Remarque II.3
Sif ∈ D(Rd)(espace des fonctions de classeC∞ `a support compact), sa transform´ee de Fourierfbse prolonge en une fonctionanalytique surCd.
En effet, siK =supp(f),
fb(ξ) = Z
K
f(x) e−iξ·xdx
est d´efini quel que soit ξ ∈ Cd et h´erite de l’analyticit´e de la fonction exponentielle. De plus, en notantkξk = on montre par int´egrations par parties successives, l’in´egalit´e
|f(ξ)| ≤b 1 IK(η) = Rkηk.) Cette propri´et´e caract´erise en fait la transform´ee de Fourier des fonctions de classe C∞ `a support inclus dansK : ceci est l’objet du th´eor`eme de Paley-Wiener ´enonc´e ci-dessous.
Th´eor`eme II.6 (Paley–Wiener)
SiF est une fonction analytique surCdpour laquelle il existe un compactKdeRdtel que pour toutp∈N, il existeCp > 0avec
|V(ξ)| ≤ Cp
(1 + kξk)p exp
maxx∈K(x·Imξ)
for allξ ∈Cd, alorsF|Rdest la tranform´ee de Fourier d’une fonctionf ∈ D(Rd) `a support dansK.
D´emonstration : La partie directe est facile `a ´etablir. Reprenons tout d’abord la d´efinition defb. Par hypoth`esef est ´evidemment int´egrable et doncfbest d´efinie par la formule
fb(ζ) = Z
R
f(x)e−2i π ζ xdx = Z R
−R
f(x)e−2i π ζ xdx .
Soit alors
F(z) = Z R
−R
f(x)e−2i π z xdx .
On a bien sˆurF(ζ) = fb(ζ)pour toutζ ∈ R. De plus, la fonctionz 7→ e−2i π z x ´etant enti`ere (c’est-`a-dire holomorphe surCtout entier) et puisqu’on int`egre sur un compact, le th´eor`eme de Lebesgue montre queF est enti`ere. Enfin, en int´egrant successivement par parties (les termes de bord sont nuls carfest `a support compact strictement inclus dans]−R, R[par hypoth`ese), on a
(2i π z)mF(z) = Z R
−R
f(m)(x)e−2i π z xdx
pour toutz 6= 0. On en d´eduit l’in´egalit´e
|2π z|m|F(z)| ≤ 2R max
|x|≤R|f(k)(x)| e2π R|Im(z)|
pour toutz∈C. En additionnant avec l’in´egalit´e
|F(z)| ≤ 2R max
|x|≤R|f(x)| e2π R|Im(z)|, on obtient l’in´egalit´e annonc´ee avec
Cm = 2R( max
|x|≤R|f(x)| + max
|x|≤R|f(k)(x)|/(2π)m).
C’est la partie r´eciproque qui n´ecessite vraiment de l’analyse complexe. Le fait d’avoir une estimation de la forme
|F(ζ)| ≤ Cm
(1 + |ζ|m), ∀ζ ∈R,
`a tout ordre montre exprime que la restriction deF `aRest `a d´ecroissance rapide. Cette restric-tion est de plus de classeC∞puisqu’analytique. On admettra que cela implique queF|Rest la transform´ee de Fourier d’une fonctionf ´egalement de classeC∞`a d´ecroissance rapide, et cette fonctionf est d´efinie par
f(x) = Z
R
F(ζ)e2i π ζ xdζ .
Montrons alors que f est en fait `a support compact inclus dans [−R, R]. Soient x ∈ R, η > 0, M > 0, et C le contour rectangulaire de sommets ±M et ±M +iη. D’apr`es le th´eor`eme de Cauchy,
I
C
F(z)e2i π z xdz = 0.
Or d’apr`es les in´egalit´es de l’hypoth`ese, les termes correspondant aux int´egrales sur les bords verticaux tendent vers0lorsqueM tend vers+∞. On en d´eduit `a la limite
Z
R
F(ζ)e2i π ζ xdζ = Z
R
F(ζ +i η)e2i π(ζ+i η)xdζ ,
c’est-`a-dire
f(x) = e−2π η x Z
R
F(ζ +i η)e2i π ζ xdζ . En utilisant une fois de plus les in´egalit´es de l’hypoth`ese, on obtient
|f(x)| ≤ C2 e2π η(R−x) Z
R
dζ 1 + ζ2.
