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CHAPITRE 1 La cysticercose porcine :

6 Le traitement chez l’homme

Le traitement de la neurocysticercose est multimodal. Le schéma thérapeutique comporte un traitement symptomatique par anticonvulsivants et antalgiques et un traitement étiologique par antiparasitaire, auquel on adjoint le plus souvent une corticothérapie pour pallier les effets indésirables du traitement antiparasitaire (Nash, 2003). Dans certains cas, la chirurgie est nécessaire. L’utilisation d’antiparasitaires dans le traitement de neurocysticercose est controversée. Les facteurs qui conditionnent le traitement sont la localisation anatomique des kystes, leur stade d’évolution, leur nombre, leur taille, le degré de l’inflammation associée et la sévérité des symptômes. La présence de plusieurs kystes dans différentes localisations et à des stades différents complique la prise en charge. En général, la chirurgie est indiquée quand le kyste entraine une compression du cerveau et des nerfs crâniens, une pseudo-tumeur réfractaire au traitement médical, une hydrocéphalie, une cysticercose intra-ventriculaire, une hypertension intra-crânienne, une forme intra-médullaire et oculaire. On l’utilise pour réaliser l’exérèse du kyste ou la mise en place d’un shunt en cas d’hydrocéphalie.

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6.1 Traitement antiparasitaire

Les kystes en impasse parasitaire dans le cerveau peuvent dégénérer spontanément ce qui sous-tend la controverse quant à l’utilisation d’un traitement antiparasitaire (Abba et al., 2010). Celui-ci peut en effet induire des effets secondaires dû à la réponse inflammatoire de l’hôte lors de la dégradation du kyste. L’utilisation des anti-inflammatoires est destinée à éviter le risque de symptômes neurologiques (crises convulsives) pouvant apparaitre durant le traitement.

Actuellement, faute de données suffisantes, il n’existe pas de consensus sur les posologies et la durée d’utilisation des médicaments (Mahanty & Garcia, 2010). Un consensus national est en cours de publication aux USA. Plusieurs études ont pu montrer que les antiparasitaires accéléraient la destruction du cysticerque et la disparition des lésions, mais parfois aussi leur calcification. Cette évolution sous traitement fait partie des critères diagnostic de la neurocysticercose (Del Brutto et al., 2001). La neuro-imagerie est important pour suivre l’évolution de la maladie en confirmant la disparition ou non des lésions intra-cérébrales après traitement. Le plus souvent, durant la dégradation du kyste (avec ou sans anti-parasitaire), le rehaussement de contraste diminue alors que des lésions calcifiées peuvent apparaitre.

Deux molécules sont aujourd’hui utilisées dans le traitement de la neurocysticercose : le praziquantel et l’albendazole qui présentent une bonne tolérance et un faible coût (en zone tropicale) (García et al., 2003). Le traitement étiologique n’est jamais une urgence thérapeutique. L’activité antihelminthique du praziquantel (Biltricide) s’observe contre de nombreuses espèces de cestodes et de trématodes (schistosomes, certaines douves hépatobiliaires, pulmonaires et intestinales). L’efficacité du praziquantel se manifeste surtout sur les parasites adultes. Il inhibe la motilité et le fonctionnement des ventouses du scolex des cestodes. Son mode d’action n’est pas complètement élucidé mais il semblerait qu’il augmente la perméabilité des membranes cellulaires des parasites pour les ions calcium. Il ferait ainsi pénétrer le calcium dans les téguments et les muscles de la larve, entraînant une contraction quasiment instantanée de la musculature du parasite, voire une véritable paralysie et une rapide vacuolisation du tégument qui mène à la dislocation du ver. Ses effets indésirables sont rares ; ce sont essentiellement des troubles intestinaux. La posologie habituelle pour le traitement de la neurocysticercose est de 50 mg/kg par jour en deux prises pendant 15 jours (Sotelo et al., 1990). Un traitement d’une journée est également possible : trois doses de 25 mg/kg à deux heures d’intervalle (Corona et al., 1996). Au-delà d’une dose de 10 mg/kg par jour, le praziquantel peut augmenter l’inflammation autour du kyste, déclenchant une symptomatologie neurologique.

L’albendazole (Zentel, Eskazol) est un dérivé des benzimidazoles actif sur les oxyures, ascaris, ankylostomes, trichocéphales, un peu moins sur les anguillules (60 à 70 % de guérison), également efficace sur les trichines, sur la plupart des larves de nématodes et sur les larves de quelques cestodes dont Echinococcus sp. C’est un parasitostatique, agissant en inhibant sélectivement la polymérisation des tubulines du parasite et leur incorporation dans les microtubules, ce qui bloque de manière irréversible l’absorption du glucose par les parasites et entraîne leur mort. Par ailleurs, l’albendazole n’interagit pas avec les anticonvulsivants, contrairement au praziquantel qui diminue leur taux sanguin (Bittencourt et al., 1992). L’albendazole présente peu d’effets indésirables ; il s’agit de troubles gastro-intestinaux, rarement une hépatotoxicité et exceptionnellement une toxicité hématologique. Initialement, la posologie dans le traitement de la neurocysticercose était de 15

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mg/kg jour pendant quatre semaines puis a été réduite à 15 jours et, actuellement, il semblerait qu’une durée de sept jours soit suffisante (Garcia et al., 1997, Sotelo et al., 1990). La majorité des essais montre une plus grande régression des cysticerques avec l’albendazole, comparativement au praziquantel (Cruz et al., 1991, Matthaiou et al., 2008, Rajshekhar, 2008, Sotelo et al., 1988, Thussu

et al., 2008). De plus, il bénéficierait également d’une meilleure diffusion au niveau cérébral (Jung et al., 1990). Il est souvent préféré au praziquantel. Enfin, une nouvelle formulation du flubendazole

à diffusion tissulaire devrait pouvoir être bientôt utilisée.

