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Th´eorie de la fonctionnelle de la densit´e

Dans la section pr´ec´edente, nous avons vu que les m´ethodes ab initio bas´ees sur les fonctions d’onde peuvent donner des r´esultats pr´ecis, mais qu’elles sont en revanche tr`es coˆuteuses pour un syst`eme contenant plusieurs atomes. Ainsi, si la m´ethode CCSD(T) est la m´ethode de choix pour calculer le potentiel d’interaction φ(r) entre deux atomes, elle devient inapplicable si l’on souhaite calculer l’´etat de plusieurs dizaines d’atomes in- teragissant collectivement. Or, dans le contexte de l’absorption induite par les collisions (Chapitre4), nous nous int´eresserons `a des syst`emes o`u les interactions multiples doivent ˆetre prises en consid´eration. `A cette fin, nous ferons appel `a la th´eorie de la fonctionnelle de la densit´e (DFT).

La DFT est aujourd’hui la m´ethode la plus utilis´ee en chimie num´erique et en physique de la mati`ere condens´ee. En fait, la DFT est utilis´ee dans 80% des articles publi´es en chimie num´erique (Tsuneda,2014). Sa grande popularit´e est essentiellement due au faible temps de calcul qu’elle requiert (comparativement aux m´ethodes post-Hartree–Fock).

3.3.1 Fondations th´eoriques

L’id´ee-cl´e de la DFT, c’est de d´ecrire un syst`eme `a plusieurs ´electrons en repr´esentant le potentiel comme une fonctionnelle de la densit´e ´electronique ρe(r) et non comme une fonctionnelle des orbitales ´electroniques. Ce faisant, on parvient `a exprimer le potentiel comme une fonction de seulement 3 variables spatiales (plutˆot que 3N ), ce qui ouvre la porte `a des temps de calcul beaucoup plus int´eressants.

Historiquement, c’est le mod`ele de Thomas–Fermi (Thomas,1927;Fermi,1927) qui fut le premier `a proposer l’utilisation de la densit´e ´electronique pour d´eterminer l’´etat d’un

syst`eme comportant plusieurs ´electrons. Dans ce mod`ele, l’´energie d’un gaz d’´electrons dans un potentiel nucl´eaire VN(r) est donn´ee par (Lundqvist & March, 2013)

Ee= 3 10(3π 2)2/3 Z ρe(r)5/3dr + Z ρe(r)VN(r)dr +1 2 ZZ ρe(r)ρe(r0) |r − r0| drdr0. (3.19) Le premier terme de l’´Equation 3.19 correspond `a l’´energie cin´etique d’un gaz d’´electrons libres, le deuxi`eme terme `a l’interaction de Coulomb entre les noyaux et les ´electrons et le dernier terme `a l’interaction de Coulomb entre les ´electrons. Bien qu’int´eressant par son approche, le mod`ele de Thomas–Fermi ne parvient pas `a d´ecrire correctement les orbitales ´electroniques. Deux lacunes expliquent cet ´echec : (1) le mod`ele de Thomas–Fermi ignore compl`etement les termes d’´echange et de corr´elation ´electroniques et (2) l’´energie cin´etique est calcul´ee comme celle d’un gaz d’´electrons libres.

Apr`es avoir ´et´e mise de cˆot´e pendant trois d´ecennies, l’id´ee de Thomas et Fermi renaˆıt grˆace au travail deHohenberg & Kohn(1964). Ces auteurs ont prouv´e que pour un syst`eme `a plusieurs ´electrons la densit´e ´electronique ρe(r) d´etermine uniquement l’hamiltonien et donc toutes les propri´et´es du syst`eme.

