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III. Sartre et Tolstoï

1. Tolstoï et les lectures de Sartre

Les lectures de Sartre attiraient l’attention de plusieurs critiques littéraires. C’est un des sujets principaux que l’écrivain aborde dans le livre qui relate son enfance – Les Mots. Les années rajoutent quelques traits spécifiques à ces lectures. Un enfant ne lit pas comme un adulte. Et un écrivain porte un regard différent sur les œuvres de ses émules. Ses Carnets de

la drôle de guerre et Ses Lettres au Castor et à quelques autres abondent en informations à

propos de ce sujet. Simone de Beauvoir y consacre plusieurs pages dans ses Entretiens avec

Jean-Paul Sartre. Elle avoue d’avoir été impressionnée par la culture exhaustive de Sartre

quand elle l’a connu. Il avait lu des auteurs que d’habitude on ne lit pas comme Baour Lormian, Népomucène Lemercier.

Comment passer sous silence la déclaration de l’auteur des Mots prononcée une vingtaine d’années avant sa mort :« J’ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres » ?217 Le livre est cette symbiose extraordinaire mettant en valeur l’étroite union entre la lecture et l’écriture. Il est écrit pour être lu. Mais les livres portent également des traces d’influences reconnues ou non reconnues par leurs auteurs provenant de lectures et de relectures. Comme si la lecture précédait l’écriture. Et même si les traces visibles d’une inspiration sont absentes de ces assemblages de feuilles destinés à être lus, parfois, les lectures pénètrent profondément dans la vie de certains écrivains. Sartre a reconnu que la vie des écrivains célèbres l’a beaucoup marqué. Dès l’enfance germait en lui le désir d’une gloire littéraire.

Comment lisait Sartre ? Il a fait lui-même la typologie de ses lectures : celles qui constituaient le matériel essentiel pour ses œuvres littéraires, documents ou livres ayant un rapport avec le sujet qu’il traitait et celles qu’il a appelées désintéressées s’adressant à tout homme cultivé. Bien qu’elle définisse les deux principaux buts de la lecture, notamment sa finalité purement professionnelle et son rôle d’être source de connaissances et de divertissements, il nous semble que cette typologie est un peu schématique. Elle ne rend pas

compte d’un Sartre lisant qui cherche à rivaliser avec l’écriture d’un autre, stimulé par le désir de redécouvrir des modèles.

A plus long terme Sartre change de lectures quand il veut changer de genre. Le 11 novembre 1939, il réclame du Marivaux et du Shakespeare : « voilà que je brûle d’envie de le lire ». Deux jours après, il rédige dans le carnet scène de comédie dialoguée, avec indications scéniques. Le 17, il analyse sa propre « attitude de pitre moral » à l’égard des « acolytes » : « je les entraînais dans une comédie que je me donnais ». Et le 27, il avoue : « je crève d’envie d’écrire une pièce de théâtre ». En 1940, c’est à la poésie qu’il songe. Il a demandé du Verlaine en février et renouvelle sa demande en mai ; entre temps, il a reçu un poème d’Alain Borne, rédige à son tour un poème en plusieurs versions, puis il enrage de n’être pas poète. 218

Cette typologie ne nous fournit non plus des informations sur la découverte de Sartre des modèles que d’autres écrivains ont utilisés à partir de leurs lectures. En lisant il adopte lui-même l’attitude d’un critique littéraire. Est-ce qu’il s’agit d’une lecture professionnelle ou désintéressée quand en lisant La vie littéraire d’A. France, tome IV il retrouve que Proust a probablement utilisé ce modèle pour faire parler Brichot dans Sodome et Gomorrhe en le faisant passer pour un vrai connaisseur de la vie moderne et que même les rapports entre Mme Verdurin et Brichot pourraient être inspirés par ceux de France avec Mme de Caillavet.

