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CHAPITRE II : LES FONDEMENTS THÉORIQUES DE LA DÉCISON

Section 1 Les théoriciens de la décision rationnelle et absurde

Dans cette section nous allons étudier les différents théoriciens de la décision rationnelle et absurde pour la prise de décision comme Herbert Simon, Richard Cyert et James March et Christian Morel.

1-1: Herbert Simon (1916-2011)

Hebert Simon est né le 15 juin 1916 à Milwaukee Wisconsin, et il est mort le 9 février 2001 à Pittsburgh, Pennsylvanie. Il a été prix Nobel d’économie en 1978. Très jeune, il étudie le comportement humain dans l’idée de la décision rationnelle. Il entra à l’université de Chicago en 1933, pour étudier les sciences sociales et les mathématiques. Ses recherches s’intéressent au domaine de la prise de décision dans les organisations, qui fut son sujet de sa thèse en science politique, soutenue en 1943 à l’université de Chicago.

Simon est influencé par l’idée de l’économiste Richard T.Ely, l’auteur du livre the Great illusion et progress and Poverty d’Henry George. Simon fut directeur d’un groupe de recherche à l’université de Californie (Berkely), de 1939 à 1942, et enseigna la science politique à l’Illinois Institute of Technology.

Il intègre en 1949 la Graduate School of Technology de Pittsburgh, son objectif est de développer un enseignement de la vie des affaires sur la recherche fondamentale en économie et en science des comportements humains. Il étudie la théorie générale de Keynes, sur les nouvelles techniques économétriques.

Dans les années cinquante, il découvre le théorème d’Hawkins-Simon en col-laboration avec David Hawkins sur les conditions d’existence d’une solution positive dans les matrices d’entrées- sorties. En 1954, il étudie la meilleure façon de résoudre les problèmes par ce qu’on appelle l’intelligence artificielle.

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Simon a développé le concept de la rationalité limitée, pour analyser le comporte-ment organisationnel et la prise de décision. Ses recherches ont pour dénominateur commun le processus de prise de décision dans les organisations. Il s’intéressera à l’économie, aux sciences politiques, à la gestion, à la psychologie et à l’informatique. Il sera distingué par la qualité de ses travaux. Simon se démarque de la théorie de la décision classique.

Pour Simon, les individus possèdent une rationalité limitée ; en cas d’une prise de décision, ils ne peuvent pas et ne vont pas chercher la solution optimale car cela demande trop d’efforts et de connaissances. Ils vont se contenter d’une solution satisfaisante à leur problème.

Simon propose donc un modèle général de la décision en trois étapes :

- phase d’intelligence : recherche d’information disponible, le décideur ne peut connaître parfaitement toutes les informations pour choisir de manière optimale et rationnelle car celles-ci ne sont pas disponibles ou sont trop coûteuses ;

- phase de conception : élaboration de solutions possibles ;

- phase de sélection : choix proprement dit de la solution adaptée au problème (notion de capacités cognitives limitées).

Nous pouvons rajouter une quatrième pour le contrôle de la mise en œuvre de la décision et de l’exercice éventuel d’actions correctives (feedback). Elle nous semble plus importante, et permet de corriger les erreurs et de valider la solution.

Figure 12 : Modèle de prise de décision [Simon 1977] Information /intelligence

Conception

Sélection /Choix

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À partir de ce modèle, Simon montre qu’un individu rationnel va se contenter de solutions routinières pour régler ses problèmes, car le traitement de l’information issue de l’environnement est une phase complexe, longue et source d’erreurs. Il constate qu’un individu cherche plus une solution satisfaisante adaptée qu’une solution optimale.

Les travaux de Simon sont la référence de toute organisation s’intéressant plus aux décisions réelles qu’aux décisions théoriques. Cette analyse a convaincu les gestion-naires car son modèle de décision n’est utilisé que pour expliquer des sous-domaines de la science économique, comme dans les organisations.

Les dernières préoccupations de Simon ont été l’algorithmique et la psychologie, il cherchait à présenter un contre modèle général à celui de la théorie néoclassique. Sa volonté est de divulguer sa pensée et son programme de recherche, c’est ainsi que de nombreux acteurs s’inscrivent dans la filiation de Simon (Kahneman et Tversky, Munier, Orléan…) et cherchent à proposer des modèles plus réalistes de décision.

1-2 : Richard Cyert et James March

Richard Cyert et James March sont deux professeurs de management, disciples de Simon. Ils publient en 1963, un célèbre ouvrage « A behavioral theory of the firm ». Cyert et March sont proches de Simon, co-auteurs et s’intéressent aux décisions importantes prises dans l’organisation. James March et Simon ont élaboré ensemble un modèle d’organisation basé sur la participation des acteurs aux décisions selon le schéma suivant : contribution / rétribution.

Cyert et March décrivent que le comportement de la firme peut être résumé en quatre concepts fondamentaux et trois catégories de variable.

