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Évolution morphodynamique à court-terme Dans ce chapitre, l’évolution morphodynamique de la plage d’Omaha beach est étudiée à une

I. 5.2.2.1 Traitement numérique

La composante cross-shore des courants orbitaux est calculée sur les séries temporelles à 2 Hz pendant les bursts de 9 minutes. Les séries brutes sont corrigées de la tendance d’évolution sur la durée du burst par un ajustement polynomial d’ordre 2. Un filtre fréquentiel est ensuite appliqué pour séparer les fluctuations relevant des vagues incidentes (0,05 et 0,33 Hz) et des ondes infragravitaires (0,005 et 0,05 Hz). Puis, une analyse statistique du type « vague par vague » est réalisée sur les signaux afin de déterminer les vitesses maximales onshore et offshore pour chaque phase de vague (crête ou creux). Enfin, les valeurs moyennes du tiers supérieur des vitesses onshore Uon et offshore

Uoff sont calculées pour les deux bandes de fréquences.

L’indice d’asymétrie A des vitesses orbitales est calculé suivant l’équation suivante :

off on on

U

U U

A

+

=

Eq. III. 4

Cet indice permet de quantifier la dissymétrie des vitesses des courants orbitaux, particulièrement importante pour déterminer les taux de transport par charriage au niveau des fonds. L’asymétrie des vagues est utilisée notamment dans certains modèles de transports sédimentaires

I.5.2.2.2 Résultats

Les résultats sont reportés sur la figure III.16, en parallèle de l’évolution altimétrique locale du plan d’eau h et de la hauteur de la houle Hs. Le calcul de la hauteur relative de la houle montre que dans les conditions d’enregistrement, Hs/h est inférieur à 0,4. Ceci implique selon Kroon (1994) que

les conditions d’agitation mesurées correspondent au passage de houles non déferlantes au niveau du point de mesure (shoaling wave zone).

Dans de telles conditions, le coefficient d’asymétrie A reste proche de 0,5 pendant le cycle de mesure. Ce résultat indique un équilibre entre les mouvements onshore et offshore au niveau des fonds et illustre la faible influence des courants orbitaux, hors déferlement, sur les transports sédimentaires sur la barre 3 où a été immergé le traceur.

0.0 0.2 0.4 0.6 b) Hs (m ) 0 1 2 3 a) h ( m ) 0.0 0.2 0.4 c) Hs / h 0 20 40 60 d) Uon (c m .s -1 ) 27/05/99 16:000.3 27/05/99 20:00 27/05/99 24:00 0.4 0.5 0.6 0.7 e) A

Figure III. 16 - Paramètres hydrodynamiques mesurés sur le flanc marin de la barre 3 – point H2 - heure de la pleine mer : 19:31 TU.

a) hauteur d’eau locale h ; b) hauteur significative de la houle Hs ; c) hauteur relative de la houle Hs/h ; d) vitesses des courants orbitaux onshore Uon ; e ) rapport d’asymétrie des courants orbitaux

I.5.3 Discussion

A l’échelle de temps du cycle tidal et dans des conditions de faible agitation, l’expérience de traceur fluorescent montre clairement un transport sédimentaire onshore au niveau des flancs marins des barres intertidales de mi-estran. Cette approche intégrée donne de bonnes indications concernant la direction du transport mais la quantification effectuée doit être envisagée avec précaution en raison notamment des hypothèses posées pour le calcul et des erreurs inhérentes au comptage visuel du traceur.

Le taux de transport calculé sur les flancs des barres 3 et 4 en conditions de faible agitation est de l’ordre de 0,09 m3.marée-1.m-1. La similitude des taux moyennés sur la marée s’explique par la différence de temps d’immersion entre les deux points d’injection alors que le transport instantané est supérieur sur la première barre. Ce temps est de l’ordre de 40% de la durée de la marée pour l’injection sur la barre 4 et de 55% celle sur la barre 3, situées plus bas sur le profil.

I.5.3.1 Comparaison des taux de transport sédimentaire avec les données

bibliographiques

Des quantifications du transport sédimentaire sur les plages macrotidales à barres ont été déjà réalisées par traçage fluorescent, en France à Merlimont (Levoy et al., 1998), et en Belgique sur la plage de Niewpoort (Voulgaris et al., 1998). Les taux de transport obtenus pendant ces expériences sont comparables avec ceux calculés à Omaha beach (0,09 m3.marée-1.m-1).

