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Les interprétations conventionnelles de la géologie sont souvent trop détaillées dans le cas de simulations appliquées et ne reproduisent pas fidèlement les per-formances des réservoirs [Slatt & Hopkins, 1990].

a. Une question d'échelle…

Plus d'une quinzaine d'années plus tard, les auteurs de cette affirmation n'ont pas complète-ment tort. En effet, l'intégration directe de la géologie dans des simulations numériques à objectif pétrolier ou hydrogéologique reste un exercice complexe.

Kostic et al. [2005] ont réussi à mener à bien cette opération sur une géométrie de type Gil-bert Delta. Après avoir étudié scrupuleusement une zone de quelques centaines de mètres carrés grâce à la réalisation de cinq forages et de plusieurs profils radar, un modèle faciologi-que "déterministe" a été construit. Ce dernier reproduit fidèlement les géométries et la distri-bution des perméabilités sur un bloc en 3D de dimensions : 13.512 m sur 26 m d'épaisseur [Becht et al., in press, corrected proof].

Dans les cas plus fréquents, l'approche de l'hétérogénéité conserve un caractère expérimental théorique assez marqué. Riches d'informations, les modèles simulant l'hétérogénéité peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers de mailles. Par exemple, Ababou & Al-Bitar [2004] analysent la position de l'IEDS en fonction de l'hétérogénéité sur un modèle d'un million de mailles. Ces approches scientifiques ne peuvent être que difficilement appliquées lors de modélisations régionales et nécessitent l'utilisation de méthodes de changement d'échelle (upscaling). Pour une revue de littérature sur le thème du changement d'échelle, voir Renard & de Marsily [1997] et Noetinger et al. [2005].

b. Bilan des données traitées concernant la plaine du Roussillon Afin de se recentrer sur la problématique du Roussillon qui s'étend sur 800 km2 et plus de 200 mètres de profondeur, les différentes données disponibles sont énumérées ci-dessous :

 géologie : information géologique corrélée de points à points définissant des unités sé-dimentologiques. Néanmoins, le découpage en unités sédimentologiques présente un inconvénient à prendre en considération : il n'existe pas de distinction au sein du Plio-cène continental alors que ce dernier abrite deux nappes réputées indépendantes (en Salanque : "nappe 3" et "nappe 4") ;

 connaissance des axes de drainage, des zones de subsidence et d'accommodation [Du-vail et al., 2001] ;

 informations qualitatives sur les propriétés hydrogéologiques des unités sédimentolo-giques (eg : P3sab semble productif tandis que PTQ2arg ne l'est pas) grâce à l'étude des crépines et des diagraphies de production ;

 hétérogénéités intrinsèque et extrinsèque de la production des unités sédimentologi-ques (eg : sur une même verticale, P2sab n'est pas toujours productif et lorsqu'il est productif, les arrivées d'eau peuvent être hétérogènes ou homogènes) ;

 valeurs de transmissivité sur l'ensemble de la plaine, mais ne caractérisant pas les uni-tés sédimentologiques de manière indépendante, sauf cas exceptionnel. Toutefois, une méthode quantitative aurait pu être développée à partir des diagraphies de production : lorsque l'ensemble d'un forage est crépiné de manière continue, la perméabilité peut-être déduite du débit spécifique radial. Cette méthode n'a pas été développée en raison de la variabilité spatiale de la perméabilité ;

 exploitation commune de plusieurs unités sédimentologiques sur un même ouvrage. Au vu de ces informations et du fait de l'exploitation de 29 unités sédimentologiques, bien que certaines conservent un caractère marginal ou soient semblables à d'autres unités (tableau 3, p. 103), il s'avère nécessaire d'adopter certaines hypothèses1 afin de conceptualiser le modèle hydrogéologique.

Certaines approximations sont toujours nécessaires afin d'avancer dans la compréhension d'un système. Ces étapes doivent intégrer (i) les limitations liées à la puissance de calcul, (ii) les problèmes de calage (caler un modèle de 29 couches sans données précises sur chaque couche n'est pas prudent), (iii) le lissage et l'homogénéisation de la connaissance, (iv) et dans le cas du Roussillon, la présence de forages recoupant plusieurs unités sédimentologiques.

