• Aucun résultat trouvé

Quelques théories Σ -complètes

Résultats fondamentaux de calculabilité

3.5 Le premier théorème d’incomplétude de Gödel

3.5.5 Quelques théories Σ -complètes

Par ailleurs, de (2) et à nouveau de`T G, on déduit parmodus ponensque :

`T ¬DemT £

pGq/x0¤

. (4)

Toujours parmodus ponensAétant une abréviation pourA→ ⊥) on déduit de (4) et (3) que :

`T ⊥.

On a bien par contraposée que siT est cohérente, la formuleGn’est pas prouvable, et doncGest vraie d’après (1).

3.5.5 Quelques théories Σ -complètes

Les formulesΣ0vraies.

La théorieΣ-complète minimale est celle dont les axiomes sont toutes les formulesΣ0vraies dansN. C’est une théorie dont il serait assez facile de voir directement qu’elle est effectivement axiomatisable : vérifier qu’une formuleΣ0est vraie est décidable par la procédure brièvement décrite au paragraphe précédent.

Il est cependant possible de donner un système d’axiomes, qui reste infini, et bien entendu déci-dable, mais plus simple à décrire formellement. La théorie Rest la théorie axiomatisée par les cinq schémas d’axiomes :

R1,n,p ¬n=p, pourn6=p,n,p∈N; R2,n,p n+p=n+p, pourn,p∈N; R3,n,p n·p=n·p, pourn,p∈N; R4,n,p np, pournp,n,p∈N; R5,nx£

xn→(x=0∨ · · · ∨x=n)¤

, pourn∈N.

Lemme 3.5.10 La théorieRa pour conséquence les énoncés suivant : i. R` ∀x£

xn↔(x=0∨ · · · ∨x=n)¤

, pour n∈N. ii. R` ¬np, pour p<n, n,p∈N.

Démonstration. On aipar R5pour le sens direct, R4pour la réciproque. On aiipar R5et R1.

Proposition 3.5.11 La théorieR de Robinson est exactement la théorie qui a pour axiomes tous les énoncésΣ0vrais. Elle estΣ-complète et c’est la plus petite théorie cohérenteΣ-complète.

Démonstration. Tous les axiomes de Rsont évidemmentΣ0. Réciproquement on montre par induc-tion qu’un énoncéΣ(voir section3.1.4 page 56) vrai est conséquence de R, a fortiori un énoncéΣ0

vrai. Plus précisément on montre par induction que pour toute formuleFqui estΣet a pour variables libresx1, . . . ,xk, siN|=F[n1, . . . ,nk] alors R`F[n1, . . . ,nk].

— Supposons que F soit une formule atomique ou une négation de formule atomique. Par les axiomes R2et R3on se ramène au cas où les termes en jeu sont des numéraux. Dans le cas d’une égalité, comme la formule est vraie les deux termes de l’égalité sont identiques. Dans le cas d’une inégalité on conclut par R4. Dans le cas d’une négation d’égalité on conclut par R1. Dans le cas d’une négation d’inégalité, on conclut par le lemme précédent (ii).

— Supposons queFest (F1F2), ou bien (F1F2). Le résultat se déduit de l’hypothèse d’induction surF1etF2.

— Supposons queFest∀yt G. On est ramené après substitution à une formule du typeyn G0 par R2et R3, on conclut par le lemme précédent (i), et l’hypothèse d’induction surGutiliséen+1 fois.

— Supposons queFest∃y G, et (on notexpourx1, . . . ,xk),N|=F[n/x]. Alors pour un certain entier p,N|=G[p/y,n/x] et on conclut par hypothèse d’induction.

Cette théorie très faible est naturellement incomplète. Par exemple il est quasi immédiat, en construi-sant un modèle ad hoc qu’une formule aussi simple que∀x¬s x=xn’y est pas démontrable, ni bien sûr sa négation qui est fausse dansN. Mais le premier théorème de Gödel –il existe une formule vraie dans Nqui n’est pas démontrable –, vaut pour toute extension effectivement axiomatisable et cohérente de R.

D’un point de vue sémantique, les axiomes R1,n,p, R2,n,p, R3,n,p et R4,n,p expriment que la partie standard de tout modèle de ces axiomes est isomorphe àN. Les axiomes R5,n expriment qu’un entier inférieur à un entier standard est forcément standard, ou, dit autrement, qu’un entier non standard ne peut être inférieur à un entier standard.

Le systèmeRde Robinson.

