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Chapitre 1 : La cellulose et les composés du bois

9. Purification et blanchiment des pâtes pour la fabrication de pâte à dissoudre

9.1. Traitement d’extraction des hémicelluloses

9.1.1. La pré-hydrolyse

La pré-hydrolyse en milieu acide a pour but d’extraire les hémicelluloses du bois par hydrolyse acide des hémicelluloses. Les hémicelluloses dépolymérisées par hydrolyse sont solubilisées sous forme d’oligomères et de monomères. Il existe deux types de pré-hydrolyse : l’auto-pré-hydrolyse où le seul réactif introduit est de l’eau (mais où de l’acide acétique est formé in situ par coupure des groupements acétyles des hémicelluloses) et l’hydrolyse acide où un acide dilué (0,3-0,5% H2SO4) est ajouté à l’eau pour catalyser l’extraction des hémicelluloses [1].

Conditions de la pré-hydrolyse :

Les pré-hydrolyses sont généralement menées à des températures comprises entre 150 à 190°C pendant 1 à 2h ou à des températures plus élevées comprises entre 200 et 230°C pendant une durée de quelques minutes [80],[85]. Pour quantifier l’intensité, un facteur d’intensité d’hydrolyse appelé facteur P a été introduit. Il prend en compte la durée et la température de la pré-hydrolyse ainsi que l’énergie d’activation nécessaire à l’hydrolyse des hémicelluloses [1]. Le dernier paramètre important qui caractérise la pré-hydrolyse est le ratio liqueur sur bois. Ce paramètre a peu d’influence sur la quantité d’hémicelluloses extraites du bois mais a un impact majeur sur la concentration finale de l’hydrolysat en hémicelluloses dissoutes et sur la quantité d’hydrolysat que l’on peut extraire du bois. En effet, avec un ratio liqueur sur bois élevé, la concentration en oligomères et monomères sera faible mais la quantité d’hydrolysat récupérable sera importante. A l’opposé, un faible ratio liqueur/bois engendre un hydrolysat concentré mais une faible quantité d’hydrolysat sera récupérable du fait qu’une plus grande proportion de l’hydrolysat restera « enfermée » dans les copeaux de bois [86],[87]. Aujourd’hui, cet hydrolysat n’est pas récupéré mais à l’avenir sa récupération nécessitera la recherche d’un optimum.

71 Mécanisme d’extraction des hémicelluloses :

La première étape d’hydrolyse dans l’eau pure est la formation d’ions oxonium H3O+ par auto-ionisation de l’eau. Ces ions permettent la rupture des liaisons entre les groupes acétyles et les hémicelluloses. Il se forme alors de l’acide acétique qui diminue le pH de la solution d’hydrolyse. L’acide acétique catalyse la réaction d’hydrolyse des liaisons glycosidiques entre les unités des chaines d’hémicelluloses qui se retrouvent sous forme d’oligomères et monomères dans la solution d’hydrolyse. Avec une intensité du traitement croissante (augmentation du temps, de la température et diminution du pH), il se forme davantage de monomères mais aussi de produits de dégradation tels que le furfural issu de la dégradation des pentoses (xylose, arabinose) ou le 5-Hydroxymethylfurfural (5-HMF) issu de la dégradation des hexoses (glucose, mannose, galactose). La Figure 38 montre l’effet d’une préhydrolyse des hémicelluloses sur la composition du bois. La Figure 39 donne un exemple de composition d’un hydrolysat d’autohydolyse. Les conditions de la préhydrolyse de cet exemple sont 170°C et 1 heure de réaction.

Figure 38. Composition de bois de résineux pré-hydrolysé (en g pour 100 g de bois initial) [88]

72 Figure 39. Concentrations en saccharides et proportions monomère/oligomère mesurées dans un hydrolysat après l’autohydrolyse [88]

Valorisation de l’hydrolysat :

Actuellement, industriellement, les hydrolysats résultant de la pré-hydrolyse ne sont pas extraits des copeaux avant cuisson et ne sont donc pas valorisés. Une simple étape de neutralisation par la liqueur blanche/noire est effectuée avant la cuisson kraft [89]. Donc la pré-hydrolyse n’est pas à proprement parler une étape d’extraction des hémicelluloses mais une étape de dégradation et de solubilisation des hémicelluloses. La principale raison de la non-récupération des produits issus de l’hydrolyse des hémicelluloses est qu’il n’existait pas de valorisation de ces produits de suffisamment haute valeur ajoutée pour justifier l’extraction et la purification des hydrolysats ainsi que la séparation des produits à valoriser. Les pré-hydrolyses sont aujourd’hui effectuées par ajout de vapeur, ce qui se traduit un ratio hydrolysat/bois faible. Il faut alors ajouter une grande quantité d’eau pour extraire l’hydrolysat qui sera au final peu concentré en produits extraits des hémicelluloses. Remplacer de la vapeur par de l’eau liquide est une solution couteuse du fait de la dépense énergétique pour atteindre la température de pré-hydrolyse [89].

