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I.2 Cristallisation induite des élastomères

I.2.3 Approches classiques de la cristallisation des élastomères

I.2.3.1 Théorie classique de la nucléation

La nucléation est un processus associé à une transition de phase du premier ordre au cours de laquelle une phase métastable se transforme localement en une nouvelle phase thermodynamiquement stable. Nous pouvons distinguer trois types de nucléation [76] : nu-cléation primaire homogène [77], nucléation primaire hétérogène [78], et nucléation secon-daire. Dans le cas d’une nucléation primaire homogène, la formation des germes cristallins est due aux seules fluctuations thermiques. Au contraire, pour la nucléation primaire hé-térogène, les germes apparaissent depuis un agent de nucléation présent dans le matériau (par exemple des impuretés). Durant le développement des cristaux, ces derniers peuvent jouer eux-même le rôle d’agent de nucléation, ce qui donne lieu au processus de nucléation secondaire. Un tel mécanisme de nucléation peut se produire lors d’une fusion partielle d’un polymère semi-cristallin suivi par un refroidissement rapide [79] (à noter que la tem-pérature de fusion de polymères semi-cristallins n’est pas bien définie). L’activation d’un mécanisme de nucléation primaire ou secondaire nécessite le franchissement d’une barrière énergétique, ce mécanisme se produit dans la zone métastable de la phase à nucléer. La théorie classique de nucléation développée par Volmer [80], Weber et Farkas [81], Becker et Döring [82] s’appuie sur une approche phénoménologique, et est capable de prédire cer-taines grandeurs thermodynamiques telle que la taille critique du noyau (nucleus), l’énergie d’activation et le taux de nucléation c’est-à-dire le nombre de nucleus formés par unité de temps et de volume [83].

Pour décrire les mécanismes de nucléation et de croissance des cristaux dans les poly-mères à l’état fondu ou sous l’effet d’un champ de forces extérieures comme les contraintes appliquées, nous allons nous appuyer seulement sur le processus de nucléation homogène. L’apparition de germes cristallins à partir de l’état fondu du polymère est favorable thermo-dynamiquement lorsque la phase amorphe devient métastable sous l’effet de la température ou par application de contraintes élastiques sur le système [84,85]. La caractérisation de ce processus s’appuie sur la formulation de l’enthalpie libre ∆G qui contient toutes les contri-butions énergétiques en volume et en surface associées à la formation du germe. Après la formation spontanée d’un germe cristallin suite à une fluctuation, sa croissance ou sa disparition dépend de la variation de l’enthalpie libre en fonction de la taille du germe. Considérons le cas de la cristallisation à froid du polymère T < T0

m (en dessous de la température de fusion des cristallites Tm0 , la phase cristalline est plus stable que la phase amorphe), la variation de l’enthalpie libre associée à la formation d’un germe de rayon r s’écrit :

∆G = −4πr

3

3 ∆Gv+ 4πr

2γ (I.19)

Où ∆Gvest la variation de l’enthalpie libre volumique entre la phase amorphe et cristalline, et γ est la tension de surface du germe. La cristallisation du polymère est induite par la 19

surfusion ∆T = Tm0 − T , la variation de l’enthalpie libre volumique s’écrit alors :

∆Gv = ∆T ∆hm

T0 m

(I.20)

Avec Tm0 la température de fusion d’un cristal parfait et ∆hm l’enthalpie de fusion. Dans l’expression (I.19) deux contributions sont en opposition, l’une correspond à la force motrice de la transition favorable à la formation des germes, car elle prend des valeurs négatives pour les températures inférieures à la température de fusion, et l’autre correspond à la variation d’énergie liée à la formation de l’interface amorphe-cristal qui est toujours défa-vorable à la croissance. L’enthalpie libre de formation possède un maximum qui correspond à l’état limite d’équilibre instable du germe, cet état est caractérisé par le rayon critique de nucléation rc:

rc= ∆Gv

(I.21) L’énergie minimale nécessaire pour former un germe de rayon rc en équilibre instable et correspondant à la barrière d’énergie d’activation ∆G s’écrit :

∆G = 16π 3 γ3 ∆G2 v (I.22)

Bien que le raisonnement qualitatif de la formation de cristallites décrit ci-dessus soit

G

G

*

diminue

G

v

∼ r

3

G

∆ (T )