Les approximations suivantes pourront être admises :

 la structure sédimentologique du littoral doit être conservée, afin de déterminer la vul-nérabilité des aquifères face aux intrusions salines, mais il est difficile d'intégrer l'en-semble des données sur les prismes quaternaires marins ;

 P5 est toujours exploité avec le PC. Pour plus d'homogénéité, cette unité doit être re-groupée avec le PC ;

 P2cont (deux observations au nord de Rivesaltes 10911x0148 et 10911x0166) correspond à des niveaux du Pliocène continental liés au prisme sableux 2. Pour plus d'homogé-néité, cette unité doit être regroupée avec le PC ;

 PT1sab (une observation sur le forage de Thuir 10963x0019) présente une incertitude d'interprétation. Pour plus d'homogénéité, cette unité sera rattachée à P1sab ;

 dans la partie Ouest du bassin, les prismes marins pliocènes sont très souvent exploités de manière concomitante. En fonction du logiciel utilisé (fonction multiwell aquifer disponible ou non), il faudra regrouper l'ensemble de ces prismes. Les zones où les prismes sableux se superposent sont représentées sur la figure 23 (p. 86) ;

 dans la partie Est du bassin, les prismes sableux pliocènes ne sont pas souvent exploi-tés et semblent être peu productifs. Ces formations devront être regroupées dans un ensemble potentiellement peu perméable ;

 une anisotropie de la perméabilité devra être attribuée sur l'ensemble du bassin afin de reproduire l'existence de couches peu perméables horizontales. Dans le Pliocène conti-nental, en raison de l'existence de systèmes chenalisés individualisés, le tenseur de perméabilité devra présenter des valeurs plus fortes dans la direction Est-Ouest. Cette valeur devrait diminuer dans l'axe nord-sud et être faible sur l'axe vertical. Pour le

1

Toutes les évolutions conceptuelles sont intégrées en complément dans les BD. L'information originelle est conservée et reste accessible au sein de la même BD.

Pliocène marin sableux, dans les zones de superposition de prismes, il sera aussi perti-nent d'intégrer un tenseur de perméabilité déformé par l'anisotropie.

c. Enseignements des études pétrolières

Bien que l'exploitation d'un champ pétrolier diffère de l'exploitation d'un système aquifère, certaines analogies doivent être soulignées.

A la suite de l'inventaire de nombreuses données hydrogéologiques, une situation paradoxale est mise en évidence à l'échelle du bassin du Roussillon : la stratigraphie séquentielle ne permet pas de construire un modèle conceptuel hydrogéologique car les écoulements d'eau ne sont pas seulement contraints par la structure et la géométrie des unités sédimentaires. Dans le cas du Roussillon, il apparaît clairement que certains processus annexes, non identifiés par étude de type stratigraphie séquentielle, influencent nettement l'hydrodynamique.

Il semble que les limites classiquement utilisées par les sédimentologues (Maximum Flooding Surface, Sequence Boundary…) ne soient pas directement adaptées à la détermination de formations aquifères.

Pourtant, Larue & Legarre [2004] comparent différentes modélisations d'exploitation pétro-lière d'un réservoir deltaïque présentant des similitudes avec celui du Roussillon. Trois mé-thodes de spatialisation et de modélisation ont été mises en parallèle :

 méthode géostatistique, basée sur les informations de forages (proportion argile / sable et porosité effective) afin d'en déduire une perméabilité maille par maille ;

 méthode faciologique, basée sur les données ci-dessus et incluant une cartographie de la qualité des sables (calcul basé sur les courbes gamma-ray et densité) ;

 méthode de stratigraphie séquentielle, basée sur les données ci-dessus et intégrant aus-si l'épaisseur et l'extenaus-sion des différentes paraséquences.

Il apparaît que seule la troisième méthode reproduit très fidèlement l'historique d'exploitation du champ pétrolier, car les zones cibles ont été identifiées en tenant compte de la localisation des plaines d'inondation.

d. Problème du choix de la méthode utilisée dans le cas du Roussil-lon

Dans le cadre de l'étude du bassin du Roussillon, la méthodologie du "stacking pattern" a été utilisée (voir p. 52), mais malheureusement sans quantification numérique des données de puits1. En effet, les données de diagraphie ont toutes été décrites de manière relative appuyées sur des descriptions lithologiques de fiabilité variable.

Par exemple, la succession verticale d'argile, de silt puis d'argile pourrait être corrélée avec une succession de silt, de sable puis de silt car le signal sédimentaire de la diagraphie est identique. Dans ce cas, il s'agit d'une baisse suivie d'une remontée relative du niveau de base. Les implications en terme d'hydrogéologie ne peuvent être négligées en raison de la diver-gence entre la définition des unités sédimentologiques et les informations de production des forages. Il est alors logique de se poser la question de l'utilité des limites subjectives basées

sur une même dynamique sédimentaire mais regroupant des faciès variables à l'origine d'une hétérogénéité au sein des écoulements.

