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CHAPITRE 1 : FORMATION ET PERFORMANCE

1.3 Relation entre la formation des ressources humaines et la performance

1.3.1 Traditions académiques de recherche

La littérature scientifique relatant l’utilisation d’une mesure objective de la performance organisationnelle se développe via deux traditions académiques de recherche sur la relation entre la formation des ressources humaines et la performance organisationnelle : celle de la gestion des ressources humaines et celle de l’économie du travail (Hansson, 2007). Dans le premier cas, les effets de la formation sont étudiés au niveau de l’organisation alors que dans le second cas, les effets de la formation sont davantage étudiés au niveau des individus.

La tradition académique de la gestion des ressources humaines se concentre sur les effets de la formation au niveau organisationnel (Hansson, 2007). Dans cette perspective, la formation est une pratique des ressources humaines parmi plusieurs pouvant affecter la performance organisationnelle. Cette approche postule qu’en augmentant les habilités et les aptitudes pertinentes aux tâches des employés, cela influencera la performance organisationnelle (Harel et Tzafrir, 1999). Ainsi, les employés qui possèdent de meilleures connaissances par rapport à leur travail vont prendre de meilleures décisions face à leur travail (Miller et Monge, 1986). Ils manifesteront des niveaux de performance plus élevés puisqu’ils se sentent en contrôle (c.-à-d. autonomes) face à leur travail (Wood et Bandura, 1989). L’efficacité personnelle est reliée à la productivité (Conger et Kanungo, 1988).

La tradition académique de l’économie du travail se concentre sur les facteurs qui justifient l’investissement dans la formation des ressources humaines (Hansson, 2007). De plus en plus d’entreprises se tournent aujourd’hui vers leurs ressources humaines pour développer un avantage compétitif durable (St-Onge et al., 2009). En fait, les activités à travers lesquelles il y a une augmentation des ressources chez les individus constituent des investissements dans le capital humain (Becker, 1964). En premier lieu, il existe différentes formes d’investissement dans le capital humain (Becker, 1964). Par exemple, l’éducation, la formation en milieu de travail sont différentes formes d’investissement dans le capital humain (Becker, 1964). Ces formes d’investissements diffèrent selon leurs effets sur les revenus ainsi que sur le retour sur l’investissement. En effet, tous ces types d’investissement vont améliorer les aptitudes et les connaissances et, par conséquent, elles ont généralement comme effet d’augmenter les revenus monétaires (Becker, 1964).

Selon la théorie du capital humain, les aptitudes et les connaissances développées par les employés à travers le processus de la formation vont amener ces derniers à être plus productifs (Becker, 1975). La formation peut varier au sein de l’entreprise. En effet, il peut y avoir la formation générale ou celle spécifique. La formation générale est le type de formation qui est transférable et qui peut donc être utile à d’autres entreprises que celle qui l’offre à ses employés (Becker, 1975). Ainsi, ce type de formation peut augmenter la productivité d’autres entreprises puisque les employés qui reçoivent la formation générale peuvent utiliser leurs aptitudes ailleurs que chez l’entreprise qui les a formés (Becker, 1975). Selon la théorie du capital humain, les employeurs vont être moins portés à investir dans la formation générale. Cela s’expliquerait par le fait que les employés formés peuvent quitter l’entreprise avant que les employeurs puissent récupérer l’investissement fait dans la formation (Becker, 1975). La formation spécifique est le type de formation qui est spécifique à l’entreprise qui l’offre. Selon la théorie du capital humain, c’est d’abord ce type de formation que les employeurs vont offrir à leurs employés car elle ne se transfère pas aisément à d’autres milieux de travail (Becker, 1975).

