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Suivant les traitements thermiques et acido-basiques subis par la plaque de fer, le pH de surface et le niveau d'hydratation varient. De telles modifications peuvent avoir une répercussion notable sur l'orientation que prennent les molécules de cristal liquide nématique en contact avec cette surface. Il est intéressant de déterminer, dans un premier temps, comment les oxydes hydratés de surface influent sur l'ancrage des molécules de cristal liquide. Après prétraitement, les plaques sont trempées dans des solutions aqueuses à pH =1 ,

pH=7 et pH =13 , puis rapidement rincées à l'eau distillée (1-2 min) et séchées à l'air.

Les traitements acide et basique se font en trempant la plaque de fer respectivement dans une solution d'acide chlorhydrique et de soude. Des réactions de type acide-base se produisent avec les hydroxydes et les oxyhydroxydes de surface pour donner respectivement des cations (par exemple : FeOH2

) et des anions (par exemple : FeO

) ([Yamabe 1996], [Tamura 2001], [Bandara 2001]). Ces réactions sont représentées sur le schéma ci-dessous (Figure 38) :

Après chacun des traitements décrits, la texture, observée au microscope optique en polarisation croisée de la lumière, des gouttelettes de cristal liquide déposées sur la surface, correspond à une orientation perpendiculaire du directeur nématique par rapport au plan de la surface de fer c'est-à-dire à un ancrage homéotrope (Figure 39A).

La figure 39B montre clairement qu'aucune évolution n'est observée sur les plaques chauffées à 110°C pendant 1h. Cette température correspond à la température typique à laquelle une perte partielle de l'eau adsorbée est généralement observée. Si les échantillons sont chauffés au dessus de 250°C (Figure 39C), l'eau constitutive des hydroxydes et des oxyhydroxydes s'évapore, ceux-ci se transformant en des oxydes cristallisés −Fe2 O3 ou

−Fe2 O3, et dans tous les cas de pH, un ancrage planaire est observé.

Quelles conclusions pouvons nous alors tirer ? Pour un cristal liquide polaire, il est connu que l'ancrage homéotrope peut être influencé par les charges de surface, par la double couche électrique dans le cas d'une surface hydratée et par la force des interactions entre les molécules de cristal liquide nématique et la surface. Le problème qui se pose ici n'est donc pas trivial. Nous pouvons toutefois déjà noter que la variation des propriétés de la double couche par addition de composés acide ou basique ou encore par diminution du nombre de molécules d'eau adsorbées (110°C) n'a pas de répercussion sur la nature de l'ancrage observé.

R. Shah et N. Abbott [Shah 2001] ont montré que le champ électrique créé par une double couche électrique de surface permet d'orienter les molécules de cristaux liquides nématiques. A pH =1 et pH =13 , la surface est chargée et l'hydratation permet une orientation grâce au champ électrique induit par la double couche de Stern. L'influence de la double couche électrique sur l'orientation d'un cristal liquide est prédit par le signe de l'anisotropie diélectrique du cristal liquide. Le cristal liquide E7 est un mélange eutectique de

Figure 39 : Caractérisation de l'ancrage à différents pH et traitements , : - ° , : ° , : ° thermiques A 25 60 C B 110 C C 250 C NEUTRE (pH 7 ) BASIQUE (pH 13) A : 25-60° C B : 110° C C : 250° C ACIDE (pH 1) TRAITEMENTS NEUTRE (pH 7 ) BASIQUE (pH 13) A : 25-60° C B : 110° C C : 250° C ACIDE (pH 1) TRAITEMENTS

4 composés polaires dont les dipôles moléculaires sont orientés le long de l'axe longitudinal des molécules. Ainsi, la phase nématique du cristal liquide E7 ayant une anisotropie diélectrique positive ( Δε0 ), l'orientation se fera parallèlement au champ électrique. L'effet de la double couche électrique sera donc d'orienter le nématique E7 de façon homéotrope à la surface. Ceci est tout à fait en accord avec nos résultats expérimentaux.

E7 étant un cristal liquide polaire, la première couche en contact avec une surface sera influencée par la polarité de la surface. Des charges existent toujours sur les surfaces métalliques. Ces charges dépendent de la composition de l'oxyde et sont dues à la rupture du réseau métallique. En présence d'air ou d'eau, une surface d'hydroxyle est créée. Les points iso-électriques étant à pH ≈7 pour FeOOH et pour Fe2O3 [Jolivet 1994], à la suite d'un

traitement à pH acide ( pH =1 ), l'extrême surface sera chargée positivement alors qu'après un traitement à pH basique ( pH =13 ), elle sera chargée négativement. A pH neutre, l'extrême surface porte également des charges mais elle contient à la fois des sites positifs et négatifs. Aucune différence d'ancrage n'a été observée en fonction de la nature des charges portées par l'extrême surface, ceci nous laisse supposer que les interactions polaires, favorisant dans ce cas un ancrage homéotrope, ont une influence plus importante que les interactions de van der Waals entre les chaînes des nématogènes et la surface, qui favorisent elles un ancrage planaire.

Les études en IRRAS (InfraRed Reflection-Absorption Spectroscopy) et en diffraction de rayons X sous incidence rasante dont les résultats ont été présentés au II.3.c p. 45, ont permis de montrer que la couche probablement amorphe d'oxyhydroxyde formée à l'extrême surface se transforme, en chauffant l'échantillon au dessus de 250°C, en une couche cristalline. Notons que d'après la littérature, de l'oxyhydroxyde se forme facilement sur des couches d'hématite. Dans ce cas, comme on le voit sur la figure 39, la texture des gouttelettes de cristal liquide nématique déposées sur la surface révèle que l'ancrage est planaire. Ainsi, dans ce cas, les interactions de van der Waals entre les molécules de cristal liquide nématique et la surface semblent être suffisamment fortes pour induire un ancrage planaire. L'ancrage est davantage relié à la forme cristalline qu'à la charge et à l'hydratation. En effet, même après avoir de nouveau hydraté la surface en plongeant la plaque dans l'eau et en la séchant rapidement, l'ancrage planaire est conservé.

L'ancrage homéotrope obtenu avant chauffage à 250°C pourrait être un résultat intéressant si l'oxyde naissant était stable. Malheureusement ce n'est pas le cas. En effet, la composition de la couche d'oxydes hydratés, d'hydroxydes et d'oxyhydroxydes qui recouvre la surface du fer dépend de l'histoire de l'échantillon, c'est-à-dire de l'atmosphère, des solvants, du pH des solutions auxquels l'échantillon est exposés, au temps d'exposition ... Ces oxydes de surface peuvent être dans un état cristallin ou amorphe et sont susceptibles d'évoluer avec le temps. De plus, plusieurs types d'oxydes pouvant chacun posséder différentes structures cristallines ( FeOH x, FeOOH , Fe2O3 ...) peuvent coexister sur la surface ([Guillamet

l'ancrage. Ainsi, en raison de la complexité des phases de surface pouvant évoluer et coexister, il est sans doute plus judicieux, pour obtenir un ancrage clair, stable et reproductible, d'effectuer des traitements en utilisant des molécules organiques.

Cependant, il sera intéressant d'utiliser la réactivité des groupes (-OH) natifs vis à vis de nombreuses molécules fonctionnelles capables de former avec l'hydroxyde métallique des liaisons hydrogène, ionique ou encore des liaisons sigma. Ces interactions nous permettrons sans aucun doute d'obtenir de nouvelles propriétés de surface.