2

r

c

diminue

r

2

γ ∼ G(T )

1

r

c

(T )

1

r

c

(T )

2

G

∆ *(T )

2

r

∆Τ augmente ( T < T )

1 2

Figure I.9 – Variation de l’enthalpie libre liée à la formation d’un germe sphérique

adapté pour une géométrie sphérique, la description d’autres géométries plus adaptées à la germination dans les polymères peut être obtenue de manière similaire. Dans la théorie classique de nucléation, le taux d’apparition de germes en équilibre par unité de volume et de temps dépend de plusieurs paramètres tels que la fréquence de nucléation, la géométrie de nucleus, l’énergie d’activation . . .. Selon la théorie de Becker-Döring [82], le taux de nucléation par unité de volume I est donnée par la relation suivante :

I = dN dt = K exp  −∆G kbT  (I.23)

Où K est un préfacteur cinétique de dimension m−3s−1 et N le nombre de germes formés. D’après les expressions (I.20) et (I.22), nous constatons que le taux de nucléation augmente avec le terme de surfusion ∆T .

Modèle de croissance lamellaire et nucléation secondaire : Théorie de Lauritzen-Hoffman

La théorie de Lauritzen-Hoffman à été proposée afin d’étudier la cinétique de cristal-lisation à une échelle moléculaire des polymères qui cristallisent à l’état fondu à partir de chaînes repliées [86–88]. Cette théorie est largement utilisée pour décrire le processus de cristallisation en température de polymères flexibles tels que le polyéthylène (PE) [88], le polypropylène isotactique (iPP) [89], le caoutchouc naturel et synthétique [90]. Dans ce qui suit, nous présentons brièvement les principes fondamentaux de cette théorie. Dans cette théorie le processus de cristallisation de polymères à l’état fondu est constitué de trois étapes : la formation du germe primaire dans le fondu suivie par un processus de nucléation secondaire et enfin par la croissance. La formation de germes (monocouche de chaînes repliées de forme parallélépipédique) et le dépôt successif de chaînes sur les sur-faces laterales du germe initial correspondent au mécanisme de nucléation secondaire et de croissance [79,87,88]. En effet, le processus de croissance est assuré par la diffusion des chaînes répliées jusqu’à la surface latérale de croissance ainsi que par le dépôt successif de couches cristallines. Hoffman a montré qu’il existe trois régimes de croissance de lamelles à chaînes repliées selon la valeur de la surfusion [87,88]. Soit Vi la vitesse de dépôt des germes

Régime 1 Régime 2 Régime 3

Figure I.10 – Régimes de croissance cristalline selon la théorie de Lauritzen-Hoffman

secondaires et Vg la vitesse de complétion d’une couche, la vitesse globale de croissance G dépend seulement de ces deux paramètres :

– Régime 1 : Pour les faibles valeurs de surfusion, l’activation du processus de nucléation devient très difficile. En conséquence, la vitesse de remplissage d’une couche Vg est plus grande que la vitesse de dépôt de germes secondaires Vi. En effet, chaque couche est complétée avant la formation d’un nouveau germe. Dans ce cas, la vitesse de croissance globale est proportionnelle à la vitesse de dépôt des germes G∝ Vi. – Régime 2 : Les deux vitesses sont comparables, il y a donc une compétition entre

la croissance latérale et la germination secondaire. Ce régime se manifeste pour les valeurs de surfusion intermédaires, la vitesse de croissance globale s’écrit : G ∝ (ViVg)1/2.

– Régime 3 : Pour les fortes valeurs de surfusion, la vitesse de dépôt des germes devient dominante devant la vitesse de complétion des couches cristallines, la croissance des lamelles est gérée essentiellement par les dépôts de plusieurs germes sur le front cristallin. Dans ce cas, la vitesse de croissance globale s’écrit : G∝ Vi.

La figureI.10représente les trois régimes de croissance de lamelle prédits par la théorie de Hoffmann et al. La vitesse de croissance globale des lamelles peut s’exprimer en fonction de deux contributions qui assurent la croissance : l’une pour caractériser la diffusion des 21

chaînes au sein du fondu et l’autre pour le dépôt des germes secondaires sur le front cristallin, cette vitesse G s’écrit :

G = G0exp(− A T − T ) exp  −∆G kbT 

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