Notre intérêt ne porte pas sur l’élaboration d’une typologie exhaustive de Sartre lisant mais d’avoir une idée plus précise sur le rôle des lectures dans la vie et dans l’œuvre de l’écrivain, de saisir l’importance entre ces deux processus étroitement liés de lecture et d’écriture pour mieux comprendre le statut qu’occupait Tolstoï dans toute la panoplie de textes et d’écrivains, ce qui nous aidera à mieux déterminer dans quelle direction nous pouvons orienter notre recherche sur une éventuelle influence, car nous n’avons pas d’informations provenant directement du témoignage de Sartre.

Tolstoï était complètement absent de son enfance. Les Mots – son livre autobiographique – restait sans vocables à propos de l’écrivain russe et son auteur ne lui a réservé pas un seul mot. Pourrait-il être totalement absent de son univers créatif et de sa vie ?

Une première question que nous allons aborder concerne la période pendant laquelle Sartre a fait connaissance avec l’auteur russe. La réponse ressort des Entretiens avec Jean-

Paul Sartre :

S. de B. – Et que représentait pour vous la lecture à partir du moment où vous avez été agrégé ? Je sais que pendant le service militaire, ça représentait surtout une distraction. J. –P. S. – Oui.

S. de B. – Parce que vous vous ennuyiez beaucoup. J. –P. S. – Oui.

S. de B. – Mais il y avait autre chose aussi ?

J. –P. S. – Ça a toujours été le contact avec le monde. Un roman, un livre d’histoire ou de géographie, ça me renseignait sur le monde. Telle chose se passait à tel endroit, ou s’était passée il y a un siècle ou se passerait si j’allais dans tel pays. C’était des renseignements que je prenais sur le monde, et qui me passionnaient.

S. de B. – Je sais que vous avez lu beaucoup de livres étrangers, à partir de l’agrégation. Beaucoup de livres américains : Dos Passos, par exemple.

J. –P. S. – Oui. La littérature américaine m’a passionné. S. de B. – La littérature russe, aussi.

J. –P. S. – Les vieux livres russes : Dostoïevski, Tolstoï, etc. je les lisais depuis longtemps. On me les avait conseillés au lycée. D’ailleurs, je n’aimais pas Tolstoï, en quoi j’ai changé. J’ai aimé Dostoïevski, bien sûr.219

Nous savons qu’il a commencé à lire Tolstoï quand il a été au lycée. Par contre, nous n’avons pas de références exactes sur les oeuvres que Sartre avait lues de l’écrivain russe. Apparemment, comme il l’a souligné lui-même, quand on lui recommandait de lire un auteur ses lectures ne se bornaient pas au strict nécessaire, il lisait tout ce qu’il trouvait de l’auteur et sur lui. Et nous pouvons supposer qu’il connaissait bien l’œuvre du grand romancier russe, car son attitude envers lui a changé par la suite. Au début, il ne manquait pas d’intérêt stimulant ses lectures. L’écrivain français avait soixante-dix ans quand il a fait cette déclaration d’apathie. Mais à quel moment précis situer le changement de sa position nous ne pouvons pas affirmer avec exactitude. Il a aussi changé par rapport à la littérature. Pendant sa jeunesse et jusqu’à 1950, il considérait « un livre comme apportant une vérité ». Ses rapports avec les communistes en 1950-52 et son engagement politique ont fait effacer le côté magique de la littérature. Il a commencé à s’interroger sur le pourquoi on écrivait des romans. Un sentiment de banalisation des grands écrivains a dévalorisé encore plus son enchantement de la littérature. C’est justement à ce tournant dans la vie de Sartre où il remet la littérature en question que nous faisons un rapprochement avec la décision de Tolstoï d’abandonner son activité d’écrivain à cause de son nouvel engagement spirituel. Mais nous allons revenir sur ce point dans un des chapitres suivants. Pour le moment nous allons essayer de définir

219 Simone de Beauvoir, La cérémonie des adieux suivi de Entretiens avec Jean-Paul

l’attitude de Sartre de sympathie et d’apathie par rapport aux écrivains. D’après ses propres révélations, il aimait un auteur quand il se rapprochait de ses idées et de sa sensibilité. Est-ce que les idées de l’écrivain français ont changé au cours de son développement intellectuel ou il s’est adapté aux directives matérialistes de son temps qui ont contribué à une néantisation du divin dans la vie humaine ? Quel était l’impact de cette néantisation sur l’être humain ? S’enfonçait–il de plus en plus dans l’absurdité de la condition humaine en perdant ses repères spirituels ? Pourquoi la sensibilité de Dostoïevski à un moment donné est-elle devenue plus proche de la sienne que celle de Tolstoï ?