Ceci est vrai quel que soitη >0. Six > R, en faisant tendreηvers+∞, le membre de droite tend vers0 : c’est donc quef(x) = 0! Le cas de x < −R est analogue, en choisissant un contour avecη <0.
Th´eor`eme II.7 (Paley–Wiener–Schwartz)
Pouru∈E0(Rd)(ensemble des distributions `a support compact), la transform´ee de Fourier s’´etend en une fonction analytique surCdpar la formule
U(ξ) = hu , e−iξ·i.
De plus siK = Suppu, il existe un entierpetC >0tels que
|U(ξ)| ≤ C(1 + kξk)p exp
maxx∈K(x·Imξ)
for allξ ∈ Cd. R´eciproquement, si U est une fonction analytique sur Cd pour laquelle il existe un compactK deRd, un entierp, et une constanteC tels que l’estimation ci-dessus soit satisfaite, alorsU est la tranform´ee de Fourier d’une distribution `a support dansK.
En r´esum´e, la transformation de Fourier ´echange les propri´etes de localisation et de r´egularit´e.
Chapitre III
Transformation de Fourier discr`ete
Pour simplifier, on se place ici `a nouveau en dimensiond= 1.
1 Cas d’un r´eseau infini
On a vu au chapitre sur les s´eries de Fourier comment associer des suites (de coefficients de Fourier) `a des fonctions p´eriodiques. On s’int´eresse ici `a l’op´eration inverse, partant de suites et obtenant des fonctions p´eriodiques. Ce point de vue est motiv´e notamment par l’´etude de sch´emas num´eriques.
La transform´ee de Fourier discr`ete d’une suiteu = (un)n∈Z ∈ `2(Z) se d´efinit alors de fac¸on assez naturelle comme l’unique fonction Fd(u) = eu ∈ L2(T)dont les coefficients de Fourier sont les un. Plus exactement, comme il a ´et´e montr´e dans la remarque I.2 on d´efiniteu comme la limite dansL2(T)des sommes partielles de la s´erie
X
n∈Z
un e−2i π n ω. Bien sˆur, d’apr`es la formule de Parseval, on a :
X
n∈Z
|un|2 = Z 1
0
|u(ω)|e 2 dω ,
ce qui signifie que la transformation de Fourier discr`ete : Fd : `2(Z) → L2(T)
u = (un)n∈Z 7→ eu
est une isom´etrie. Il se trouve que l’on peut aussi voir la restriction de eu `a l’intervalle (de longueur 1)]−1/2,1/2[comme la transform´ee de Fourier (standard,«non discr`ete») d’une certaine fonctionu∗interpolant la suite(un). Consid´erons en effet les fonctionsψnd´efinies par
ψn(x) = sin(π(x − n)) π(x − n) . On sait que
ψcn(ζ) = 1|ζ|≤1/2 e−2i π n ζ. 39
En particulier, d’apr`es la formule de Plancherel,
kψnkL2(R) = 1 et hψn, ψki = 0 pourn6=k ,
c’est-`a-dire que (ψn)n∈Z est une famille orthonorm´ee. D’autre part, les fonctionsψnadmettent des prolongements par continuit´e aux pointsx=n, avec
ψn(k) = δkn (symbole de Kronecker). D´efinissons alors
E(u) = u∗ = X
n∈Z
unψn
(au sens hilbertien, c’est-`a-dire comme limite des sommes partielles dansL2(R)). On a
∀n , u∗(n) = un, et ku∗kL2(R) = kuk`2(Z). Finalement, on a le diagramme commutatif suivant, o`uJ : f 7→ f 1|ζ|≤1/2 .
Fd
(un)∈`2(Z) 7→ ue∈L2(T)
E ↓ ↓ J
F
u∗ ∈L2(R) 7→ ub∗ ∈ L2(R)
2 Cas d’un r´eseau fini
En pratique, les sch´emas num´eriques sont utilis´es sur un r´eseau de mailles fini, de sorte que l’on a affaire `a un nombre fini de valeurs (un). Supposons ces valeurs index´ees par n ∈ {0, . . . , N − 1}. La transform´ee de Fourier discr`ete de (un) prolong´ee en une suite infinie prenant la valeur z´ero pour les indicesn /∈ {0, . . . , N −1}, est le polynˆome trigonom´etrique :
eu(ω) :=
N−1
X
n=0
une−2i π n ω.
