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2. Les esprits animaux dans les écrits de l’Interregnum, ou comment prouver l’existence d’une substance spirituelle en l’homme

2.2 The Immortality of the Soul (1659)

C’est en 1659, dans The Immortality of the Soul42, que la pneumatologie à la construction de laquelle More fait servir, comme sa pièce essentielle, une argumentation sur le principe nécessairement immatériel des mouvements des esprits animaux dans le corps, trouve son développement achevé. La division de la notion de substance entre les deux notions de corps (body) et esprit (spirit), et la définition du spirit comme substance pénétrable et inséparable/indivisible (penetrable and indiscerpible) alors que le corps est au contraire une substance impénétrable et séparable/divisible (impenetrable and discerpible), rend explicite l’opposition, à l’étendue matérielle, d’une étendue que l’Appendix to the late Antidote a définie en 1655 comme « Amplitude of presence »43. En attribuant à un principe immatériel la commande des mouvements des esprits animaux dans le corps, More entend mettre en place la thèse d’une présence immédiate de ce principe dans toutes les parties de la matière à laquelle il est uni. L’Appendix to the late Antidote a établi que la substance immatérielle rectrice des mouvements spontanés du corps humain - cette substance dont More a démontré l’existence dans An Antidote44 en argumentant à partir des esprits animaux - se caractérise par

41 Appendix, X, p. 351 (« Logical, Metaphysical, and Mathematical notions »).

42 The Immortality of the Soul [désormais Immortality], London, J. Fletcher, 1659. Les références seront données dans l’édition de ce texte par A. Jacob, Dordrecht/Boston/Lancaster, Martinus Nijhoff Publishers, 1987.

43 Pour l’équivalence entre substance ou chose subsistant par soi (res per se subsistens) et chose étendue (res extensa), voir les lettres de More à Descartes (notamment 11 décembre 1648, AT V, p. 238, 21-23 et 28-31 ; 5 mars 1649, AT V, p. 305, 7-9). Pour la formule « Amplitude of presence », voir Appendix, X, p. 357. La dichotomie ontologique générale entre Spirit et Body est exposée dans Immortality, I, III, § 1, p. 29-30 ; le chapitre IV, § 1, p. 31-32, dénombre quatre espèces dans le genre du Spirit (Dieu, les anges, les âmes des hommes et des bêtes, et enfin les logoi spermatikoi ou « formes séminales des choses » - cf chapitre VIII, § 1, p.

46).

44 Cette démonstration est maintenue dans The Immortality of the Soul, mais replacée au sein d’autres démonstrations, comme je l’indiquerai plus loin.

son « unité et indivisibilité »45. L’indivisibilité d’une substance immatérielle ou spirit n’est pas comparable, a précisé l’Appendix, à celle d’un point mathématique, mais à celle d’une

« sphère ou orbe de lumière » irradiant à partir d’un centre46. Ce n’est que par cette

« représentation symbolique »47, souligne l’écrit de 1655, que l’on peut expliquer le principe intellectuel requis pour diriger les principes animaux dans le corps. L’unité et indivisibilité de la circonférence et des rayons de cette sphère avec son centre garantit, dans la perception sensible, la saisie entière et sans confusion des images. La réception d’une multiplicité de représentations particulières en un seul principe de perception, qui à la fois les unit toutes en un seul sujet et se les représente distinctes les unes des autres, se trouve assurée avec ce modèle d’indivisibilité. Tout ce dont on a démontré dans An Antidote I, XI (complété avec le chapitre X de l’Appendix) que le cerveau, ou une partie du cerveau, ou les esprits animaux, sont incapables d’en être les sujets, se réalise avec le principe immatériel entendu comme spirit auquel appartient l’unité et indivisibilité d’une sphère de lumière.

Dans The Immortality of the Soul, il s’agit, pour More, d’amplifier ce qui a été seulement amorcé dans l’Appendix de 1655 : une réflexion sur l’essence du spirit. Aussi ne se contente-t-il pas de répéter la simple preuve de la distinction réelle entre l’âme humaine et le corps, sur laquelle il a fondé dans An Antidote la preuve de l’existence de Dieu comme Superintendent de toute la nature matérielle48. C’est désormais à la suite de la démonstration du caractère non-contradictoire de la notion de spirit, et par là de la possibilité de l’existence d’un spirit49, et à la suite aussi de la démonstration de l’existence d’une substance immatérielle50, que More inscrit la démonstration qu’il existe une substance spirituelle dans l’homme51. En outre, c’est

45 Appendix, X, p. 358.

46 Appendix, X, p. 357.

47 Ibid. ; voir aussi Immortality, I, V, § 2, p. 34-35, pour cette « Symbolical representation » de l’indivisibilité du spirit.