Cependant, que ça soit la formation spécifique ou générale qui est offerte aux employés, cela implique des coûts pour l’employeur. Parmi les coûts que la formation entraîne, il y a les coûts reliés au temps et aux efforts alloués à la formation, les coûts reliés aux formateurs ainsi que les coûts reliés aux matériels et aux équipements utilisés pendant le processus de formation (Becker, 1975). Ces coûts représentent un investissement dans le capital humain dont la valeur est perdue lorsque les employés quittent l’entreprise. Ce sont surtout les coûts reliés aux remplacements faits par les employeurs lorsque les employés quittent (Becker, 1975). Bref, la théorie du capital humain postule un effet positif de la formation sur la performance organisationnelle mais un taux de roulement élevé va atténuer, voire faire disparaître, cet effet positif.

Les premiers efforts visant à étudier la relation entre la formation des ressources humaines et la performance organisationnelle ont comme source les travaux de Likert (1967). À l’époque, cet auteur avait proposé une liste de déterminants de la performance organisationnelle dont faisait partie la formation. Plus tard, les données empiriques sur la performance organisationnelle étant limitées, certains auteurs l’ont mesuré indirectement via la masse salariale (Lillard et Tan, 1986). Ces auteurs postulaient qu’une augmentation de la masse salariale impliquait une augmentation de la performance organisationnelle. Ils ont ainsi observé une association positive entre la formation et la performance organisationnelle. Utilisant cette même méthode ou par le biais d’une mesure subjective, Barron, Black et Lowenstein (1987, 1989) ont obtenu les mêmes résultats.

Les travaux de Likert (1967), de Russell et al. (1985), de Lillard et Tan (1986), de Barron, Black et Lowenstein (1987, 1989), de Holzer et al., (1993), de Bartel (1994), de Black et Lynch (1995, 1996) ainsi que de Delaney et Huselid (1996) sont des ouvrages de référence dans l’étude de la relation entre la formation et la performance organisationnelle. Au cours des dernières années, d’autres auteurs se sont appuyé sur les résultats de ces pionniers afin d’accroître les connaissances scientifiques dans la relation entre la formation des ressources humaines et la performance organisationnelle. Sur l’ensemble des études, certaines se situent dans le

cadre théorique de la gestion des ressources humaines alors que d’autres se situent dans le cadre théorique du capital humain. Ainsi, l’étude de Russell et al. (1985), de Delaney et Huselid (1996), d’Arcimoles (1997), celle de Harel et Tzafrir (1999) et d’Aragon-Sanchez et al. (2003), s’inscrivent dans le cadre théorique de la gestion des ressources humaines. Pour les autres études, comme celle de Holzer et al. (1993), de Bartel (1994), de Black et Lynch (1995, 1996), de Ballot et al. (2001), de Barrett et O’Connell (2001), de Zwick (2006) et de Hansson (2007), elles s’inscrivent toutes dans le cadre théorique du capital humain (économie du travail).

Pour situer notre étude par rapport aux deux traditions, il faut mentionner que nous allons étudier exclusivement les contributions empiriques réalisées au niveau d’analyse organisationnelle (ou de l’établissement). Par conséquent, nous étudions les effets de la formation des ressources humaines sur la performance organisationnelle au niveau de l'organisation (domaine de la gestion des ressources humaines) en utilisant la théorie du capital humain (domaine de l'économie du travail). Précisons également que seulement les études qui ont mesuré soit l’intensité ou l’incidence de la formation ont fait l’objet de notre recension. Par conséquent, les études sur les dimensions plus qualitatives de la formation, tels les objectifs de la formation ou la méthode d’évaluation de la formation (Arthur, Bennett, Edens et Bell, 2003; Ubeda Garcia, 2005) ou sur les politiques ou pratiques de formation (Guerrero et Barraud- Didier, 2004) ou sur le degré de formalisation des pratiques de formation (Ngo, Turban, Lau et Liu, 1998) n’ont pas été retenues. Nous souhaitions davantage traiter de l’effort ou de l’investissement de l’employeur en matière de formation; la question étant de savoir s’il est rentable d’investir en formation.