Il apparaît que la stratigraphie séquentielle est pertinente pour la délimitation de diverses unités à dynamique sédimentaire commune, mais au sein de ces unités une hétérogénéité persiste, qui peut être liée à une diagenèse différentielle (cimentation, compaction…) ou à l'influence du forage (boue de forage mal utilisée, perturbation lors du forage…). Rappelons qu'une variation mineure dans la porosité entraîne des changements très significatifs sur la perméabilité : la taille des particules d'argile est similaire à l'espace inter-granulaire [Poston et

al., 1983].

En conclusion, pour plus de clarté, une cartographie des faciès fondée sur une étude quantita-tive (porosité, proportion sable / argile) des diagraphies aurait dû précéder et contraindre l'élaboration des corrélations de stratigraphie séquentielle.

4.3. Nomenclature historique du Roussillon

La correspondance entre les dénominations historiques de l'hydrogéologie de la plaine du Roussillon et les unités sédimentologiques sont présentées dans le tableau ci-dessous. Pour la description détaillée des nappes, il sera nécessaire de se référer au chapitre II de la partie I (p. 38).

Unités

sédimentologi-ques Description succincte Localisation géographique Age

Dénomination du référentiel hydro-géologique Nappes Historiques du Roussillon (de la plus superficielle à la plus pro-fonde) HC

Nappe libre localisée dans la zone littorale. Sans réelles perspecti-ves hydrogéologiques. Exploitée pour l'irrigation

des campings littoraux.

Littoral Holocène 146 Nappe 1

HC - TQ

Nappe libre alluviale. Exploitée par les forages

d'irrigation et pour l'AEP dans certains secteurs

(St-Féliu d'Amont, St -Cyprien).

Particulièrement développée autour des lits des fleuves

Pléistocène

indifférencié 146 Nappe 2

Prismes marins quater-naires

-

Chenaux supérieurs du Pliocène Continental

Première nappe captive d'une vingtaine de mètres de puissance en moyenne. Se développe entre les cotes 40 et 80 mètres. Productivité très

intéressante.

Très souvent spécifique à la Salanque.

Ce terme est quelque fois utilisé sur l'ensemble de la plaine afin de désigner la "nappe

intermé-diaire", localisée entre nappe libre et nappes profondes.

Pléistocène - Pliocène 225 Nappe 3 Chenaux inférieurs du Pliocène continental -

Prismes marins pliocè-nes

- Miocène

Ensemble des nappes captives profondes, utilisées majoritairement

pour l'AEP. Productivité

intéres-sante.

Sous toute la plaine du Roussil-lon. Profondeur croissante

d'Ouest en Est.

Pliocène - Miocène

225 Nappe 4

*

* *

Base de données, stratigraphie séquentielle et hydrogéologie

L'élaboration des bases de données hydrogéologiques et hydrodynami-ques a permis une mise à jour des opérations de forage menées dans le Roussillon. Ces données sont utilisées afin de déterminer les propriétés aquifères des différentes unités sédimentologiques.

A la suite de ces investigations, les unités suivantes peuvent être considé-rées comme aquifères :

> TQ (terrasses quaternaires) : à proximité des fleuves côtiers. Cette unité sédimentologique correspond à l'aquifère 146 (référentiel hydrogéo-logique) et à la nappe 2, sur le point de vue historique ;

> PC (Pliocène continental) : au sein des systèmes chenalisés confinés dans une matrice de plaine d'inondation dominante. Les forages sont principalement localisés dans l'Est de la plaine du Roussillon, à proximité de la côte. Cette unité sédimentologique correspond à l'aquifère 225 et aux nappes 3 et 4. La nappe 3 est uniquement définie en Salan-que ;

> P4sab - P3sab - P2sab - P1sab (Pliocène marin sableux) : exploi-tés régulièrement de manière concomitante. Les forages sont principale-ment localisés dans l'Ouest de la plaine du Roussillon. Cette unité sédi-mentologique correspond à l'aquifère 225 et à la nappe 4 ;

> dans une moindre mesure, P4pal et P3pal : niveaux palustres as-sociés aux prismes du PMS.

A la suite du croisement des données d'hydrogéologie et de géologie, il paraît difficile de baser la géométrie des aquifères en utilisant uniquement les données de stratigraphie séquentielle. D'après la littérature pétrolière, la cartographie et la spatialisation des faciès sont nécessaires lors de l'élaboration des modèles intégrant les études de stratigraphie séquen-tielle.

Chapitre II

Analyse fonctionnelle des aquifères de la plaine