Or, `a partir deN donn´ees, il n’y a pas de raison d’obtenir plus deN informations. C’est pour-quoi il est assez naturel de ne consid´erer que N valeurs prises paru(ω). Pour des raisons dee sym´etrie, on choisit les valeurs U0 = u(0),e U1 = u(1/Ne ),. . . ,UN−1 = eu((N −1)/N). Ceci conduit `a d´efinir une transformation de Fourier discr`ete finie :
FN : CN −→ CN
u = (un)n∈{0,...,N−1} 7→ U = (Uk)k∈{0,...,N−1} ; Uk =
N−1
X
n=0
un e−2i π n k/N. Comme la transformation de Fourier entre fonctions, c’est quasiment une involution. On v´erifie en effet facilement que sa r´eciproque est donn´ee par :
FN−1 : CN −→ CN
U = (Uk)k∈{0,...,N−1} 7→ u = (un)n∈{0,...,N−1} ; un = N1
N−1
X
n=0
Uk e2i π k n/N.
3 Transformation de Fourier rapide.
Lorsque N est une puissance de2, il existe un algorithme qui acc´el`ere consid´erablement (lorsqueN est grand) le calcul de la transform´ee de Fourier discr`ete surCN. C’est l’algorithme de Cooley et Tuckey (1965), qui permet de faire le calcul avec un nombre d’op´erations de l’ordre de N logN au lieu deN2. C’est un joli exercice que de programmer cet algorithme (voir par exemple [3] (lec¸on no 9) pour les d´etails), aussi appel´e F.F.T pour Fast Fourier Transform en anglais. De nos jours, la FFT est pr´eprogramm´ee dans les logiciels de calcul scientifique comme Matlab, Maple, etc. Attention cependant au d´ecalage : les vecteurs sont en g´en´eral num´erot´es de1`aN. Ainsi, pour un tableauxde taille(1, N), l’instructionFFT(x,N)retourne un tableauX de taille(1, N)dont les composantes sont
X(k) =
N
X
n=1
x(n)e−2i π(n−1) (k−1)/N
.
L’instruction inverseIFFT(X,N)redonnex, en calculant x(n) = 1
N
N
X
k=1
X(k)e2i π(k−1) (n−1)/N
.
Approximation de coefficients de Fourier au moyen de la FFT. Si f est une fonction 1-p´eriodique, dont la s´erie de Fourier P
n cn e2i π n x est absolument normalement convergente, on peut estimer l’erreur commise lorsqu’on approche les coefficientscngrˆace `a la transform´ee de Fourier discr`ete de la suite
uNk := f(k/N), k ∈ {0, . . . , N −1}.
En effet, puisquef est somme de sa s´erie de Fourier (qui converge absolument), on a : uNk = X
n∈Z
cne2i π n k/N = X
m∈Z N−1
X
r=0
cmN+r e2i π r k/N =
N−1
X
r=0
X
m∈Z
cmN+r
e2i π r k/N, ce qui montre queUN = FN(uN)v´erifie
UrN = N X
m∈Z
cmN+r, r∈ {0, . . . , N −1}.
Si on prolonge la suite(UrN)r∈{0,...,N−1} par p´eriodicit´e `ar∈Ztout entier, en posant Ur+pNN = UrN, ∀p∈Z,
on voit que la formule pr´ec´edente reste vraie : UrN = N X
m∈Z
cmN+r, ∀r ∈Z.
0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1
FIG. III.1 – Graphes des sommes partielles de s´eries de Fourier (trac´es avec 500 points).
En particulier, on a pourr∈ {−N/2, . . . , N/2−1}:
On pourrait bien sˆur ´ecrire une estimation moins grossi`ere. En tous cas, la pr´ecision de l’ap-proximation de cr par N1 UrN d´epend du taux de d´ecroissance de cn lorsquen → +∞, lequel d´epend de la r´egularit´e de la fonction.