Levoy et al. (1998) calculent des taux de transport variant entre 0,028 et 0,22 m3.marée-1.m-1, pour des conditions d’énergie assez contrastées et des points d’injection situés sur la basse plage de Merlimont. Dans le cas de faibles agitations (Hs < 1 m), les taux de transport calculés varient de 0,028 à 0,113 m3.marée-1.m-1, entre la bordure d’une bâche et le revers d’une barre. La direction du transport est différente entre ces deux points. Dans la bâche, il y a un équilibre entre les composantes

cross-shore et longshore de l’advection du traceur, en relation avec la dynamique sédimentaire longshore générée par les courants tidaux canalisés par la morphologie. Sur le revers de la barre, la

direction du transport solide est clairement onshore. Lors du passage d’une tempête (Hs = 2 m sur la basse plage), les transports sédimentaires mesurés sur la crête de la barre sont largement supérieurs à ceux calculés par beau temps (0,22 m3.marée-1.m-1) dans un contexte morphologique cependant différent. La direction du transport présente quant à elle une composante longshore particulièrement développée (1,7 × composante cross-shore), qui contribue à la mobilité de la barre parallèlement au trait de côte, observée à l’échelle des deux semaines de mesures.

Sur la plage de Niewpoort, Voulgaris et al. (1998) calculent des taux de transport sédimentaire variant de 0,027 à 0,13 m3.marée-1.m-1, pour des conditions d’agitation similaires et des localisations des injections comparables sur un profil qui présente deux barres sur sa partie moyenne et une barre de

swash sur sa partie haute. L’analyse des directions de transport montre qu’en fonction de la

localisation de l’injection (bâche ou flanc des barres), le transport par les vagues est généralement

onshore et la composante longshore, due à la dispersion des sédiments par les courants de marée, est

I.5.3.2 Relation hydrodynamique – transport sédimentaire

Dans cette expérience, la migration onshore du traceur sur la barre 3 (point B) ne correspond pas aux mesures hydrodynamiques effectuées à proximité, à environ 50 cm des fonds. Des conditions de shoaling (Hs/h < 0,4) sont enregistrées pendant la totalité du cycle tidal. Dans ces hauteurs d’eau,

les vitesses orbitales des vagues sont incompétentes pour transporter du sable vers le haut de plage par charriage. De plus, les faibles courants longshore dominent les courants moyens cross-shore limitant ainsi un transport vers le haut de plage des sédiments remis en suspension par les vagues.

L’ensemble des remarques ci-dessus conduit à envisager que les transports sableux onshore observés sur le flanc de la barre 3 sont le résultat du balayage de l’estran par les processus hydrosédimentaires dans les faibles tranches d’eau qui intègrent les processus de swash, mais aussi ceux de déferlement. En effet, en raison de la faible hauteur des houles, il y a une transition quasi-directe entre la zone des brisants et la zone de swash. Il est cependant impossible de déterminer, à la lumière des résultats présentés, la contribution relative des processus de swash et déferlement, à marée montante et descendante, sur le transport total observé, qui résulte de la totalité des processus se produisant au point d’injection au cours de la marée.

Concernant la barre 4, il n’y a pas de mesure hydrodynamique disponible au niveau du point A. Afin d’apprécier qualitativement la différence d’agitation entre les points A et B, une analyse de la propagation de la houle du large vers la côte a été réalisée à l’aide des données hydrodynamiques. Grâce à la disposition des capteurs sur l’estran, il est possible d’établir la variation de la hauteur des vagues entre le courantomètre S4H2 et l’ADM, situés de part et d’autre du point A.

Un filtrat des données recueillies sur H4, H3, H2 et ADM a été réalisé afin de ne retenir que les séquences d’acquisition synchronisées dans des conditions d’agitation similaires à celles de l’expérience de traçage (Hs ≈ 0,2 – 0,4 m) et proches de la pleine mer. Pour chaque séquence, la propagation de la houle en fonction de la hauteur d’eau est représentée sur la Figure III. 17a. La houle subit une décroissance de sa hauteur de l’ordre maximal de 30% entre H4 et l’ADM. Entre H2 et l’ADM, il se produit une décroissance générale de la houle. Un ajustement linéaire de la hauteur de la houle (Hs) par rapport à la hauteur d’eau h (Figure III. 17b) montre une décroissance quasiment linéaire entre les deux appareils à marée haute. La validité de la relation statistique est faible (r = 0,71). Cependant, elle est suffisante pour apprécier qualitativement la hauteur de la houle au point A, à marée haute, le jour du traçage. A pleine mer, le point A est recouvert a priori d’une hauteur d’eau h d’environ 1,3 m, ce qui d’après la relation précédente, correspondrait à une houle de Hs = 0,25 m.