48 Pour le terme de Superintendent, voir Antidote, II, I, p. 45.

49 Pour la démonstration, à partir de la définition générale de spirit, que cette notion n’est ni impossible ni inintelligible, voir Immortality, I, III-VIII, p. 29-49. More donne ensuite spécifiquement contre Hobbes la confirmation de sa démonstration que la notion de spirit est la notion d’une chose dont l’existence est possible (« the Notion or Idea of a thing that may possibly be », p. 58), en réfutant point par point des extraits du Leviathan, de Humane Nature, et du De corpore (voir Immortality, I, IX-X, p. 49 – 59).

50 Cette démonstration se fait sur trois fondements, l’idée de Dieu comme essence absolument parfaite, l’existence du mouvement dans la matière (ainsi que l’ordre naturel qui est l’effet du mouvement), et l’observation d’effets extraordinaires (réunis dans la catégorie générale d’apparitions). Voir Immortality, I, XI-XIII, p. 59-70.

51 D’après More, bien que Descartes ait eu pour but de conclure qu’il y a une substance en nous qui est distincte de la matière, sa démonstration a manqué son but. L’argument de Descartes à partir du doute hyperbolique, tel que More le décrit, prouve seulement que la pensée doit appartenir à une substance distincte du corps. Il ne prouve pas que ce qui, en nous, pense, est une substance distincte de notre corps (Immortality, I, VIII, § 9, p. 48-49).

une « voie plus générale »52 que celle qui part directement de la considération du corps humain qui est d’abord suivie pour cette démonstration. Cette voie générale consiste à montrer que les facultés ou opérations dont nous avons conscience en nous sont absolument incompatibles avec la matière qui est seulement matière, la matière non-organisée53. La démonstration que ces opérations ne peuvent pas être davantage attribuées à une certaine organisation du corps humain ne vient qu’ensuite. La distinction entre ces deux étapes pour mener à bien la démonstration qu’il y a dans l’homme une substance spirituelle permet, souligne More, de parer l’objection d’après laquelle des opérations incompatibles avec la matière considérée simplement quant à l’extériorité les unes aux autres de ses parties (partes extra partes) ne le sont plus avec un assemblage de parties en une matière structurée pour l’accomplissement de fonctions déterminées.

More fait ainsi apparaître, rétrospectivement, que la démonstration donnée directement en 1653 à partir du problème de la direction des esprits animaux dans le corps humain, constituait immédiatement une preuve ruinant l’argument que les tenants de la matérialité de l’âme prennent pour l’Achille de leurs arguments, leur argument le plus fort, l’organisation du corps. Pour interdire radicalement le recours à cet argument, la seconde étape, dans The Immortality of the Soul, de la démonstration de l’existence de l’âme humaine comme substance spirituelle, se donne pour objet l’examen d’une série de thèses sur l’organisation du corps humain, illustrées dans les différentes doctrines du « siège du sens commun »54. L’examen de ces doctrines observe lui-même deux phases, en fonction de deux hypothèses sous lesquelles il se trouve placé successivement par More. D’abord l’hypothèse que « nous ne consistons en rien d’autre qu’une pure matière modifiée et organisée »55, puis l’hypothèse qu’« il existe en l’homme une substance immatérielle ou âme »56.

Sous la première hypothèse, toutes les doctrines du sens commun (Common Sense/Common Sensorium/Common Percipient)57 sont frappées à tour de rôle de fausseté. More distingue

52 Immortality, II, I, § 1, p. 77 (More précise que cette plus grande généralité n’est pas synonyme d’un défaut de rigueur : « This Truth [i.e. That there is an Immaterial Substance in Man] we shall make good first in a more general way, but not a whit the lesse stringent, […]. »).

53 Cette démonstration concernant « la matière considérée de manière générale » occupe les trois premiers chapitres du livre II, p. 77-102. Elle ne fait qu’un avec une critique systématique de Hobbes, tant pour son De corpore (1655), que pour ses positions dans la controverse sur le free-will avec Bramhall, rendues publiques en 1654 -1656.

54 Immortality, II, IV, § 1, p. 103. More prend en considération dix doctrines, qu’il ne réfère pas systématiquement à des auteurs déterminés. Il nomme cependant, dans la première phase de son examen, Regius, c’est-à-dire Henri Le Roy (II, § 8, p. 105) et Descartes (§ 9, p. 105). La seconde phase de l’examen indique deux nouveaux noms, Van Helmont et Hobbes (II, VII, § 4, p. 118).