Nous partageons partiellement l’avis de Czeslaw Milosz qui situe l’affinité entre Sartre et Dostoïevski dans le contexte de l’athéisme. Il considère Les Frères Karamazov comme un traité sur la suppression de l’autorié de Dieu par l’intelligentsia russe. 220 Non sans raison, il voit une « ressemblance étonnante » entre l’attitude des intellectuels occidentaux et celle de l’intelligentsia russe, telle que la présente Dostoïevski dans ses romans. Selon lui, Sartre était l’intellectuel le plus représentatif du XXe siècle qui annonçait les transformations

dans les Eglises. Ceci lui a permis de suggérer pour un des chapitres de son livre imaginaire sur Sartre et Dostoïevski le titre « Sartre, héros de Dostoïevski ».221 Cette idée paraît un peu spéculative. Rien ne nous empêche de faire des rapprochements également avec Tolstoï à propos de l’athéisme. Mais nous y reviendrons plus tard. Pour l’instant, nous allons nous arrêter sur d’autres affinités avec Dostoïevski et ses personnages qui nous semblent plus pertinentes. Si nous jetons un regard sur les Carnets de la drôle de guerre embrassant la période de septembre 1939 jusqu’à mars 1940, nous allons constater la présence fréquente des écrits de Dostoïevski. Ses personnages étaient plus proches du cynisme et de la brutalité dominant cette époque. A ce moment-là, la grandeur de l’âme des officiers, telle que nous la présentait Tolstoï dans Guerre et Paix, était bonne à être conservée dans un musée comme un échantillon de noblesse pour les générations futures. Sartre voyait avec juste raison dans la mentalité des soldats une analogie avec celle des forçats des Souvenirs de la maison des morts de Dostoïevski : la dégradation des relations humaines, l’attitude à l’égard du travail, de l’argent, du tabac, la manière dont on s’adapte au manque de confort. La similitude dans les mœurs l’a frappé à tel point qu’il était prêt à convaincre les Français que « ça peut s’appliquer à nous sans en changer une virgule, bien qu’il s’agisse des Russes ».222 L’existentiel pour Sartre était une défense contre le cynisme où l’on l’y a jeté pendant la guerre. Il se sentait

220 Voir Czeslaw Milosz, De la Baltique au Pacifique, p. 196 221 Ibid., pp. 198-199

constamment ballotté entre la psychologie cynique et la noblesse de l’âme existentielle. Parfois, il s’identifiait avec Lébédev de L’Idiot en reconnaissant sa bassesse. D’autant plus qu’il n’avait pas le privilège de Tolstoï d’être un défenseur de la patrie, officier des hussards. Sartre n’était même pas un soldat mais correspondant de guerre « qui n’aurait rien à dire ». Autrefois, il aurait plutôt voulu être « un starets comme ceux de Dostoïevski », un sage à qui on s’adresse pour demander des conseils. Mais dans ce désir d’autorité spirituelle nous retrouvons aussi le prophète de Iasnaïa Poliana. Cependant, de ce désir après l’Ėcole Normale il n’en restait plus la moindre trace dans un monde où l’amitié, l’amour et l’humanisme étaient complètement dévalorisés. D’autre part, les personnages de Tolstoï ne jouissaient pas d’un grand attrait. C’était la conscience humaine qui captivait le regard de Sartre. Pour lui, Dostoïevski était avant tout « le romancier de la conscience psychologique ».223 C’est la « psychanalyse existentielle » qui a tissé des liens étroits entre Sartre et l’auteur du Crime et

