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Toxicocinétique materno-fœtale du bisphénol A durant le dernier tiers de la

CHAPITRE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

B. Toxicocinétique materno-fœtale du bisphénol A durant le dernier tiers de la

De la même façon que chez l’adulte, des études TK fœtales du BPA ont été réalisées in vivo chez la brebis et le singe. Ces études combinées avec des études in vitro de capacités métaboliques fœtales envers le BPA et des études de transfert placentaire réalisées ex vivo sur le placenta humain ont permis d’identifier les mécanismes intervenant dans l’exposition fœtale humaine au BPA.

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1) Passage transplacentaire du BPA

Il a été démontré par des expériences de perfusion réalisées ex vivo sur des placentas humains que le BPA traverse le placenta par diffusion passive de façon très efficace, aussi bien dans le sens fœto-maternel que materno-fœtal (134,135). Le passage transplacentaire du BPAG a également été évalué selon la même méthode et il s’est avéré très limité par rapport à celui du BPA (135).

Des études in vivo réalisées chez le fœtus ovin et le fœtus de singe rhesus ont permis de confirmer le passage très efficace du BPA à travers le placenta au cours du dernier tiers de gestation (92,136). Au cours d’une étude réalisée chez le singe rhésus, l’administration maternelle intraveineuse de BPA sous forme de bolus a révélé un passage quasi-instantané du BPA de la circulation maternelle à la circulation fœtale (136). Une étude basée sur des perfusions intraveineuses maternelles et fœtales de BPA et BPAG a également été réalisée au laboratoire sur le fœtus ovin (92). Cette étude a confirmé le passage efficace du BPA dans les sens materno-fœtal et fœto-maternel et a également permis d’estimer que le fœtus reçoit une dose de BPA biodisponible qui rapportée à son poids, est équivalente à la dose de BPA administrée par voie IV à la mère. Cette étude a également mis en évidence un passage limité voire inexistant du BPAG de la mère au fœtus et un passage limité du BPAG du fœtus à la mère.

Le métabolisme placentaire a également été évalué à partir du modèle du placenta humain

ex vivo et il a été montré que seulement quelques pourcents du BPA traversant le placenta

dans le sens materno-fœtal étaient conjugués par le placenta (134).

L’hypothèse d’une hydrolyse placentaire du BPAG avant d’atteindre le fœtus a également été étudiée. Il a été estimé in vivo chez le rat que 4.4% du BPAG administré du côté maternel sous forme de perfusion dans la veine utérine était retrouvé sous forme non-conjugué dans la circulation fœtale (137). Il a également été démontré ex vivo que les activités de conjugaison et déconjugaison du BPA par le placenta étaient en équilibre chez le mouton (76).

Pour conclure, l’ensemble des études réalisées montre que le placenta joue un rôle passif quant au passage du BPA. Il ne semble ni jouer le rôle de barrière, ni présenter d’activité métabolique importante par rapport au BPA. En revanche, le passage transplacentaire du BPAG est limité.

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2) Métabolisme fœtal du BPA

L’expression de l’UGT2B15, l’enzyme principalement responsable de la glucuronoconjugaison du BPA chez l’Homme, a été mesurée dans le foie de fœtus humain en fin de grossesse à un niveau correspondant à environ 18% de celui mesuré chez l’adulte (138). En cohérence avec ces données humaines, la clairance intrinsèque de glucuronoconjugaison hépatique du BPA estimée chez le fœtus ovin au laboratoire à partir de fractions microsomales s’est révélée deux fois plus faible que celle de l’adulte (76).

Cependant comme discuté précédemment, cela n’implique pas obligatoirement une faible clairance hépatique fœtale de glucuronoconjugaison (chapitre I. IV.A.1).

Il a été constaté chez le rat, le mouton et le singe qu’une administration maternelle IV de BPA en fin de gestation entrainait des concentrations plasmatiques fœtales en BPAG plus élevées que les concentrations maternelles correspondantes, et que ces concentrations fœtales diminuaient très lentement au cours du temps chez le mouton et le singe (92,136,139). L’étude réalisée chez le fœtus ovin a permis de confirmer, via une administration fœtale de BPA, l’origine fœtale du BPAG (92). Elle a également montré la présence de concentrations plasmatiques fœtales en BPA sulfate (BPAS) lors d’une exposition fœtale au BPA, qui présentent un décours temporel similaire à celui du BPAG avec des valeurs environ 10 fois inférieures, démontrant ainsi qu’une partie plus faible du BPA est également sulfoconjugué par le fœtus.