55 Immortality, II, IV, § 1, p. 103.

56 Immortality, II, VII, § 1, p. 117.

57 Pour l’énumération de ces doctrines, voir Immortality, II, IV, p. 103-105.

dans ce cadre, pour leur réserver une réfutation séparée, trois formes d’attribution du sens commun à une certaine organisation du corps humain58. La glande pinéale de Descartes (« the most pure Mechanical Invention is that of the use of the conarion »59 ) assez longuement, puis très rapidement la moelle épinière, et enfin de façon détaillée les esprits animaux contenus dans le quatrième ventricule du cerveau, sont examinés de façon privilégiée par rapport aux autres thèses sur le siège du sens commun. Au terme de cet inventaire réfutatif placé sous la première hypothèse, le but recherché est en fait déjà atteint, pour ainsi dire de manière cumulative. À travers l’élimination progressive des dix doctrines examinées, la démonstration

« qu’il y a une âme ou substance incorporelle qui réside en nous, distincte du corps » se trouve parfaitement accomplie60. Néanmoins, il paraît essentiel à More de reprendre une à une toutes les doctrines du sens commun en les plaçant cette fois sous l’hypothèse de l’existence d’une substance immatérielle en l’homme. Une question, en effet, reste à résoudre, pour connaître non seulement l’existence, mais aussi la façon d’opérer, de la substance spirituelle en nous, et c’est la question que More avait déjà proposée dans sa lettre à Descartes du 5 mars 1649 : quel est le mode de l’union de l’âme et du corps ? Après avoir démontré l’existence de l’âme immatérielle, il faut donc encore se demander : 1. quel est, dans le corps, le siège principal à partir duquel l’âme immatérielle exerce la fonction complexe du sens commun. 2.

si l’âme immatérielle est confinée à cette partie seulement du corps où elle a son siège principal, ou bien si elle s’étend à travers tout le corps ; 3. de quelle façon l’âme immatérielle exerce les multiples fonctions du sens commun, ses fonctions cognitives et sa fonction directive 61.

Par ces questions, le mode d’argumentation auquel More s’était limité dans An Antidote et dans l’Appendix se trouve de nouveau dépassé dans The Immortality of the Soul, comme il l’a été déjà par la réinscription de l’argumentation de 1653 et de 1655 simplement comme une

58 Cette critique fait l’objet de deux chapitres, dont le premier tout entier consacré au conarion de Descartes (voir Immortality, II, V-VI, p. 106-116).

59 Immortality, II, IV, § 9, p. 105. L’examen de l’opinion de Descartes dans la Dioptrique (cf lettre de More à Descartes, 5 mars 1649, AT V, p. 313) et dans Les Passions de l’âme est l’objet d’une réfutation soigneuse, en développant les arguments déjà utilisés dans l’Appendix de 1655, pour montrer que les raisons purement mécaniques de Descartes ne peuvent pas rendre compte de la perception sensible, ni de la production du mouvement spontané dans le corps, la glande pinéale ne pouvant même pas déterminer les esprits animaux, dont la force échappe nécessairement au pouvoir d’une matière aussi faible (voir Immortality, II, V, §§ 1-8, p. 106-110).

60 Immortality, II, VI, § 9, p. 116. On peut noter que ce chapitre ne fait l’objet d’aucune scolie dans les Opera omnia de 1679.

61 Pour ce complément d’analyse que s’assigne More, voir Immortality, II, VI, § 9, p. 116. Je dis ‘fonction directive’ (faute d’avoir trouvé un meilleur terme) plutôt que ‘fonction motrice’, car More précise bien que l’âme n’a pas le pouvoir de « mouvoir la matière », mais que « son privilège particulier est de déterminer la matière en mouvement » (Immortality, II, VIII, § 10, p. 128-129). L’imagination et la volonté peuvent seulement diriger le mouvement des esprits animaux dans le corps vers les organes du mouvement spontané, non pas leur donner le mouvement, ni augmenter ou diminuer ce dernier (voir Immortality, III, I, § 7, p. 195).

partie intermédiaire (au sein de l’examen des doctrines du sens commun sous la première hypothèse) à l’intérieur d’une démonstration beaucoup plus circonstanciée. Il s’agit maintenant, pour More, de faire apparaître que le corps auquel l’âme spirituelle est unie en nous n’est pas un corps qui se réduirait, en dehors de la partie du corps où et d’où l’âme exerce ses fonctions, à une matière où tout arriverait par des pouvoirs purement mécaniques.