Les quatre concepts sont en étroite relation avec les trois catégories de variables qui sont :

- la résolution des conflits, laquelle dans une organisation est composée de coalitions de membres ayant des buts différents, il est primordial de mettre en place des procédures de résolution des conflits (rationalité locale : chaque entité de coalition résoud ses propres problèmes, et le traitement séquentiel des problèmes sans avancer trop brutalement à la résolution des conflits) ;

- l’élimination de l’incertitude, une organisation cherche à éliminer d’une façon progressive les multiples incertitudes qui l’entourent (par des calculs des espérances de cash flow) ; et ne cherche pas à transformer l’incertitude en équivalence de certitude. Les organisateurs de la liquidation en 1934 des comptes de la gestion de la Petite Ceinture ont mis leur décision en stimuli : « Elle évitent de devoir prévoir correctement les événements futurs en utilisant des

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règles de décision insistant sur des réactions à court terme à des stimuli à court terme, plutôt que d’anticiper des événements incertains et à long terme. Elles résolvent des questions urgentes plutôt que de développer des stratégies à long terme ».15

Les organisations de la liquidation ont négocié aussi l’incertitude de la performance de la ligne selon l’environnement (concurrence par rapport au métro en 1900) : « Elles évitent de devoir anticiper les réactions futures de leur environnement en essayant de le négocier. Elles imposent à cet environnement des plans, des procédures standard, une tradition des leur branche industrielle et des contrats absorbant l’incertitude. En résumé, elles aboutissent à des situations de décisions relativement gérables en évitant de faire des plans quand ceux-ci dépendent d’événements futurs incertains et en instant sur les plans quand ceux-ci peuvent s’autoconfirmer par quelques système de contrôle ».16

- la recherche de la problématique, qui consiste à chercher les vraies causes de problèmes posés dans l’organisation sans utiliser un masque en dénigrant les ennemis et en étant être indulgent aux amis, il faut voir la réalité en face. Pour les décideurs de la réorganisation de l’exploitation de la ligne en 1900-1934 périodes pour laquelle la ligne commençait à sentir des déclins au niveau du service voyageurs, la recherche des solutions n’existait que lorsque se manifesta le problème à résoudre.

- l’apprentissage, avoir une vision future par un changement de comportement vis-à-vis à l’organisation selon le temps puisque ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être pas demain.

Toutefois, la décision de la fermeture de la ligne le dimanche 22 juillet 1934, s’attache aussi au trois variables de la théorie béhavioriste de la firme sur l’organisation de la fermeture de l’emprise ferroviaire fondée sur les objectifs organisationnels recherchés, les anticipations organisationnelles des décideurs et les choix organisationnels.

Comme nous étudions dans cette thèse la situation financière et comptable de la Petite Ceinture, nous allons chercher à connaître le processus comportemental qui a poussé les décideurs et les gestionnaires de l’infrastructure de la Petite Ceinture ferroviaire à prendre des décisions pour une fermeture définitive de la ligne en 1934 (décision absurde de Christian Morel).

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Michel Ghertman, la Prise de Décision, collection Perspective Multinationale 1981, p.107.

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1-3: Christian Morel (2002-2012)

Christian Morel est un essayiste et sociologue français. Il a commencé à travailler dans des grandes entreprises industrielles françaises comme Renault et Alcatel. En 1976-1984, il était directeur des ressources humaines de la Division Véhicules Utilitaires de Renault, puis dans différents postes fonctionnels et opérationnels dans la fonction ressources humaines à Renault Véhicule Industriels, 1984-1987 chez Alcatel et depuis 1988 chez Renault.

Il a été membre nommé du Comité National de la Recherche Scientifique. Il est membre des Comités de rédaction des revues Gérer et Comprendre et Négociation. Il intervient dans divers séminaires de recherche et différents instituts pour présenter ses réflexions (HEC, Ecole Militaire, Centre de Sociologie des organismes, Fondation Saint Simon, Université de Genève, etc.).

Licencié en Sciences économiques en 1970, diplômé de l’institut d’Études politiques de Paris en 1971, ancien élève post-graduate de l’Université du Wisconsin (1971-1972) et Docteur en Sciences politiques en 1974.

Christian Morel poursuit ses réflexions sociologiques sur la négociation, la décision et la communication. Il a écrit plusieurs articles de revue sur la sociologie du travail, et le droit social ; il y réfléchit dans d’autres ouvrages comme la grève froide publié en 1981 (Éditions d’organisation, réédité en 1994 aux Éditions Octares), les décisions absurdes tome I (Éditions Gallimard), et en novembre 2007 il publie l’enfer de l’information ordinaire (Gallimard Bibliothèque des sciences humaines) dans lequel il étudie le langage et le mécanisme des modes d’emploi, les tableaux de commandes, les graphismes et les pictogrammes.

En 2013, il publie la suite des décisions absurdes, comment les éviter. Ce nouveau ouvrage « décisions absurdes tome II » définit les erreurs radicales et persistantes des décideurs tirées à de faits réels, et analysées sous trois angles :

- l’interprétation cognitive, qui met en évidence des erreurs élémentaires de raisonnement ;

- l’explication collective, relevant des systèmes d’interactions qui enferment les protagonistes dans une solution absurde ;

- l’explication téléologique, qui montre la perte du sens à différentes étapes de l’action.

Ces ouvrages sont devenus une référence pour les spécialistes des relations sociales, des gestionnaires, des économistes, des financiers et dans tout le monde des affaires.

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