Dans ces conditions, la hauteur relative de la houle Hs/h, à marée haute au point A, est aux

alentours de 0,20. Cela signifie qu’à marée haute, le point A est également soumis aux processus de shoaling (Hs/h < 0,4). Par analogie avec le point B, les transports solides au point A sont alors

principalement attribués aux processus de swash et de déferlement dans les faibles hauteurs d’eau lors du balayage de l’estran par la marée montante et descendante.

Au point A, le taux de transport instantané est supérieur à celui du point B, alors que les taux intégrés sur la marée sont similaires, en raison des différences de temps d’immersion entre A et B, respectivement 41% et 55% de la durée de la marée. Ceci traduit une intensification des processus de

swash et de déferlement du bas vers le haut de plage qui est à mettre en relation avec différents

facteurs morphologiques (pente, granulométrie, forme plutôt concave du profil), mais aussi avec l’intensification de la hauteur de la houle à marée haute, communément observée sur les plages macrotidales (Wright et al., 1982 ; Masselink & Hegge, 1995 ; Levoy et al., 2001).

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 H2 ADM Hs = 0.072 h + 0.162 r = 0.71 hauteur d'eau (m) 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 b) a) 20/05/99 01:00 20/05/99 13:30 21/05/99 13:30 26/05/99 19:00 27/05/99 07:00 Hs (m ) hauteur d'eau (m)

Figure III. 17 - Propagation de la houle sur la zone intertidale.

a) propagation de la houle (Hs) sur la zone intertidale ; b) relation entre la hauteur d’eau h et Hs entre l’ADM et H2

Les précédentes expérimentations de Levoy et al. (1998) et Voulgaris et al. (1998) ont également montré un décalage entre les enregistrements hydrodynamiques et le transport sédimentaire résiduel. Ces auteurs ont également accordé un rôle prépondérant aux processus de swash sur les transports solides intertidaux. Voulgaris et al. (1998) notent la non concordance des résultats de modélisation numérique du transport sédimentaire avec la mesure par traçage dans la mesure où ces simulations sont basées sur des mesures hydrodynamiques qui n’intègrent les processus de swash et de déferlement.

Les processus hydrodynamiques dans les très faibles tranches d’eau apparaissent comme les principaux moteurs des transports sableux onshore à l’échelle d’une barre et leur quantification apparaît indispensable pour comprendre l’accrétion des barres. La mesure précise des écoulements hydrodynamiques et du transport sédimentaire dans les faibles hauteurs d’eau est ainsi nécessaire sur l’ensemble de l’estran à la manière des études portant exclusivement sur la zone de swash (Hughes et

al., 1997 ; Butt & Russell, 1999, 2000). De plus, la mesure à haute fréquence de l’évolution

morphologique à l’aide de piquets (Sallenger & Richmond, 1984 ; Kroon, 1994 ; Degryse-Kulkarni, à paraître) associée doit permettre de quantifier les effets du swash sur le flanc marin des barres lors de leur construction et de leur accrétion.

I.5.3.3 Relation transport sédimentaire – évolution topographique

A l’échelle de la campagne, une légère migration de la crête des barres vers le haut de plage est observée. Les barres acquièrent en parallèle un profil dissymétrique en raison, de l’accrétion de leur crête, de l’érosion de la bâche associée, et du développement morphologique de leur talus. Le taux d’accrétion du talus varie entre 0,05 et 0,1 m3.marée.m-1 selon la barre et le profil considéré.

A l’échelle de la barre et du cycle tidal, une expérimentation de traceur fluorescent a montré un transport sédimentaire onshore au niveau du revers des barres. Le taux de transport calculé est de l’ordre de 0,09 m3.marée.m-1 pour des conditions d’agitation très faible (Hs < 0,4 m). Compte tenu de la climatologie de la houle pendant la campagne, cette valeur est probablement proche d’un taux de transport minimum.

Ces deux approches (mesures topographiques et traceur fluorescent), à des échelles de temps différentes, donnent des résultats similaires aussi bien pour la direction des mouvements sédimentaires que pour la quantification des volumes transportés et déposés. Il semble donc que la totalité des sédiments érodés sur le revers de la barre se dépose au niveau du talus.