Il est un autre pouvoir de l’âme spirituelle que le pouvoir qui a son siège - le siège du sens commun - dans une partie, et une seule, du corps. Cet autre pouvoir de l’âme-spirit est son

« pouvoir plastique » (Plastick power), le pouvoir par lequel elle est elle-même

« l’architecte » de son corps62. D’après The Immortality of the Soul, il n’y a pas d’autre possibilité que celle-là pour comprendre l’organisation du corps humain. D’une part, il est impossible de tenir la fabrique d’un corps individuel pour le résultat d’un concours d’atomes.

D’autre part, l’architecte n’en est pas Dieu, car dans ce cas il n’y aurait jamais aucune faute de fabrique. Les corps individuels ne sont pas non plus fabriqués par le Spirit of Nature, substance immatérielle créée par Dieu qui agit dans la matière du monde sans avoir conscience de son action. Le Spirit of Nature se contente d’une préparation rudimentaire de la matière d’abord informe pour la rendre apte à son façonnement par l’âme en un corps individuel63. Chaque individu humain doit par conséquent être vu comme « un monde particulier » dont son âme est elle-même l’architecte, accomplissant pour ce microcosme ce que « la faculté plastique de l’Âme du monde » accomplit pour le macrocosme64. L’âme humaine, comme le dit une scolie de l’édition des Opera omnia en 1679, a une faculté plastique « hominiformis », alors que celle du Spirit of Nature est « omniformis »65. La fabrication qui est l’œuvre du pouvoir plastique de l’âme s’oppose, précise The Immortality of the Soul, au modèle artificialiste de l’action externe d’une intelligence sur une matière. Une proximité plus grande que celle à laquelle se borne le modèle artificialiste est requise pour l’union entre l’âme et le corps : « a more particular and near union »66. Le rapport n’est pas

62 Immortality, II, X, § 2, p. 134 (« the more particular Architect ») et p. 135 (« the peculiar and most perfective Architect »).

63 Immortality, II, X, § 2, p. 135 (« give some rude preparative strokes towards Efformation »). La scolie de 1679 sur ce passage - traduit « primas quasi lineas ducat futurae efformationi praevias » - rapporte cette thèse à la notion d’une sorte d’illumination préalable de la matière par l’âme universelle chez Plotin, Ennéades, VI, VII, 7 (τὴν προϋπογραφὴν οἷον προδρόµους ἐλλάµψεις εἰς τὴν ὕλην): voir Opera omnia, II-2, p. 360.

64 Immortality, II, X, § 2, p. 135. Comme le montre une scolie de 1679 pour une autre occurrence de l’expression Anima mundi, celle-ci doit être prise au sens de Spiritus Naturae (Opera omnia, II-2, p. 355, à propos de Immortalitas animae, II, VIII, § 6).

65 Opera omnia, II-2, p. 369, scolie à propos de de Immortalitas animae, II, XII, § 6.

66 Immortality, II, X, § 2, p. 135 (More dit aussi : « a more particular and close union »).

externe, mais interne, il est entre la faculté plastique de l’âme et une matière qu’elle « modèle et organise intrinsèquement »67.

L’objection adressée à Descartes dans la lettre du 5 mars 1649 trouve ici l’expression claire de sa solution : ce n’est pas seulement l’union de l’âme avec la partie du corps où elle exerce les fonctions du sens commun, mais aussi son union avec la matière de tout son corps, qui doit être signifiée lorsque l’on parle de l’union étroite, ou intime, de l’âme avec le corps qu’elle informe. L’âme étroitement unie au corps n’est pas simplement, comme l’a cru Descartes, l’âme qui pense et dirige les mouvements des esprits animaux, c’est également l’âme qui accomplit la « fabrication vitale » 68 du corps. En tant que spirit, l’âme se voit attribuer par More la capacité de se contracter et de se dilater. L’âme humaine peut ainsi être décrite, dans The Immortality of the Soul, comme commençant dans des limites étroites l’organisation, à partir d’une matière préparée par le Spirit of Nature, du corps dont elle est l’architecte vital, et poursuivant cette organisation jusqu’à ce que le corps atteigne sa pleine croissance. L’âme se dilate au même rythme que le corps, et c’est ainsi, souligne More, qu’elle prend possession de son corps en tous ses membres et l’occupe tout entier69. Aux yeux de More, l’explication de l’union de l’âme et du corps ne rend pleinement justice au statut de spirit de l’âme que si l’on reconnaît ce qu’il appelle dans The Immortality of the Soul « une sorte d’hétérogénéité dans l’âme », en tant que l’âme n’a pas le même pouvoir partout dans son corps70. Le sens qu’il faut donner à cette hétérogénéité n’est pas celui d’une discontinuité, mais au contraire, d’une diffusion sans rupture dans le passage du plus parfait au moins parfait71. More représente le rapport du sensorium commun à la partie plastique de l’âme selon un modèle émanatif. La partie non-perceptive de l’âme est comparable à des « rayons » émis depuis le « centre de perception » de l’âme : dans sa privation de la fonction perceptive, la partie seulement plastique de l’âme demeure une « émanation essentielle » de sa partie noble72.