Pour certains résultats, en particulier pour le théorème de Gödel-Rosser, un renforcement du théo-rème de Gödel, on aura besoin d’ajouter à Run schéma d’axiomes qui n’est pasΣ1. Le système R est le système Rauquel on ajoute le schéma d’axiomes :

R6,nx(nxxn) pourn∈N.

La théorie R est donc évidemmentΣ-complète.

On montrera le théorème de Gödel-Rosser — il existe une formule qui n’est pas démontrable et dont la négation n’est pas démontrable — pour tout extension cohérente effectivement axiomatisable de R.

D’un point de vue sémantique les axiomes R6,nexpriment que dans un modèle de R, un entier stan-dard et un entier non stanstan-dard sont toujours comparables, soit, modulo les autres axiomes de R, un entier non standard est toujours supérieur à un entier standard.

L’arithmétique finieQde Robinson.

Un système fini d’axiomes très simple a pour conséquence les schémas précédents. C’est la théorie Q définie par les neuf axiomes qui suivent.

Q1x¬sx=0 ;

Q2xy(sx=syx=y) ; Q3x(¬x=0→ ∃y x=sy) ; Q4x x+0=x;

Q5xy x+sy=s (x+y) ;

Q6x x·0=0 ;

Q7xy x·sy=x·y+x; Q8xz xz+x;

Q9xy(xy→ ∃z y=z+x).

Les deux derniers axiomes établissent juste la définition usuelle de la relation≤à partir de l’addi-tion. On pourrait choisir une axiomatisation plus directe de cette relation, mais en prenant garde que les R5,nsoient conséquences des axiomes obtenus.

3.5. Le premier théorème d’incomplétude de Gödel(v. provisoire 28 octobre 2021 13: 33) 81

Il serait également possible, de restreindre le langage à la signature (0, s ,+,·), d’axiomatiser la théo-rie par les 7 premiers axiomes (c’est d’ailleurs la théothéo-rieQoriginale de Robinson) et de définir l’ordre par∃z y=z+x.

Proposition 3.5.12 La théorieRest conséquence de la théorieQ· En particulier la théorieQestΣ-complète.

Démonstration. Les preuves se font la plupart du temps par récurrence (sur les entiers du meta-langage, la théorie Q ne possède pas d’axiome de récurrence !).

R1 On montre par récurrence surpque pour tout entiern, sin6=p,`Q¬n=p. p=0: on a bien pourn6=0,`Q¬n=0 par Q1(tout successeur est non nul) ;

pp+1: : on suppose`QR1,n,p pour toutn. On veut montrer que pour tout entiern,`Q

R1,n,p+1, soit

sin6=p+1, alors `Q¬n=sp. Sin=0, on a le résultat par Q1.

Sin6=0, alorsn=sn−1. Par injectivité du successeur (Q2), il suffit de montrer¬n−1=pqui suit de l’hypothèse de récurrence.

R2 Par récurrence surpen utilisant Q4et Q5.

R3 Par récurrence surpen utilisant Q6, Q7et les R2,n,p. R4 Par les R2,n,pet Q8.

R5 Par récurrence surn.

n=0: dex≤0 on déduit par Q9unztel quez+x=0. Or par Q3, Q5et Q1

`Quvu=0→ ¬v+u=0) . La contraposée donne bienx=0.

nn+1: on suppose`Qx£

xn→(x=0∨ · · · ∨x=n)¤ (R5,n).

On raisonne dans Q. Supposonsx≤sn. Si¬x=0, par Q3, on a unytel quex=sy, et par Q9

unztel quez+x=z+sy=sn. Par Q5et l’injectivité du successeur (Q2) on az+y=n, donc par Q8et l’hypothèse de récurrence,y=0∨ · · · ∨y=n:

¬x=0,x≤sn`Qx=s 0∨ · · · ∨x=n+1 . On a bien montré R5,n+1.

R6 Par récurrence surn.

n=0: `Qx0≤xpar Q4et Q8;

nn+1: on suppose`Qx(nxxn) (R6,n). Pour montrer R6,n+1, distinguons suivant quexest nul ou non ;

x=0: on a 0≤snparR4,n;

¬x=0: par Q3, on a uny tel quex=sy; par hypothèse de récurrencenyyn; pour conclure il suffit de montrer que∀xy(x≤y→sx≤sy), qui découle par Q8et Q9de :

z+x=y`Qz+sx=s (z+x)=sy relation elle-même obtenue par Q5.

