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Thymidylate synthase et eucaryotes ?

Chapitre II. Thymidylate synthases et dynamique des génomes procaryotes

C. Résultats

III. Thymidylate synthase et eucaryotes ?

Nous avons vu dans l’introduction que les organismes eucaryotes possèdent généralement le couple ThyA/FolA pour produire le dTMP. Les deux seules exceptions connues à cette règle est la présence d’un gène homologue à thyX chez les amibes Dictyostelium discoideum (Dynes et Firtel, 1989) et Physarum polycephalum. De façon surprenante, la croissance D. discoideum est inhibée par l’antifolate méthotrexate (Deering et Michrina, 1982). Le fait que cette inhibition soit levée en présence de l’ajout de thymidine (conjointement à de l’adénine, guanine et sérine) semble indiquer que c’est l’action de la DHFR lors de la synthèse de dTMP qui est ciblée. Cet organisme possède une thymidine kinase et croit lentement (temps de doublement ~4h) en milieu riche ou sur un tapis bactérien (Fey et coll., 2007). De plus, il a été montré chez Physarum polycephalum que la synthèse de dTMP durant les phases actives de croissance est majoritairement sous la dépendance de l’activité thymidine kinase. Il est alors envisageable que dans ces organismes la synthèse du dTMP ne soit que très partiellement dépendante de la thymidylate synthase ThyX.

Les résultats présentés dans l’article II indiquent que chez les organismes procaryotes la vitesse de synthèse du dTMP est un facteur limitant de la vitesse de réplication de l’ADN ce qui limite l’expansion des génomes. Si on applique aux eucaryotes le modèle proposé pour les procaryotes, on comprend aisément que la présence de thyX est contre-sélectionnée. En revanche, notre modèle indique également que l’efficacité du couple ThyA/FolA semble être un facteur limitant pour l’expansion des génomes procaryotes au-delà de 10 Mpb. Or les eucaryotes ont un génome beaucoup plus grand que celui des procaryotes (voir introduction p 43), comment expliquer alors que la réplication d’une si grande quantité d’ADN n’est pas limitée par la synthèse du dTMP ?

Une des différences communément admise entre les organismes de ces deux domaines est que la survie des eucaryotes n’est pas conditionnée à une croissance rapide, surtout chez les

pluricellulaires. Ainsi, un allongement du temps de réplication serait moins contre-sélectionné. Dans ces conditions, la « faible » efficacité de synthèse du dTMP pourrait être compensée par le ralentissement de la vitesse de réplication. Si les fourches de réplication chez les eucaryotes sont lentes [100 bp/sec], en revanche la vitesse de réplication ne l’est pas (Walther et Wold, 2001). En effet, la présence de plusieurs origines de réplication par chromosome, pouvant être répliquées simultanément, rend le temps de réplication peu dépendant de la quantité d’ADN à répliquer, donc peu dépendant de la taille du génome. La multiplication du nombre d’origines de réplication augmente virtuellement la vitesse de réplication, et permet aux eucaryotes d’avoir des temps de réplication comparable à certains procaryotes (Walther et Wold, 2001).

Comment alors les cellules eucaryotes ont pu dépasser le problème lié à la synthèse de dTMP par ThyA/FolA ? La solution la plus simple serait d’augmenter l’efficacité catalytique de ThyA/FolA, en stabilisant une forme active par des mutations. Chez certains protozoaires (Ivanetich et Santi, 1990) et chez les plantes dites supérieures (Lazar et coll., 1993), on retrouve une fusion entre les gènes codant les protéines ThyA et FolA conduisant à un complexe enzymatique dans lequel le produit folique de la réaction catalysée par ThyA, le DHF, est directement pris en charge par la DHFR sans temps d’attente. Ce mécanisme appelé « substrate channeling » ne peut cependant pas fournir une explication générale compte tenu que ce type de fusion n’est pas commun à tous les eucaryotes, en particulier chez les mammifères. Une stratégie alternative et/ou complémentaire à l’augmentation de l’efficacité de la réaction de synthèse du thymidylate, est de réguler cette activité de façon transcriptionnelle ou traductionnelle. Nous avons vu dans l’introduction que chez les mammifères, et l’Homme en particulier, la transcription et la traduction de thyA sont augmentées au moment de l’entrée en phase S (voir introduction p 24). De plus des travaux réalisés sur des cellules ovariennes de hamster chinois (CHO) ont montré que l’activité dihydrofolate réductase (DHFR) augmente également durant la phase S (Mariani et coll., 1981). Cette augmentation graduelle de l’activité DHFR suit une tendance parallèle à celle de la vitesse de réplication, suggérant que la vitesse de réplication chez les eucaryotes est également limitée par la disponibilité en nucléotides, en particulier en

thymine. Une étude réalisée sur des cellules humaines HeLa confirme cette proposition. Les auteurs ont montré que l’addition de désoxyribonucléotides induit une accélération de la réplication durant la phase S précoce (Malinsky et coll., 2001). L’orchestration précise de la synthèse du dTMP et de la réplication suggère l’existence d’un système de contrôle. Vernis et collaborateurs ont mis en évidence que la cellule est capable de « sentir » l’absence de dTMP et qu’elle répond en bloquant, de façon réversible, son cycle en phase S (Vernis et coll., 2003). Pour cela, les auteurs ont génétiquement modifié la levure Saccharomyces cerevisiae, afin de créer une souche auxotrophe pour la thymidine (tdk+, ΔthyA). Ils ont montré que la carence en dTTP dans la cellule induit la

phosphorylation de la kinase Rad53, qui va activer le point de contrôle de la phase S (« S phase checkpoint »). L’ajout de thymidine permet aux cellules de redémarrer le cycle cellulaire rapidement.

Considérant les travaux ci-dessus, il semble que les eucaryotes peuvent répliquer de grandes quantités d’ADN à une vitesse élevée, grâce à l’existence de points de contrôle du cycle cellulaire et à une régulation fine des enzymes impliquées dans la synthèse des désoxyribonucléotides, en particulier la thymidylate synthase et la dihydrofolate réductase.

Le

métabolisme

des

pyrimidines

chez

H.

pylori :

l’orotate

phosphoribosyltransférase