Quel que soit l’agent antiparasitaire utilisé, il peut entraîner une exacerbation de la symptomatologie neurologique, due à l’inflammation secondaire à la lyse parasitaire. Le traitement doit donc être instauré en milieu hospitalier. Il est contre-indiqué dans la cysticercose oculaire, dans les encéphalites et en cas de charge parasitaire élevée (> 100 kystes), à cause du risque d’exacerbation de l’inflammation et d’œdème cérébral (Del Brutto & Sotelo, 1988). Les patients ne présentant que des calcifications ne requièrent pas de traitement antiparasitaire (le parasite est déjà mort) (García

et al., 2002, Riley & White Jr, 2003, Nash et al., 2006). Un débat existe sur l’efficacité et les effets

indésirables des antihelminthiques (Del Brutto et al., 2006, Mazumdar et al., 2007, Singh & Sander, 2004) : est-il préférable de tuer la larve avec des agents antihelminthiques en prévenant les symptômes aigus, ou est-il préférable de ne traiter que de manière symptomatique, sans employer d’antihelminthique ? Un traitement antiépileptique seul peut garantir au patient une qualité de vie et un confort durables. Les détracteurs du traitement antihelminthique affirment que l’efficacité de ce traitement n’est que le reflet de l’évolution naturelle de la maladie, et que même non traitées, les lésions disparaissent spontanément ou se calcifient (Kramer et al., 1989, Mitchell & Crawford, 1988). À l’inverse, d’autres études montrent que le contrôle des épilepsies est meilleur après traitement antihelminthique (Garcia et al., 2004). La conférence de consensus concernant le traitement de la neurocysticercose recommande une approche individualisée (Nash et al., 2006). 6.2 Corticothérapie

Une des complications majeures du traitement antiparasitaire est la survenue d’une réaction inflammatoire locale sévère. L’exacerbation des signes neurologiques survient entre le second et le cinquième jour de traitement. Le traitement antiparasitaire s’accompagne donc d’une courte corticothérapie (Fleury et al., 2008) instaurée généralement deux jours avant le début du traitement et poursuivie quelques jours après. Certaines localisations sont plus à risques : sous-arachnoïdienne, intraventriculaire, spinale ou lorsque le patient présente de multiples lésions. L’inflammation peut conduire à un infarctus cérébral, une hydrocéphalie aiguë, une hypertension intracrânienne ou encore à un œdème massif. On utilise la dexaméthasone (0,2 à 0,5 mg/kg par jour), ou la prednisone (1 mg/kg par jour). Il est à noter que les stéroïdes diminuent les concentrations plasmatiques du praziquantel mais pas de l’albendazole (Vazquez et al., 1987). Chez les patients atteints d’une encéphalite ou d’un œdème cérébral sévère, les corticoïdes peuvent être utilisés en association avec un diurétique osmotique comme le mannitol à la dose de 2 g/kg par jour.

6.3 Traitement antiépileptique

Les crises d’épilepsie de la neurocysticercose répondent bien à la monothérapie par carbamazépine, valproate de sodium ou phénytoïne. Cependant, même après un traitement curatif, les larves calcifiées restent épileptogènes et le traitement anticonvulsivant doit être poursuivi jusqu’à deux

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ans après la dernière crise épileptique (Baranwal et al., 2001). À l’inverse, un patient n’ayant jamais fait de crise ne doit pas recevoir de thérapie antiépileptique en prophylaxie.

6.4 Chirurgie

La neurocysticercose extraparenchymateuse est souvent associée à une hypertension intracrânienne, une hydrocéphalie ou une méningite chronique, de pronostic réservé. La priorité thérapeutique est la prise en charge de l’hypertension intracrânienne et la chirurgie est alors nécessaire, notamment pour les formes intraventriculaires et sous-arachnoïdiennes. Les indications de la chirurgie sont donc très limitées. Les kystes du IVe ventricule induisent fréquemment une hydrocéphalie et doivent être dérivés en urgence soit par shunt ventriculo-péritonéal, soit par shunt ventriculo-atrial. Les techniques actuelles favorisent les procédures non invasives comme la résection neuroendoscopique des kystes intraventriculaires. Ces derniers, lorsqu’ils sont accessibles, peuvent être extirpés chirurgicalement en condition stéréotaxique. Les résultats sont très bons, et la morbidité est beaucoup moins importante (Rangel-Castilla et al., 2009).

6.5 Suivi du traitement

L’efficacité du traitement est évaluée par l’examen radiologique (TDM ou IRM), réalisé à trois ou six mois après traitement pour suivre la régression des lésions. La réponse au traitement est très variable d’une forme à l’autre et d’un individu à l’autre. Aucun protocole thérapeutique optimal n’a encore été établi. Le suivi prolongé des patients montre des récidives des crises notamment en cas de multiples lésions malgré les schémas thérapeutiques classiques par albendazole ou praziquantel (cures de 15 jours). En cas de récidive, des cures séquentielles prolongées d’albendazole et de praziquantel sont nécessaires compte tenu d’une sensibilité différente de chaque kyste à chacun des médicaments, pour un même patient (García et al., 2002).