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TL : Les mensonges ont de courtes jambes

SG : Les mensonges ne durent pas longtemps, la vérité finit toujours par triompher.

Contrairement aux combinaisons libres, « une fois que les mots se combinent en une

unité phraséologique, leur relation est figée, c’est-à-dire que les unités phraséologiques

perdent la liberté de changer leur structure syntaxique »

72

. Ici, Sun Weizhang compare une

unité figée et un mot par analogie. La relation stable entre les éléments constitutifs d’une

séquence figée est identique à celle qu’il y a entre les morphèmes d’un mot ; aucun ne permet

de modifications libres. Ralić aboutit à la conclusion suivante : « [e]n dépit de ce figement,

elles [les structures figées] sont sujettes à des variations lexicales ou grammaticales attestées

dans les dictionnaires, mais aussi à des modifications discursives non-attestées » (Ralić 2015 :

26). Ainsi, dans l’exemple a, on transforme l’expression locutionnelle小把 xiǎo bă (tour

de passe-passe) en 把 小băxì xiǎo, sa relation sujet-prédicat s’inverse en prédicat-sujet ;

elle n’est plus une expression figée, et son sens est totalement déconstruit. Quant à l’exemple

b, issu de la dynastie des Qing敲竹 qiāo zhúgàng (extorquer par la menace ou le chantage),

il ne peut être mis au passif sous peine de perdre également sa valeur sémantique première :

竹 被敲zhúgàngbèi qiāo (le bambou est frappé).

Nombre de procédés peuvent servir à exprimer la relation grammaticale et le sens

grammatical dans les langues. Par exemple, le français s’appuie sur les changements

morphologiques, tandis que le chinois attache plus d’importance au changement d'ordre des

mots, et à l'utilisation de mots vides. Nous constatons que le fait de ne pas pouvoir « changer

la relation structurale des constituants d’une unité phraséologique en chinois » signifie qu’il

72 « 一旦结合 熟语,它们的结构关系 固定 来了,如 素 素组合 一 , 能 意 改 , 一点 的自 组合 性的 别 » (notre traduction).

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est impossible de changer l’ordre des mots. Une fois que l’ordre de mots est changé, leur

relation structurale ne reste plus la même.

Le structure du figement chinois est donc très complexe. L’ordre des unités syntaxique

ne peut être modifié sans vider l’expression de tout sens : les éléments syntaxiques et

sémantiques sont interdépendants. Grâce au figement syntaxique, les constructions figées

peuvent former une unité linguistique au sens défini, ayant une nature grammaticale et

fonctionnelle complète, et ce, au travers de son figement syntaxique et sémantique.

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4. Aspect sémantique : globalisation du sens

4.1. En français : non compositionnalité du figement

En qualifiant le sens de non-compositionnalité, on l’oppose avant tout au sens

compositionnel des constructions discursives ordinaires (Tamba 2011 : 112). Gross (1996)

confirme que la notion de grammaire repose traditionnellement sur le concept de

compositionnalité. Selon lui, cela signifie que le sens d’une séquence dépend de ses éléments

composants ; le sens d’une phrase est alors décidé par son prédicat et ses arguments. Ce

principe est décrit par Michiels (1977 : 184) : « Most of the definitions of ‘idiom’ to be found

in the literature hinge on the semantic notion of compositionality »

73

. Selon Perrin (2013 :

109), la compositionnalité est un « modèle interprétatif par emboîtements successifs de

combinatoires autonomes, stipulant que l’interprétation des parties doit être complète pour

qu’elles puissent se combiner entre elles à un niveau supérieur ». Par exemple :

a. Le petit garçon mange du pain.

b. Luc va à la piscine tous les mercredis.

Le sens des deux phrases ci-dessus est compositionnel, c’est-à-dire que leur sens

global équivaut à la somme du sens littéral de leurs constituants. Cependant, dans toutes les

langues naturelles, il existe un grand nombre d’expressions dont le sens n’est pas déductible

en combinant simplement les différentes significations de ses composants. C’est par exemple

le cas des séquences suivantes :

a. Mettre la charrue avant les bœufs ;

b. prendre la clé des champs

Dans cet exemple, le sens propre des lexies « mettre », « charrue » et « bœuf » ne

permet pas à un locuteur non confirmé de déduire le sens de la séquence : « procéder à

l’encontre du bon sens ; faire une chose avant une autre chose qu’il faudrait plutôt faire

73 « La majorité des définitions de “l'idiome” que l'on trouve dans la littérature dépendent de la notion sémantique de compositionalité. » (notre traduction).

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après ». Dans l’exemple b, le locuteur non confirmé ne peut pas non plus saisir la définition

de l’expression « s’enfuir » en suivant le sens propre des lexies « prendre », « clé »,

« champs », car celui-ci est non-compositionnel : ces expressions sont sémantiquement figées.

Plusieurs linguistes considèrent la non-compositionnalité comme un critère ou une

propriété du figement. Anscombre note que «les cas de figement semblent aller de pair avec

l’impossibilité de déduire de façon générale le sens exact d’une suite polylexicale figée à

partir de la combinaison des sens des composants » (Anscombre 2008 : 19), et considère que

la compositionnalité est un des chevaux de bataille dans le domaine du figement. D’après

Tamba (2011 : 109-110), « la dimension sémantique du figement s’avère la plus difficile à

cerner, en raison de la multiplicité des facteurs internes et externes qu’elle met en jeu ».

Hudson explique ce phénomène en s’appuyant sur des exemples :

Most definitions of fixed expressions also include a condition to the effect that there is a semantic mis-match between the parts and the whole: a red herring, a hot potato, to kick ass, not much cop, at the end of the day. This mis-match is most commonly perceived as a result of the fact that the meaning of red and the meaning of herring do not add up to the meaning of red herring (for example)74. (Hudson 1998 : 9)

Notons que l’on évoque toujours l’écart entre le sens littéral et le sens figuré, qui

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