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3. L’activité touristique en milieu patrimonial

3.4. Le tourisme dans la Caraïbe et les « joyaux du patrimoine »

3.4.1. Le tourisme dans la Caraïbe

La Caraïbe fut reconnue internationalement depuis le début des années 1980 suite à l’accroissement de popularité du tourisme vers les destinations soleil dans le monde anglo- saxon (Ashworth et Tunbridge, 1990). Cependant, la commercialisation du tourisme caribéen commença plus tôt, vers le début des années 1960. Ainsi, les destinations où le dollar américain n’était pas utilisé connurent une popularité grandissante lors de la

récession américaine de 1980 (Archer, 1995b, 1995a). Ces îles de l’Atlantique furent envahies par des touristes désireux de s’offrir des vacances au soleil à prix plus abordable, tandis que les destinations plus dispendieuses, comme les Bermudes, connurent un certain déclin. Trois grandes villes caribéennes furent rapidement développées comme des villes touristico-historiques suite à leur « découverte » par le milieu touristique. La Havane, Santo Domingo et Cartagena étaient méconnues du monde avant que les touristes ne développent une affection pour leurs plages. Ces villes furent longtemps laissées à l’abandon et elles ne connurent un accroissement de leur protection historique qu’à la suite de la découverte de leur potentiel touristique (Ashworth et Tunbridge, op. cit.).

La répartition de l’activité touristique dans la Caraïbe est inégale. De grandes villes riches offrant plusieurs attractions côtoient souvent des milieux négligés et pauvres. Les tensions sociales et politiques sont d’autres facteurs qui influencent directement le nombre de touristes. Il suffit de penser à la Colombie ou à Haïti. Dans le premier cas, la capitale Bogota redevient une destination recommandée suite une diminution de la violence. Dans le second, on dénombre à 100 000 le nombre total de touristes l’ayant visité en 2007. Ceci est en lien direct à l’instabilité politique d’Haïti ((Dehoorne, 2007).

Afin de s’approprier une grande part du marché touristique, les grandes îles de la Caraïbe misent sur un tourisme de masse en développant des stations balnéaires à faible coût. Cuba reste l’exemple le plus connu. D’autres îles plus petites, telles les îles Caïmans, optent sur un tourisme de luxe dominé par les Américains. Rien de surprenant puisque les régions urbaines nord-américaines représentent 70% des visiteurs de la Caraïbe (Dehoorne, op. cit.).

De manière générale, les centres urbains des anciennes colonies caribéennes britanniques sont des villes de petites dimensions et de piètre qualité. En effet, elles sont bien souvent des villes à l’économie faible et possédant peu d’infrastructures touristiques et peu d’attractions structurées (Ashworth et Tunbridge, 1990). Trois villes se démarquent pourtant par la qualité des infrastructures et l’utilisation de facteurs culturels et patrimoniaux. Les villes de Nassau aux Bahamas, de Montego Bay en Jamaïque et de

Bridgetown à la Barbade sont les mieux équipées pour soutenir une industrie de tourisme de masse. Toutes ne peuvent cependant prétendre au titre de cité touristico-historique. Seule la ville de Nassau possède, aux yeux des chercheurs, une cité touristico-historique développée. Sa riche tradition commerciale datant du XVIIIe siècle est utilisée comme patrimoine culturel et historique pour courtiser les touristes. Ces idéaux romantiques jumelés aux histoires de pirates et de flibustiers et l’attrait de commerces de luxe hors- taxes attirent les touristes américains, prioritairement courtisés puisqu’ils sont très près géographiquement. De plus, ces villes, lorsqu’elles exploitent un passé historique, mettent l’accent bien souvent sur la période esclavagiste. Ce type de rappel historique peut parfois incommoder les touristes et la population locale, ce qui explique le manque d’intérêt de la population générale (Ashworth et Tunbridge, op. cit.). De plus, l’état des petites villes de ces colonies est parfois très près de conditions que l’on retrouve dans les pays en émergence, ce qui est parfois déstabilisant pour les touristes en quête de luxe paradisiaque. Dans l’optique des cités touristico-historiques, ces villes possèdent un potentiel beaucoup plus grand et plus intéressant pour ceux qui ne recherchent pas le type d’attractions offert par les stations balnéaires. C’est d’ailleurs une des voies explorées par les gouvernements locaux afin de rafraîchir leur image et d’intéresser les touristes à fouler le sol de leur ville. Selon Ashworth et Tunbridge (2000), ceci est envisageable pour plusieurs villes caribéennes britanniques à l’exception peut-être de Kingston en Jamaïque, où le taux de criminalité très élevé décourage les touristes. C’est précisément le manque d’intérêt des touristes recherchant les plages et quelques « diversions historiques » qui rendent possible la réappropriation de ces villes en tant que cités touristico-historiques. L’absence de grandes infrastructures touristiques permet de ramener des emplois dans la ville et ainsi de s’approprier une part de revenus qui autrement se retrouveraient bien souvent dans les poches d’intérêts étrangers qui gèrent les stations balnéaires.

Il ne faut pas oublier que la dynamique des petites villes est parfois différente. Certains sites historiques d’une grande richesse peuvent se trouver en dehors de la ville, mais faire également partie de la cité touristico-historique. Ainsi, des fortifications

environnantes, des villas aristocratiques, d’anciennes plantations et autres vestiges historiques sont inclus dans l’élaboration de la cité. Par ailleurs, les villes ayant des ports desservis par des bateaux de croisière ont avantage à exploiter cette situation. En effet, les passagers n’ont bien souvent que quelques jours pour visiter et sont souvent dans un état d’esprit propice à se concentrer sur les centres touristico-historiques confinés à l’intérieur de la ville, de ses attractions et de ses boutiques (Ashworth et Tunbridge, 1990). Ces villes doivent donc développer leurs attractions touristico-historiques en fonction de l’arrivée par mer des visiteurs. Finalement, ces villes devraient faire partie intégrante des efforts de marketing visant à promouvoir les centres touristiques. Elles ne devraient pas être présentées comme des attractions supplémentaires.

C’est dans ce croisement entre la cité touristique et le statut historique que le tourisme patrimonial et le tourisme culturel sont à leur point culminant. Les réglementations dans ces secteurs permettent une certaine souplesse pour accommoder les installations touristiques sans toutefois mettre en danger le patrimoine de la cité historique. Pour des raisons que nous avons déjà exposées, la cité touristico-historique se distingue des autres cités touristiques possédant des qualités historiques. Les efforts pour protéger le patrimoine urbain sont beaucoup plus prononcés dans la première que dans les secondes. Dans une cité touristique ayant des vestiges patrimoniaux, le traitement de ceux-ci reste souvent anecdotique; les environs immédiats sont bien souvent relégués en second plan d’une attraction majeure et servent de décor. Dans une cité touristico-historique, le tourisme n’est qu’une fonction parmi tant d’autres à l’intérieur d’une cité historique.