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3. Discussion des résultats

3.2 Le traitement de la douleur

3.2.1. L’intensité de la douleur vue par les sages-femmes

Nous pouvons sans conteste affirmer qu’une conséquence de cette vision « positive » de la douleur des contractions permet sa plus grande tolérance en salle de naissance de manière générale. Les sages-femmes reconnaissent que la douleur est sous-estimée en salle de naissance. L’évènement joyeux qui en découle justifierait la « non-gravité » de cette douleur. En effet celle-ci se distingue par le fait qu’elle ne fait pas suite à une lésion tissulaire, mais qu’elle est due à un évènement

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naturel, sans atteinte proprement dite. Aussi intense soit-elle, elle est vue comme non dramatique, d’autant plus qu’elle est transitoire.

Annick V reconnait qu’en maternité la femme n’est pas prise en considération, une douleur ainsi minimisée peut augmenter un sentiment d’incompréhension ressenti par la patiente. Alors que, comme le souligne Myriam C, prendre en considération leur douleur, c’est déjà la soulager, « c’est le plus efficace ! »

Cette plus grande tolérance est justifiée par le fait que l’on ne disposerait pas d’antalgiques efficaces en début de travail, qui ne causerait pas d’effets négatifs sur l’entrée en travail. Il faut respecter l’obstétrique, parfois on est obligé de patienter.

(Xavier V.) En effet, la pose de la péridurale est possible lorsqu’un certain degré de

dilatation cervicale est atteint, et l’administration d’antalgiques forts, tels que les morphiniques, est freinée en début de travail, puisque sont craints les effets secondaires sur le fœtus.

Toutefois une étude parue dans le New England Journal of medicine a comparé l’administration intra-thécale de morphinique par une technique de rachianalgésie-péridurale combinée dès la première demande de soulagement avec l’utilisation de morphiniques systémiques. Cette étude ne montre d’une part, pas d’augmentation significative du taux de césariennes, et d’autre part, permet des effets secondaires moindres chez la femme (moins de nausées, sédation), et chez le nouveau-né (score d’Apgar à 1minute plus élevé que lors de l’utilisation de morphiniques par voie systémique). Cependant, cette étude n’a pas eu une grande répercussion. [30]

Une étude menée par C. Le Ray, parue en 2008 dans le journal Birth, a repris les données de l’enquête nationale périnatale de 2003 sur le pourcentage d’accouchements sans péridurale, et mis en évidence toutes les raisons pour lesquelles les femmes n’en ont pas bénéficié. Elle montre alors que 0,5% des 2720 femmes de l’étude qui ont accouché sans péridurale en 2003 n’ont pas pu en bénéficier du fait des réticences de l’équipe obstétricale [34]. (En dehors de toute contre-indication, et d’une indisponibilité de l’anesthésiste éventuelle). Ce chiffre n’est guère élevé, mais nous pourrions nous demander pourquoi cela existe encore. Myriam C. le soulignent : il y a encore des réticences de la part des professionnels de santé à l’encontre de l’analgésie péridurale, bien que celles-ci aient considérablement diminué.

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Ensuite, nous pouvons remarquer que coter la douleur au moyen d’une échelle numérique (type Evaluation Visuelle Analogique, E.V.A.) n’est pas une habitude prise en maternité. Une seule des sages-femmes utilise cette échelle. Coter la douleur permet, pour les soignants, d’objectiver ce que ressentent les patientes, et donc d’empêcher toute interprétation, notamment pour diagnostiquer une femme en travail. En effet, les sages-femmes reconnaissent une certaine subjectivité dans le ressenti de la douleur : chaque patiente à un seuil de douleur qui lui est propre.

Françoise B. utilise d’une part le ressenti visuel, « j’observe son visage, la

manière dont elle bouge », mais évalue aussi la douleur, ainsi elle reconnait que

parfois elle peut être surprise par certaines patientes qui n’expriment rien, mais dont la douleur est importante. Evaluer son intensité permet de lui proposer des moyens analgésiants adéquat, qu’ils soient pharmaceutiques ou non.

3.2.2. L’accès à l’analgésie péridurale

Françoise B, travaille dans une structure où l’anesthésiste est d’astreinte la nuit, et également le dimanche. En effet dans les petites structures de moins de 1500 accouchements par an, la présence d’un anesthésiste réanimateur sur place n’est pas obligatoire, rendant l’accès à une analgésie péridurale plus difficile (Article

D6124-44 du Code de Santé Publique) [31]. Traiter la douleur pour une femme qui

souhaite bénéficier d’une péridurale ne semble pas une priorité.

Le fait que l’accès à l’analgésie péridurale n’est pas vue comme indispensable lors d’un accouchement eutocique, nous laisse supposer que le poids d’une certaine tradition serait toujours présent en maternité. Le soulagement de la douleur serait secondaire. En obstétrique, ce manque de considération de la souffrance des patientes pour qui accoucher sans péridurale n’est pas un choix, montre que la douleur n’est pas autant condamnée que dans les autres spécialités médicales de manière générale [24].

Le fait de ne pas pouvoir bénéficier d’une analgésie péridurale dans de plus petites structures donne un caractère intolérable à la douleur, difficilement supportable.

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3.2.3. Pourquoi aujourd’hui accoucher sans péridurale ?

Certaines femmes prônent un retour au « naturel ». En effet elles contestent une « surmédicalisation » de la naissance, et reprochent aux praticiens de transformer la grossesse et l’accouchement en une maladie. Même si dans l’ensemble, les patientes sont satisfaites du suivi médical durant leur grossesse, selon le sondage réalisé en 2010 par l’institut IPSOS sur le vécu de la grossesse par les femmes, 17% d’entre elles pensent que ce suivi était trop médicalisé et contraignant [32]. Cependant, les patientes qui accouchent réellement par choix sans péridurale sont relativement peu nombreuses. L’enquête nationale périnatale de 2003 met en évidence que la moitié des patientes n’ayant pas bénéficié d’analgésie péridurale avait eu un travail trop rapide pouvant permettre une pose, de ce fait l’absence d’analgésie n’est pas un choix premier [33].

L’enquête de Le Ray et al. montre que seulement un tiers de ces femmes n’avaient pas eu de péridurale par choix [34].

Nous avons donc interrogés les sages-femmes sur leur ressenti vis-à-vis du choix d’accoucher sans analgésie. Mis à part un respect de la volonté des patientes, les avis divergent sur le sens de leur choix : Si certains en font un constat, sans volonté de jugement (« je n’ai pas de sens à donner à ça… »Xavier V), d’autres l’accueillent très positivement (C’est son choix, c’est très bien Myriam C), tandis que certains se retrouvent dans l’incompréhension (Je rate un truc Virginie J). Toutes mettent en œuvre des moyens pour soulager les patientes en leur proposant autant que possible des méthodes alternatives (respiration, massage, hypnose, ballon…)

Au-delà d’une tendance que certains pourraient considérer comme masochiste, accoucher sans péridurale paraitrait tout aussi aberrant que tout autre exploit sportif. (« Elle veut essayer…eh bien pourquoi pas ! » Francine C-D)

Tandis que pour certaines sages-femmes qui sont mères, la question ne se posait pas, une péridurale était voulue dès le départ, pour d’autres il était important de vivre un accouchement sans péridurale, ou du moins repousser son utilisation le plus tard possible. Les motivations retrouvées ressemblent à celles des patientes : être capable de gérer. D’autres sont d’ordre « professionnelles »: elles voulaient

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comprendre ce que ressentent leur patientes, et par la suite elles ont trouvé leur accompagnement plus adéquat.

3.3. Accompagnement d’une femme sans analgésie

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