Chez l’Homme, les données obtenues chez les nouveaux nés montrent la présence de BPAG dans les urines dès la naissance, suggérant que le nouveau-né est également capable de glucuronoconjuguer le BPA (140).

L’ensemble de ces données suggère que le métabolisme hépatique du fœtus humain envers le BPA est présent en fin de gestation. Cependant les clairances métaboliques fœtales du BPA sont inconnues.

3) Clairance fœtale du bisphénol A

La diffusion passive importante du BPA à travers le placenta suggère une clairance fœtale élevée et majoritairement placentaire en fin de gestation comme discuté précédemment (chapitre I. IV.A.3).

La clairance fœtale du BPA a été effectivement estimée très majoritairement placentaire chez le mouton avec une valeur de 30 L.h-1 qui est proche de celle du débit sanguin ombilical (92). Le fœtus ovin présente donc une clairance du BPA très majoritairement

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transplacentaire, et qui rapportée à son poids corporel, est environ 4 fois plus élevée que celle de l’adulte (92).

Cependant, bien que la clairance fœtale soit majoritairement placentaire, les capacités de sulfoconjugaison et glucuronoconjugaison du fœtus au cours du dernier tiers de la gestation semblent également intervenir de façon non négligeable dans la disposition fœtale du BPA comme en témoigne l’accumulation de BPAG dans la circulation fœtale.

La clairance fœtale élevée du BPA serait à l’origine de concentrations plasmatiques fœtales globalement plus faibles que celles de l’adulte lors d’expositions maternelles comme cela a été observé chez le mouton, le singe et le rat en fin de gestation (92,136,139), alors que la dose reçue est estimée équivalente.

4) Conclusions

L’ensemble des études réalisées ont permis de révéler un passage transplacentaire très efficace du BPA et limité du BPAG en fin de gestation. Les résultats obtenus chez le fœtus ovin suggèrent que la clairance placentaire fœto-maternelle très élevée du BPA conduit à une dose d’exposition biodisponible équivalente chez le fœtus et sa mère, mais également à des concentrations plasmatiques faibles en BPA chez le fœtus.

Le métabolisme fœtal associé à la clairance placentaire faible du BPAG et sa recirculation via le liquide amniotique expliquent des concentrations plasmatiques fœtales en BPAG beaucoup plus importantes que celles de l’adulte (Figure 12).

Cette surexposition fœtale au BPAG soulève des questions quant aux risques associés au BPAG pour le fœtus. Le rôle des métabolites glucuronoconjugués dans l’effet exercé par un composé s’est parfois avéré important, notamment via une réactivation au sein de tissus sensibles (141). Par ailleurs, la possible réactivation du BPAG piégé dans le compartiment fœtal a été étudiée via l’évaluation ex vivo de la balance conjugaison/hydrolyse du BPA dans les tissus fœtaux et les résultats ont montré que les gonades fœtales étaient capables d’hydrolyser le BPAG, la balance conjugaison/hydrolyse étant en faveur de l’hydrolyse (76). La clairance de conjugaison fœtale du BPA ainsi que les mécanismes impliqués dans la clairance fœtale du BPAG ont été mis en évidence lors d’études réalisées au cours de la thèse (voir chapitre II de la thèse).

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Figure 12. Représentation schématique des échanges materno-fœtaux du BPA et du BPAG

durant le dernier tiers de gestation tels qu’établis avant le début de la thèse.

Les études ont révélé que le fœtus reçoit environ 4.5% de la dose de BPA administrée à la mère, la majeure fraction de la dose de BPA administrée à la mère étant métabolisée et éliminée dans les urines sous la forme de BPAG. La clairance fœtale du BPA est principalement placentaire et limite l’exposition fœtale au BPA en termes de concentrations plasmatiques. Le BPAG produit par les activités métaboliques fœtales s’accumule dans la circulation fœtale lors d’exposition maternelle au BPA en raison d’un défaut de passage transplacentaire.

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