De très nombreuses études ont été entreprises ces dernières années pour trouver des valorisations intéressantes pour les composés présents dans l’hydrolysat. En théorie, une

73 grande variété de produits peuvent être obtenus, comme le montre la Figure 40 à titre d’illustration.

Figure 40. Utilisation potentielle des produits issus des hémicelluloses après pré-hydrolyse [90]

Impact sur les autres composés du bois :

La pré-hydrolyse du bois provoque également des modifications sur les autres composants du bois, la lignine et la cellulose. La cellulose plus ordonnée que les hémicelluloses est moins impactée par la pré-hydrolyse. Cependant, une hydrolyse acide des liaisons des chaines de cellulose se déroule. Elle entraine une chute du degré de polymérisation ainsi que la création de nouveaux groupes réducteurs en fin de chaine, sensibles au peeling durant la cuisson kraft [91].

La lignine est également affectée. Une rupture des liaisons de type benzyl éther entrainant une légère dépolymérisation de la lignine est observée. A l’opposé, des réactions de condensation sont aussi constatées [91],[92],[94].

74 Influence sur la cuisson kraft :

La pré-hydrolyse est effectuée avant la cuisson kraft. Elle affecte la cuisson kraft qui lui succède. Plusieurs effets ont été remarqués :

- La pré-hydrolyse facilite la cuisson. En effet, pour des conditions de cuisson identiques les pâtes produites ont un taux de lignine plus faible et une blancheur plus élevée.

- Le blanchiment est également facilité [95]. En particulier, le blanchiment à l’oxygène est particulièrement efficace.

- Une forte diminution du DP des pâtes après le procédé PHK est observée par rapport à celui d’une pâte kraft classique. [75].

- Le rendement de la cuisson est plus bas après le procédé PHK en raison de la plus forte dégradation de la cellulose et aussi évidemment à un taux d’hémicellulose plus bas que dans les pâtes non pré-hydrolysées.

9.1.2. L’extraction alcaline à froid (Cold Caustic Extraction CCE)

Dans le cadre de la production de pâte à dissoudre pour acétate de cellulose, un faible taux d’hémicellulose associé à un DP élevé en comparaison des pâtes pour viscose est requis. Ainsi, quelques usines utilisent en fait deux étapes d’extraction des hémicellulose : la pré-hydrolyse avant la cuisson kraft puis une CCE après cuisson. Mécanisme

La CCE est réalisée par l’action d’une solution d’hydroxyde de sodium NaOH concentrée sur la pâte, à température ambiante et à moyenne consistance (Tableau 11). Environ 1 à 2 tonnes de soude sont nécessaires pour traiter 1 tonne de pâte. L’extraction alcaline à froid d’une pâte fait appel à des modifications physiques des fibres de cellulose au contraire de l’extraction alcaline à chaud (HCE) qui sera vue ensuite et qui fait intervenir des mécanismes de dégradations chimiques [1].

75 Tableau 11.Ordre de grandeur des paramètres d'une extraction alcaline à froid Concentration solution de soude (%) Consistance de la pâte (%) Temps de réaction (min) Température (°C) 5-12 5-10 10-60 25-45

La CCE peut se décrire comme la succession de trois étapes : la pénétration du solvant provoquant un gonflement des fibres cellulosiques; la dissolution des composés solubles; et finalement la diffusion des éléments dissous en dehors de la structure fibreuse [96]. Ainsi, en présence d’hydroxyde de sodium, la cellulose subit un phénomène de gonflement. Ce gonflement de la structure de la cellulose facilite la solubilisation des hémicelluloses. Le gonflement de la cellulose augmente en fonction de la concentration en soude jusqu’à un maximum. Ainsi, la concentration d’hydroxyde de sodium permettant un gonflement maximum de la cellulose correspond à la concentration optimale de solubilisation des hémicelluloses. Cette concentration est, à 20°C, d’environ 10 à 12% pour une consistance de la pâte de 10% [1][69][97][98].