À nouveau cette théorie est naturellement incomplète. Un énoncé aussi simple que∀x0+x=xn’est pas démontrable dans Q (il suffit d’exhiber un contre-modèle ad hoc). Mais l’incomplétude vaut pour toute théorie qui étend Q, et le fait que Q est finiment axiomatisable sera exploité (surtout en vue de résultats d’indécidabilité).

L’arithmétique de Peano.

L’arithmétique de PeanoP est essentiellement l’arithmétique de Robinson à laquelle on ajoute le schéma d’axiomes de récurrence :

schéma d’axiomes de récurrence Pour tout prédicatP(x,x1, . . . ,xp) du langage de l’arithmétique (on notea=a1, . . . ,ap) :

a¡

P[0,a],y¡

P[y,a]⇒P[s y,a]¢

⇒ ∀x P[x,a]¢ .

On peut ommettre l’axiome Q3qui se démontre par récurrence. On vérifie facilement que l’ensemble des axiomes de récurrence, et donc de l’arithmétique de Peano, est décidable.

Proposition 3.5.13 L’arithmétique de Peano est effectivement axiomatisable et a pour conséquence la théorieR, en particulier elle estΣ-complète.

Démonstration. Il suffit de montrer que Q est conséquence deP, ce qui est évident.

3.5.6 Σ-cohérence

Le premier théorème d’incomplétude avait été présenté par Gödel comme un résultat d’indécida-bilité logique : la conclusion est qu’il existe une formuleGqui n’est pas démontrable et dont la né-gation n’est pas démontrable. Pour cela Gödel utilisait une hypothèse de cohérence supplémentaire, la ω-cohérence (voir exercice) dont le seul usage est d’assurer que la négation d’une formuleΠ1vraie n’est pas démontrable.

On introduit une hypothèse analogue, laΣ-cohérence, qui est conséquence de laω-cohérence mais un peu plus faible, voir exercice.

Une théorieT est diteΣ-cohérentequand tous les énoncésΣ1démontrables dansT sont vrais : PourFΣ1, si `T F, alorsN|=F.

C’est bien une hypothèse de cohérence, puisqu’une conséquence est que les énoncésΣ1faux ne sont pas démontrables. Elle est plus forte que l’hypothèse de cohérence simple. Prenons par exemple la théorie Q de Robinson (n’importe quelle théorie effectivement axiomatisableΣ-complète et cohérente conviendrait), dont on suppose sans mal qu’elle est cohérente. D’après le théorème de Gödel il existe une formule vraieGΠ1telle que Q∪{¬G} est cohérente. Alors¬Gest démontrable dans Q∪{¬G}, mais

¬GestΣ1et fausse.

L’hypothèse deΣ-cohérence est l’hypothèseN|=Epour tout énoncéEdémontrable, restreinte aux énoncésEΣ1. Elle bien plus faible que cel’hypothèse que tous les énoncés démontrables sont vrais. En particulier elle peut se coder dans l’arithmétique : la vérité des formulesΣ1est arithmétique, et même Σ1.

Lemme 3.5.14 SiT est une théorieΣ-cohérente, et G est un énoncéΠ1vrai, alors¬G n’est pas démon-trable dansT.

Démonstration. SiG est un énoncéΠ1vrai, alors¬Gest un énoncéΣ1faux, qui ne peut donc être démontrable dans une théorieΣ-cohérente.

En appliquant ce lemme à la conclusion du premier théorème d’incomplétude3.5.8 page 78, on en obtient un avatar plus proche de la formulation originale.

Corollaire 3.5.15 (premier théorème d’incomplétude de Gödel pour les théoriesΣ-cohérentes) SoitT une théorie effectivement axiomatisable cohérente,Σ-complète etΣ-cohérente. Alors il existe une formule Π1G telle que :

0T G et0T ¬G.

On appelleénoncé indécidable2dansT un énoncéGvérifiant0T G et0T ¬G. SiGest un énoncéΠ1

qui est indécidable dans une théorieΣ-complète, alorsGest forcément vrai. En effet sinon sa négation, étantΣ1et vraie, serait démontrable dansT parΣ-complétude. L’énoncé d’incomplétude3.5.15a donc facilement pour conséquence l’énoncé3.5.8dans le cas des théoriesΣ-cohérentes.

2. Ce sens de « indécidable » est tout à fait différent de son sens algorithmique, celui invoqué, par exemple, quand on parle de théorie indécidable à la section3.4.1.