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Tomographie de polarisation provoquée

Chapitre 1 : Mise en contexte

1.4 Méthodes géophysiques utilisées dans le cadre du projet en Outaouais

1.4.1 Tomographie de polarisation provoquée

La tomographie de polarisation provoquée a pour objectif de déterminer la distribution spatiale de résistivité et de chargeabilité électrique dans le sous-sol. La résistivité électrique est une mesure de la facilité de déplacement des charges électriques dans le sol alors que la chargeabilité électrique est une mesure de la capacité de rétention des charges électriques du sol. Quoique l’imagerie de résistivité électrique soit une technologie bien établie en environnement, celle de chargeabilité électrique reste au stade expérimental. Une bonne corrélation entre la chargeabilité électrique et la conductivité hydraulique des sols a été établie (Slater, 2007), ce qui rend cette technique prometteuse pour les applications en hydrogéologie. Pour une introduction à la méthode de la polarisation provoquée appliquée à l’environnement, le lecteur est référé à Telford et Sheriff (1990), Ward (1990) et Binley et Kemna (2005).

Chapitre 1. Mise en contexte

11 La distribution spatiale de la résistivité électrique dans le sol permet d’identifier grossièrement les contacts stratigraphiques et il est possible de discriminer les dépôts argileux, les dépôts sableux, la nature du roc et le roc compétent du roc fracturé sur la base des variations de résistivité électrique. De plus, la résistivité électrique d’un milieu géologique est très sensible à la nature du fluide interstitiel et elle permet donc de délimiter le niveau de la nappe phréatique et la présence de contaminants.

La tomographie de polarisation provoquée s’effectue en mesurant la différence de potentiel entre des électrodes enfoncées dans le sol en surface. Cette différence de potentiel est induite par l’injection d’un courant électrique quasi continu entre deux électrodes. Habituellement, le courant électrique injecté dans le sol a la forme d’une onde carrée d’une période de normalement 8 secondes, avec un rapport de cycle de 50 %. La valeur maximale de potentiel électrique mesurée entre les électrodes avant la coupure du courant électrique permet de déterminer la résistivité électrique tandis que la décroissance du potentiel électrique dans le temps en l’absence de courant électrique permet de déterminer la chargeabilité électrique.

Habituellement, les différences de potentiel électrique entre une série d’électrodes sont mesurées pour un même point d’injection de courant. Plusieurs configurations d’électrodes sont utilisées sur le terrain. Les plus communes sont représentées à la figure 1.3. Chaque configuration d’électrode possède un facteur géométrique différent qui relie la résistivité électrique apparente du sol au rapport de la tension au courant selon l’équation suivante :

(1.1)

Chacune des configurations a des avantages et inconvénients. Elles ont des profondeurs d’investigation différentes, des sensibilités différentes et des rapports signal sur bruit différents. Dans ce travail, la configuration du dipôle-dipôle a été choisie pour son bon compromis entre profondeur d’investigation et sensibilité et pour son déploiement facile sur le terrain. En première approximation, sa profondeur d’investigation est de 0,2 fois la longueur de la ligne de dipôles.

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Figure 1.3: Différentes configurations d’électrodes utilisées dans les tomographies de polarisation provoquée et de résistivité électrique. Les points d’injection de courant sont notés par C1 et C2 tandis que les points de mesure de potentiel sont notés par P1 et P2. Figure modifiée de Loke (2000).

La résistivité apparente est la résistivité mesurée pour un milieu homogène. Afin d’obtenir des modèles de résistivité et de chargeabilité électrique vraie du sous-sol à partir des mesures sur le terrain, il est nécessaire de passer par le processus d’inversion des données de résistivité et de chargeabilité électrique apparente. Cette inversion est non-unique; c’est-à-dire que plusieurs modèles conformes aux mesures de potentiel existent. Pour obtenir une solution unique, des contraintes doivent être imposées, telle que la contrainte de lissage. Ces contraintes affectent l’aspect final des modèles et une attention particulière doit leur être apportée. Malgré la complexité mathématique de l’inversion des mesures électriques, des logiciels commerciaux bien établis tel que Res2dinv rendent l’utilisation de la tomographie de polarisation provoquée assez accessible.