La température a une influence sur le gonflement de la cellulose et donc sur la solubilisation des hémicelluloses. Plusieurs études montrent qu’une augmentation de température pour une même charge de NaOH diminue le gonflement de la cellulose et donc réduit la quantité d’hémicelluloses extraites. Ceci, comme déjà mentionné, est dû à la diminution de la taille du cation sodium hydraté avec la température. Une température comprise entre 20°C et 40°C assure une bonne extraction des hémicelluloses.[1][69]

Une différence de solubilité entre les types d’hémicellulose a été mise en évidence. Il apparait que les xylanes sont plus facilement solubilisés que les glucomannanes lors de la CCE [99] [100] [101]. Deux raisons sont avancées pour expliquer ce comportement : la moins bonne accessibilité des glucommannes dans la structure hémicellulose-cellulose

76 qui complique leurs retrait [96] et la présence de groupes carboxyles sur les groupements acides 4-O-methyl-glucuronique des xylanes qui améliore leur solubilité (Schild and Sixta, 2011). L’ajout de de tétra-borate de sodium dans la solution d’hydroxyde de sodium permet une augmentation de l’extraction des glucommannes. En effet, la formation d’un complexe entre les groupes hydroxyle en configuration cis des mannoses (localisés en C2 et C3) et l’anion borate permet une augmentation de la solubilité des glucomannanes [101][99].

D’autres bases telles que l’hydroxyde de potassium KOH, ou de lithium LiOH ont été testées expérimentalement en remplacement de l’hydroxyde de sodium.[102] [103] [104]. Le pouvoir d’extraction de KOH, NaOH et LiOH s’avère le même pour les xylanes alors que NaOH et LiOH ont un potentiel d’extraction supérieur au KOH pour les glucomannanes [102][105].

Impact de la CCE sur la structure de la cellulose

Le mécanisme de la CCE étant basé sur des phénomènes de modifications physiques des fibres cellulosiques, la morphologie et la structure supramoléculaire des fibres de cellulose sont impactées par ce traitement. A partir d’une concentration en soude supérieur à 6%, la cellulose est partiellement transformée en alcali-cellulose I qui, après neutralisation, est convertie en cellulose II. Cette conversion de la cellulose I en cellulose II réduit la réactivité de la cellulose après séchage et par conséquent la qualité de la pâte à dissoudre [106][107]. La conversion de cellulose I en cellulose II peut être réduite par augmentation de la température. La cellulose n’est pas ou très peu dépolymérisée au cours d’une CCE. Ainsi, le rendement d’extraction est particulièrement élevé. C’est le principal avantage de la CCE.

Composition de l’effluent d’une CCE

La composition de l’effluent d’une CCE dépend du type de pâte traité. Ainsi, les effluents issus de la CCE de pâte de feuillus sont composés uniquement de xylanes et de cellulose de faible poids moléculaire alors que ceux issus de résineux contiennent également des galactoglucomannanes.

77 Cependant, ces composés sont solubilisés dans la solution concentrée de soude. Des étapes de séparation de type ultrafiltration sont donc nécessaires pour les récupérer en vue de leur valorisation[108].

9.1.3. Extraction alcaline à chaud :

L’objectif du traitement alcalin à chaud est d’éliminer les hémicelluloses de faibles poids moléculaires restantes après la cuisson bisulfite. Ce procédé de purification n’est généralement pas appliqué suite à une cuisson kraft ou PHK puisque les mécanismes de réaction utilisée lors de la HCE sont semblables à ceux d’une cuisson alcaline. Cependant, le traitement est moins sévère (température réduite) qu’une cuisson kraft afin de limiter l’hydrolyse alcaline des chaînes de cellulose. Ainsi, seules les réactions de peeling interviennent, permettant de dissoudre les hydrates de carbone de faibles poids moléculaire sans trop altérer le degré de polymérisation de la cellulose (baisse du DP de 50 au maximum). Cette étape de purification doit être placée avant tout traitement oxydant qui serait susceptible de protéger les hydrates de carbone du peeling par oxydation des extrémités réductrices des chaines et donc de diminuer l’efficacité du traitement alcalin à chaud[1] [44].

Influence de la concentration en soude

Le niveau de pureté en cellulose atteint un plateau à des concentrations en soude approchant les 100 kg par tonne de pâte. Des quantités de soude supérieures n’entraînent pas de gain de R18 et provoquent au contraire une diminution du rendement. L’extraction alcaline à chaud permet également de délignifier légèrement la pâte puisqu’une diminution de l’indice kappa de 1 à 2 unités est généralement observée.

Influence de la température

Une température minimale de 100°C est nécessaire pour activer la réaction de peeling et donc purifier la pâte. Cependant, la température ne doit pas excéder 140°C afin d’éviter les réactions d’hydrolyse alcaline.

78 Rendement

Le rendement diminue de façon importante au cours du traitement. Il est observé que le gain d’un point de R18 autour de 95% correspond à une perte de rendement de 3% de masse par rapport à la pâte initiale [1]. Cette perte est associée aux réactions de peeling qui entrainent la dissolution des chaines de faible poids moléculaire. Ainsi, après une HCE, le degré de polymérisation moyen augmente.

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