67 Immortality, II, X, § 2, p. 135 (« intrinsecally shapes out and organizes »).

68 Ibid.

69 Ibid.

70 Immortality, II, XI, § 10, p. 144 (« a kind of Heterogeneity in the Soul »).

71 Dans Immortality, III, II, § 4, p. 300, cette diffusion est présentée comme une suite de cercles allant s’élargissant à partir du « centre de l’âme ».

72 Immortality, II, XI, § 10, p. 144 (« Centre of Perception » - More dit aussi : « the Root of the Soul ») et p.145 (« that precious part of the Soul in which resides Perception, Sense and Understanding, may send forth such an Essential Emanation of itself as is utterly devoid of all Sense and Perception ; which you may call, if you will, the Exteriour branches of the Soul, or the Rayes of the Soul, if you call that nobler and diviner part the Centre »). Le modèle est le même pour le rapport entre Dieu, « the highest Life » (p. 144), et la matière sans vie.

Voir aussi III, II, § 3, p. 199, où l’hétérogénéité de l’âme est expliquée comme la différence entre le renfermement de la faculté perceptive dans une certaine partie seulement de l’âme (le « centre de l’âme »), tout le reste revenant à la faculté plastique.

Dans les différentes étapes de cette démonstration, The Immortality of the Soul accorde à plusieurs reprises une place essentielle aux esprits animaux. C’est ainsi dans l’ouvrage où More entend présenter une doctrine achevée de la substance spirituelle, ou pneumatologie, qu’il développe aussi le plus longuement, sur plusieurs chapitres, une analyse des esprits animaux. Il n’en est fait qu’une brève - et cependant décisive - mention au sein de la démonstration générale portant sur la matière en tant que matière73, mais dans la démonstration suivante, portant sur la matière en tant qu’elle est organisée pour des fonctions déterminées, les esprits animaux deviennent un objet primordial dans l’examen des doctrines du siège du Common Percipient sous l’hypothèse que nous ne sommes qu’une « pure matière modifiée et organisée »74. Ils continuent à occuper le devant de la scène dans l’examen de ces mêmes doctrines sous l’hypothèse qu’il existe en nous un principe immatériel, examen doté pour More d’un double enjeu, la détermination du mode d’union de l’âme et du corps (leur union étroite est-elle seulement partielle, ou aussi totale ?), et la définition du mode d’exercice par l’âme des fonctions du sens commun75.

Dans la première démonstration selon la « voie générale », la possibilité d’une matière sentante est combattue par More avec une impressionnante panoplie d’arguments. More combat le monisme ontologique illustré par Hobbes, pour qui il n’est pas d’autre existant que matériel, si bien que la propriété de perception est une propriété de la matière. Si les esprits animaux ne font qu’une apparition fugace dans cette démonstration systématique par More de l’incapacité de la matière qua matière à être le sujet des opérations qui sont les nôtres, leur convocation est cependant particulièrement marquante. More affirme en effet que « les esprits animaux dans l’homme, si la matière pouvait être l’âme, seraient l’âme du corps »76. Les

Dans la première démonstration selon la « voie générale », la possibilité d’une matière sentante est combattue par More avec une impressionnante panoplie d’arguments. More combat le monisme ontologique illustré par Hobbes, pour qui il n’est pas d’autre existant que matériel, si bien que la propriété de perception est une propriété de la matière. Si les esprits animaux ne font qu’une apparition fugace dans cette démonstration systématique par More de l’incapacité de la matière qua matière à être le sujet des opérations qui sont les nôtres, leur convocation est cependant particulièrement marquante. More affirme en effet que « les esprits animaux dans l’homme, si la matière pouvait être l’âme, seraient l’âme du corps »76. Les