Comme plusieurs centaines d’électrodes doivent être plantées et déplacées lors d’un levé, les tomographies électriques sont longues à réaliser. Ceci rend leur utilisation à une échelle régionale improbable, tel que dénoté au tableau 1.1. Un ouvrage complet et pratique sur la tomographie de résistivité électrique a été rédigé par Loke (2000).

Un exemple de résultat d’un levé de polarisation provoquée effectué selon la configuration du dipôle-dipôle avec un espacement des électrodes de 10 m est présenté à la figure 1.4. L’acquisition de ce levé d’une

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13 longueur de 450 m a été effectuée à l’intérieur d’une journée de travail. Des levés à l’échelle kilométrique sont donc possibles, mais ils sont coûteux et longs à réaliser. L’interprétation des modèles de résistivité et de chargeabilité électrique obtenus de ce levé se base sur la stratigraphie connue d’un forage à proximité. Une couche superficielle de résistivité électrique moyenne de l’ordre de 1000 ohm-m (valeur de 3 sur l’échelle logarithmique utilisée à la figure 1.4) est présente jusqu’à environ 4 m de profondeur. Entre 4 et 16 m de profondeur, la résistivité électrique augmente sensiblement à environ 10000 ohm-m (valeur de 4 sur l’échelle logarithmique). La résistivité électrique diminue ensuite jusqu’à une valeur de l’ordre de 200 ohm-m (valeur de 2,3 sur l’échelle logarithmique) à plus de 24 m de profondeur. Selon le forage à proximité de ce site, une couche superficielle de sable de 9 m d’épaisseur recouvre une couche d’argile de 15 m d’épaisseur. Sous cette couche d’argile, une couche de sable a été échantillonnée jusqu’au roc à une profondeur de 42 m. La première couche identifiée sur le modèle de résistivité électrique correspond vraisemblablement à un sable humide. Plus en profondeur, l’augmentation de la résistivité électrique est associée à une diminution du contenu en eau dans le sable. Cependant, sur ce modèle de résistivité électrique, il est impossible de distinguer le contact lithologique entre la couche de sable et la couche d’argile à 9 m de profondeur. Par contre, la diminution marquée de résistivité à plus de 24 m de profondeur est probablement associée au niveau de la nappe phréatique dans la couche profonde de sable. La présence de la couche d’argile est appuyée par des valeurs élevées de chargeabilité électrique entre 8 et 16 m de profondeur. La profondeur d’investigation de cette tomographie de polarisation provoquée est insuffisante pour observer le contact lithologique avec le roc.

Figure 1.4: Exemple de résultats de tomographie de polarisation provoquée: a) modèle de résistivité électrique et b) modèle de chargeabilité électrique.

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Les résultats du levé géophysique présentés à la figure 1.4 montrent à la fois les forces et les faiblesses de la tomographie de polarisation provoquée. Premièrement, les contacts entre les différentes unités stratigraphiques sont parfois difficiles à localiser en raison de l’aspect adouci des contrastes de résistivité et de chargeabilité électrique sur les modèles. De plus, en l’absence d’un contraste marqué de résistivité entre deux unités lithologiques, il est impossible de les distinguer. Un avantage de cette méthode est sa grande sensibilité à la présence de fluide, comme le montre le grand écart entre le sable sec en surface et le sable saturé en profondeur. Cependant, il peut être difficile de séparer les effets du fluide de ceux de la matrice afin d’obtenir une interprétation stratigraphique. Pour ces raisons, les mesures électriques doivent être obligatoirement couplées à d’autres méthodes géophysiques ou à des forages.

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