260 : « au-delà d’un
certain niveau (d’émission de gaz à effet de serre), des changements climatiques aux conséquences catastrophiques pour l’homme et la nature peuvent en découler. "Peuvent" et non plus "pourraient", car c’est de quasi certitude scientifique que l’on parle ici si l’on se réfère au cinquième rapport du GIEC ». V. déjà, M. TORRE-SCHAUB, « La gouvernance du climat : vieilles notions pour nouveaux enjeux », in Droit et Climat, Cahiers Droit, Sciences et Technologies, éd. CNRS, 2009, p. 143 à 164, v. spéc. p. 143 : « Le réchauffement du climat est réel ».
2 On pouvait encore récemment lire certains juristes qui exprimaient leur doute sur la réalité du changement
climatique. V. par ex. : H. DE GAUDEMAR, « Les quotas d’emission de gaz à effet de serre », RFDA 2009, p. 25 : « alors qu’il n’y a aucune certitude de la part des scientifiques sur les incidences qui peuvent en résulter pour l’environnement, il est devenu de bonne politique de tout faire pour lutter contre le radoucissement de la température terrestre ». Ces voix semblent s’être éteintes aujourd’hui.
3 Les sondages sont révélateurs de l’opinion publique : l’IFOP a réalisé plusieurs sondages pour l’ONG