Le th´eor`eme de Hohenberg et Kohn pose les bases de la DFT, mais ne permet pas en soi de calculer l’´etat ´electronique d’un syst`eme. C’est l`a qu’intervient la m´ethode de

Kohn & Sham (1965). Cette m´ethode consiste `a transformer un syst`eme o`u N ´electrons interagissent ensemble en un syst`eme ´equivalent de N ´electrons qui n’interagissent pas ensemble. Ainsi, comme dans la m´ethode de Hartree–Fock, on obtient N ´equations d’onde `a un ´electron,

ˆ

FKSφi = iφi, (3.20)

o`u ˆFKS est l’op´erateur de Kohn–Sham,

ˆ FKS =− 1 2∇ 2 ri + Z ρe(r) |ri− r|dr + Vxc(ri)− M X j=1 Zj |ri− Rj|. (3.21)

Les quatre termes du membre de droite de l’´Equation3.21correspondent respectivement `a l’´energie cin´etique de l’´electron i, `a l’´energie d’interaction avec les autres ´electrons, `a δExc

δρe (o`u Exc est l’´energie d’´echange et de corr´elation avec les autres ´electrons) et `a l’´energie d’interaction avec les noyaux. Pour faire le pont entre les fonctions d’onde φi et la densit´e

ρe(r), on calcule simplement ρe(r) = N X i=1 X σ |φi(r, σ)|2. (3.22)

Pour trouver ρe(r), il suffit de trouver une solution coh´erente au syst`eme d’´equations constitu´e des ´Equations 3.20 `a 3.22. Si l’on connaissait exactement la fonctionnelle Vxc pour le terme d’´echange-corr´elation, l’approche de Kohn–Sham conduirait `a une solution exacte de l’´equation de Schr¨odinger. Or, ce n’est pas le cas : Vxc doit ˆetre approxim´ee, ce qui introduit une erreur dans les calculs.

3.3.2 Fonctionnelles d’´echange-corr´elation

Comme l’´energie d’´echange-corr´elation constitue la seule approximation inh´erente `a la m´ethode de Kohn–Sham, la qualit´e des r´esultats obtenus avec la DFT d´epend fortement de la justesse de la fonctionnelle d’´echange-corr´elation choisie. La fonctionnelle d’´echange- corr´elation doit `a la fois satisfaire `a des conditions physiques de base (par exemple, l’´energie d’´echange et l’´energie de corr´elation ne peuvent ˆetre positives) et permettre de reproduire des r´esultats exp´erimentaux aussi pr´ecis´ement que possible. En se basant sur diff´erents mod`eles physiques, plusieurs auteurs ont propos´e des fonctionnelles d’´echange-corr´elation, de sorte qu’au fil des ans un v´eritable zoo de fonctionnelles s’est form´e (voir par exemple

Perdew et al.,2005).

La fonctionnelle la plus simple est celle r´esultant de l’approximation de la densit´e locale (LDA). Dans le cadre de cette approximation, l’´energie d’´echange-corr´elation Exc est celle d’un gaz uniforme d’´electrons et ne d´epend donc que de la densit´e ρe. La contribution d’´echange `a Exc poss`ede alors une forme analytique exacte et la contribution de la corr´e- lation est obtenue `a partir de calculs Monte-Carlo quantiques (voir par exempleCeperley & Alder,1980).

Au-del`a de la LDA, on utilise l’approximation des gradients g´en´eralis´ee (GGA). Cette approximation est plus sophistiqu´ee que la LDA, puisque Exc d´epend alors du gradient de la densit´e∇ρe en plus de la densit´e ρe elle-mˆeme. Ainsi, une certaine information sur les variations spatiales de la densit´e ´electronique est incluse dans le calcul de l’´energie d’´echange-corr´elation. Plusieurs fonctionnelles GGA existent : la fonctionnelle PBE (Per-

dew et al., 1996) sera fr´equemment utilis´ee dans ce travail (Chapitres 4, 5 et 9).6 Notons

qu’il existe aussi des fonctionnelles plus complexes que la GGA, c’est-`a-dire des fonction- nelles qui d´ependent d’autres variables que ρe et∇ρe. Nous n’en ferons toutefois pas usage dans cette th`ese.

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