Illustration. Les sommes partielles de la s´erie de Fourier d’une fonction convergent d’autant mieux que la fonction est r´eguli`ere. Consid´erons par exemple la fonction continue
x 7→
x pourx∈[0,1/2[, 1 − x pourx∈[1/2,1[. et la fonction discontinue
x 7→
1 pourx∈[0,1/2[,
−1 pourx∈[1/2,1[. La s´erie de Fourier de la premi`ere s’´ecrit
1
4 + X
n≥0
−cos(2π(2n+ 1)x) π2(2n+ 1)2 .
Elle est absolument convergente. Quant `a la seconde s´erie de Fourier : X
n≥0
4 sin(2π(2n+ 1)x) π(2n+ 1) , elle est seulement semi-convergente.
La figure III.1 repr´esente les sommes partielles P101
n=0 de ces s´eries. On constate que les points de discontinuit´es sont le si`ege d’une«mauvaise convergence»: c’est le ph´enom`ene bien connu (voir le th´eor`eme I.6).
D’autre part, la convergente trop lente vers0des coefficients de Fourier des fonctions dis-continues nuit au calcul approch´e de leurs coefficients de Fourier par FFT. La figure III.2
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 -0.25
-0.2 -0.15 -0.1 -0.05 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4
FIG. III.2 – Coefficients de Fourier approch´es.
0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1
0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 0.45 0.5
0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1
-1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5
FIG. III.3 – Graphes des sommes partielles de s´eries de Fourier approch´ees (trac´es avec 500 points).
repr´esente la comparaison entre les coefficients exacts et les coefficients approch´es, calcul´es pour les deux fonctions pr´ec´edentes avec une discr´etisation de 500 points (mˆeme si on a repr´esent´e seulement les 50 premiers : attention, il faut se rappeler que l’approximation se d´eteriore lors-qu’on s’approche de l’indice maximal, ici 500). Cependant, les coefficients de Fourier ap-proch´es donnent une bonne approximation des sommes partielles, cf figure III.3. Pour la fonc-tion continue on ne perc¸oit pas de diff´erence avec la somme partielle exacte. Pour la foncfonc-tion discontinue, l’amplitude des oscillations semble moindre avec les coefficients approch´es !
Bibliographie
[1] H. Brezis. Analyse fonctionnelle. Collection Math´ematiques Appliqu´ees pour la Maˆıtrise.
Masson, Paris, 1983. Th´eorie et applications.
[2] R. E. Edwards. Fourier series. A modern introduction. Vol. 1, volume 64 ofGraduate Texts in Mathematics. Springer-Verlag, New York, second edition, 1979.
[3] C. Gasquet et P. Witomski. Analyse de Fourier et applications. Filtrage. Calcul num´erique.
Ondelettes. Masson, 1990.
[4] W. Rudin. Analyse r´eelle et complexe. Masson, Paris, 1980. Traduit de l’anglais par N.
Dhombres et F. Hoffman, 3`eme ´edition.
[5] R. S. Strichartz. A guide to distribution theory and Fourier transforms. World Scientific Publishing Co. Inc., River Edge, NJ, 2003.
45
Index
Bessel
in´egalit´e de, 5 caract´eristique
courbe, 31 convolution, 21 Dirac
masse de, 25 Dirichlet
noyau de, 8 Fourier
coefficients de, 3 s´erie de , 4 Gibbs
ph´enom`ene de, 11 in´egalit´e
de Bessel, 5 lemme
de Riemann-Lebesgue, 3 noyau de r´egularisation, 21 Paley-Wiener
th´eor`eme de , 24, 34 Parseval
identit´e de, 7 identit´e de , 7 Riemann-Lebesgue
lemme de, 3 Sobolev homog`ene
espace de , 29 support compact, 20 trigonom´etrique
polynˆome, 6
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Index
Bessel
in´egalit´e de, 5 caract´eristique
courbe, 31 convolution, 21 Dirac
masse de, 25 Dirichlet
noyau de, 8 Fourier
coefficients de, 3 s´erie de , 4 Gibbs
ph´enom`ene de, 11 in´egalit´e
de Bessel, 5 lemme
de Riemann-Lebesgue, 3 noyau de r´egularisation, 21 Paley-Wiener
th´eor`eme de , 24, 34 Parseval
identit´e de, 7 identit´e de , 7 Riemann-Lebesgue
lemme de, 3 Sobolev homog`ene
espace de , 29 support compact, 20 trigonom´etrique
polynˆome, 6
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