I.6 Évolution morphologique en conditions d’accrétion : conclusions

L’ensemble des résultats acquis lors de la campagne Omaha 99 apporte des éléments de compréhension de la morphodynamique des barres sableuses d’une plage macrotidale dans des conditions de faible agitation (Hs < 1 m). La démarche adoptée tente de relier l’évolution morphodynamique de la plage à l’échelle de la campagne à une quantification des transports sédimentaires à l’origine des changements topographiques. Les résultats ont permis de préciser les points suivants :

• Concernant la dynamique des barres :

La mobilité des barres observée est conforme aux précédentes études concernant la migration des barres intertidales d’une plage macrotidale lors d’une période de faible agitation (Levoy et al., 1998 ; Voulgaris et al., 1998 ; Kroon & Masselink, 2002). Les barres migrent vers le haut de plage à une faible vitesse (< 1 m.marée-1) avec accrétion des talus et érosion des revers marins.

Cette étude montre une relation entre la vitesse de migration des barres et leur position sur le profil, les plus mobiles étant situées sur la partie supérieure de la plage. Cette disparité traduit des temps d’ajustement morphodynamique décroissants du bas vers le haut de plage. De plus, les variations morphologiques observées résultent principalement de réajustements légers qui impliquent une migration des crêtes et une relative stabilité du corps des barres. Cette évolution est discontinue sur une période de 15 jours. Le suivi topographique quotidien met en évidence l’existence d’une mise à l’équilibre très rapide des barres dans les premiers jours de la campagne en réponse à une perturbation de la plage lors de la tempête quelques jours avant. Une fois l’équilibre atteint, le profil de plage « oscille » autour pendant le reste des mesures, une légère réactivation étant cependant observée en fin de campagne pour la barre supérieure.

De plus, l’évolution morphologique est homogène latéralement sur la partie de la plage étudiée, de 200 m de large, où les barres sont bien construites. Ce système n’est déstabilisé que par les chenaux qui perturbent par endroits les transports sédimentaires onshore. Cette dynamique de chenal peut être considérée comme un facteur limitant de l’accrétion des barres localement en conditions de faible énergie.

L’intégration des échelles spatio-temporelles de l’étude permet de mettre en évidence un schéma de circulation sédimentaire générant la dynamique morphologique observée à l’échelle d’une barre.

Pendant que le revers de la barre est sous l’action de la zone de swash et de déferlement, les sables sont transportés par charriage vers la crête de la barre. Il y a alors une redistribution des masses sédimentaires érodées du revers vers la crête.

Une fois la crête inondée, ils basculent sur le talus et contribuent à son accrétion. Une partie de ces sédiments peut être reprise par les courants tidaux canalisés dans les bâches. Ces écoulements longitudinaux, parfois violents en fin de cycle tidal, modèlent le talus de la barre et peuvent être considérés comme des facteurs de stabilisation de la morphologie (Sipka & Anthony, 1999).

Les processus actifs pendant les passages de la zone de déferlement et de celle des brisants, consécutifs à l’augmentation de la hauteur d’eau, restent à l’heure actuelle indéterminés. Dans ces zones, les interactions houle-courant dominées par les courants tidaux longshore excluent un transport résiduel onshore.

Dans la zone de shoaling, quand la hauteur relative de la houle Hs/h est inférieure à 0,3, les

courants orbitaux sont incapables de transporter les sédiments vers le haut de plage, en raison de leur caractère symétrique. Par manque de mesures, il reste des incertitudes sur leur capacité quand Hs/h est

proche de 0,4 peu avant le déferlement.

L’ensemble de ces remarques montre qu’en conditions de faible énergie, l’évolution morphologique semble principalement due aux processus de swash et de déferlement dont l’action est directement fonction de la pente initiale et de l’intensité de d’agitation. Les processus purement hydrodynamiques (undertow, asymétrie des courants orbitaux et courants tidaux) ont un effet a posteriori moindres sur l’évolution des barres.

• Concernant les processus de formation des barres :

A l’issue de la campagne, les incertitudes concernant les processus de formation des barres sur les estrans macrotidaux ne sont pas levées. En effet, les barres étudiées étaient construites dès le début de la campagne et elles ne subissent que des réajustements morphologiques par les processus de swash et de déferlement. La formation de la barre de swash est contemporaine de marées de morte-eau, d’agitation faible et d’une augmentation de l’énergie infragravitaire. Cependant, les interactions complexes de l’ensemble de ces processus en plus des caractéristiques sédimentologiques (granulométrie, perméabilité) ne permettent pas de déterminer leur contribution respective. Une transposition du modèle de formation de cette barre de haute plage aux morphologies du type ridges

and runnels de la partie moyenne et inférieure de l’estran, s’avère impossible en raison de leurs

positions sur le profil exposées à un enchaînement de processus hydrodynamiques : swash, déferlement, brisants, vagues non déferlantes, et courants tidaux.

II ÉVOLUTION MORPHODYNAMIQUE EN CONDITIONS