Châtiment. L’écrivain français réservait à Dostoïevski un accueil qui rappelle celui du monde

occidental. Comme l’a judicieusement souligné Czeslaw Milosz, la « marche triomphale des romans de Dostoïevski à travers les pays occidentaux durant les premières décennies du XXe siècle a un rapport direct avec la découverte d’une nouvelle dimension de l’homme : celle de l’inconscient ».224 L’admiration et la gloire de l’écrivain russe suivaient les modes intellectuelles des critiques occidentaux qui subissaient pendant cette période l’influence du freudisme. Même si, dans une certaine mesure, nous pouvons situer l’acceptation de Dostoïevski par Sartre dans cette logique de mode intellectuelle, nous devons rajouter qu’il allait à contre-pied de certaines opinions. Il a contesté, par exemple, Albert Musset, traducteur et préfacier de L’Idiot, voyant dans les personnages un dédoublement de la personnalité. Face aux personnages de Dostoïevski, Sartre avait l’impression de se trouver face à la « conscience nue » entrant en conflit avec elle-même. Ce n’est plus le cœur ni l’inconscient profond mais la conscience – l’objet de son intérêt profond et de sa recherche – qui était mise en scène. Elle jouait sa comédie en s’opposant à elle-même. Cependant, Sartre estimait que le langage un peu sénile et décousu des personnages de Dostoïevski faisait échouer le spectacle et à partir d’un certain moment laissait le sentiment d’un profond ennui, ce qui lui donnait le droit de conclure que « le prince Michkine est assommant ; plus assommant encore le Moujik Vertueux de l’Adolescent ».

Ainsi nous avons révélé encore un trait de Sartre lisant, c’est aussi Sartre contestant. Il peut contester même quand il aime un écrivain et par contre, attester certaines idées, certaines

223 Ibid., p. 131

inventions esthétiques ou stylistiques d’un écrivain par rapport à qui il n’éprouvait pas de sympathie.

Mais qui étaient les auteurs préférés de l’écrivain français ? Qui étaient les rivaux de Tolstoï ? Parmi les écrivains français, c’était Stendhal qu’il aimait sans réserves. Il a commencé à le lire avant l’Ecole Normale bien que cet auteur ait été déconseillé aux adolescents à cause de ses idées sombres, d’après les paroles de Sartre. Le critique littéraire Michel Contat voit plutôt dans cette affirmation une exagération fabriquée par l’envie du jeune garçon de s’opposer à l’héritage culturel de son clan familial et à la résistance rencontrée par Stendhal durant les années 20.225 Il partageait l’admiration pour cet écrivain avec quelques-uns de ses camarades parmi lesquels était son ami Paul Nizan.226 Ainsi faisait- il « partie d’une avant-garde littéraire » annonçant la réhabilitation de l’auteur de la

Chartreuse de Parme dans la vie culturelle de la France. Pourtant, à la base de cette

préférence se trouvait une identification conditionnée par une laideur physique en commun et le manque de succès auprès des femmes. Le chemin tracé par Stendhal préfigurait, en quelque sorte, sa propre gloire littéraire. Il lui a ouvert la voie pour échapper à sa laideur physique, désormais séduire par la parole deviendrait une alternative.

Il est à noter que l’intérêt pour cet auteur français est un des traits communs entre Sartre et Tolstoï. L’écrivain russe a ouvertement reconnu son influence. En 1901, il a souligné devant Paul Boyer :

Stendhal ?… Plus que nul autre, je suis son obligé : je lui dois d’avoir compris la guerre. Relisez dans la Chartreuse de Parme le récit de la bataille de Waterloo. Qui donc avant lui avait décrit la guerre comme cela, c’est-à-dire comme elle est réellement ?… Plus tard, au Caucase, mon frère officier m’a confirmé la vérité de ces descriptions de Stendhal ; il adorait la guerre, mais n’était pas de ces naïfs qui croient au pont d’Arcole…Très peu de temps après, en Crimée, je n’eus qu’à regarder pour voir par mes propres yeux. Mais, je le répète, pour tout ce que je sais de la guerre, mon premier maître, c’est Stendhal.227

En effet, Sartre admirait plusieurs écrivains : Proust, Dos Passos, Dostoïevski, Jules Laforgue, Conrad, Giraudoux, Kafka, Joyce… D’après sa propre reconnaissance, le monde

225 Michel Contat, « Pourquoi Sartre n’a pas écrit sur son auteur préféré : Stendhal », in

Lectures de Sartre, p. 145

226 Ecrivain né en 1905, mort en 1940, ami de Sartre et membre du Parti communiste

jusqu’en 1939.

227 Cité par Sylvie Luneau dans la notice qui précède Les récits de Sébastopol , Léon

proustien lui a apporté la psychologie subjective des personnages et l’idée de « milieu » qui consistait dans la connaissance des milieux sociaux et la capacité de l’écrivain d’appartenir à plusieurs milieux. Le monologue intérieur de M. Bloom l’intéressait beaucoup. L’idée qu’il avait empruntée « en somme aux œuvres de Dostoïevski » était d’introduire du suspens lorsqu’il y a une « conversation entre deux personnes, pour que ça reste tout à fait vivant », selon le mot de Simone de Beauvoir.228 Kafka et Dos Passos l’ont énormément influencé mais il n’a pas réussi à définir en quoi consistait exactement leur influence même s’il était conscient que c’était la technique de Dos Passos qui l’avait intéressé. D’ailleurs, quand il a écrit La Nausée il n’avait pas encore lu Kafka. Il vivait encore avec la littérature du XIXe siècle et son style restait classique et ne portait pas les traces des auteurs aimés comme Dos Pasos et Giraudoux. Nous pouvons nous interroger si le premier roman de Sartre pourrait nous amener à Tolstoï.

Il est intéressant de rappeler l’histoire autour des titres de La Nausée parce qu’elle nous permet d’établir un rapport indirect avec Tolstoï. Le premier titre proposé par Sartre

Melancholia, inspirée par la célèbre gravure de Dürer Melencolia I de 1514, a été le prétexte

de refus par les éditions Gallimard. Le deuxième titre était élaboré sous l’influence de Jules Verne, Les aventures extraordinaires d’Antoine Roquentin. Sartre voulait ajouter sur un bandeau qu’il n’y avait pas d’aventures, car les histoires truffées de péripéties mouvementées n’étaient plus à la mode. Il a été aussitôt rejeté par la conjoncture publicitaire parce qu’il était beaucoup trop long. En effet, les deux titres successifs démasquent la tentative de Sartre de se séparer de son enfance alimentée par les aventures rocambolesques tout en restant ancré dans cette longue tradition culturelle. Orientée vers l’avenir, son œuvre porte les traces d’un arrière-goût du passé mélangé avec un projet largement novateur de faire découvrir aux lecteurs une nouvelle sensation – la contingence. Nous partageons partiellement l’avis du critique littéraire Alain Buisine affirmant qu’« en fait les deux premiers titres proposés par Sartre désignent moins le contenu de la fiction que son rapport avec une certaine littérature, désirée à proportion même qu’il tente de s’en séparer ».229 La mélancolie est à peine mentionnée dans le roman. Donc, elle n’avait pas de rapport avec le contenu du roman mais plutôt avec l’état d’esprit de son auteur. Cependant, le choix du premier titre désigne également le désir de l’écrivain de rester attaché à la tradition de la littérature française d’inspiration nietzschéenne dont il avait le modèle de Gide et de Valéry ou d’inspiration

228 Celeux, Anne-Marie, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir : Une expérience

commune, deux écritures, p. 75

romantique manifestée chez Chateaubriand, Nerval et Baudelaire mais aussi en faisant un écho au roman de Proust en mettant en évidence par le choix du titre qui renvoie à la célèbre gravure de Dürer le trait commun entre l’art et la littérature. D’autre part, en rédigeant le roman en février 1935, l’auteur est tombé en profonde dépression qui a duré plusieurs mois. Il s’est fait piquer par une drogue hallucinogène – la mescaline – pour écrire un livre sur l’imagination. Il était envahi par une humeur noire qui a tourné à la folie vers le mois de mars.

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